Critères de qualification de l’agent commercial

YVER Katia

Avocat

CA Paris, 29 novembre 2018, n°17/07784

L’application du statut d’agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée. Il incombe à celui qui se prétend agent commercial d’en rapporter la preuve…

Ce qu’il faut retenir : L’application du statut d’agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée. Il incombe à celui qui se prétend agent commercial d’en rapporter la preuve. La qualité d’agent commercial suppose la capacité discrétionnaire offerte à ce dernier de négocier les contrats passés au nom du mandant, le pouvoir de négociation s’entendant comme le fait de disposer de réelles marges de manœuvre par rapport au mandant dans la fixation des conditions contractuelles, notamment tarifaires, et de s’engager à la place de son mandant. L’absence de pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de son mandant et de représenter ce dernier exclut toute application du statut d’agent commercial.

Pour approfondir : À partir de 1999, la société A, spécialisée dans le conseil, la représentation et la commercialisation de tous produits agro-alimentaires auprès de professionnels de l’agro-alimentaire, dirigée par Monsieur J. K, a été en relation d’affaires avec la société F., spécialisée dans le négoce de produits alimentaires et non-alimentaires tant en France qu’à l’étranger. À partir de 2007, la société L. dirigée par Monsieur L. K., a été intégrée à cette relation. Le 4 février 2015, la société F. a mis fin à sa relation avec les sociétés A. et L. Par exploit du 13 mai 2015, ces dernières ont assigné la société F. devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins d’obtenir le paiement d’arriérés de commissions et des indemnités qu’elles estimaient dues en leur qualité d’agent commercial.

Tandis que la société F. qualifiait la relation entretenue avec les sociétés A. et L. d’intermédiation ou de relation d’apporteur d’affaires, les sociétés A. et L. invoquaient leur qualité d’agent commercial au sens de l’article L.134-1 du Code de commerce en faisant valoir le caractère permanent de leur fonction dans des conditions de totale indépendance, la longue durée de leur collaboration avec la société F. (16 ans), le fait qu’elles agissaient en tant que mandataires de la société F. en produisant des attestations de clients de la société F. démontrant que les sociétés A. et L. étaient considérées comme des agents commerciaux, le fait que les clients s’adressaient directement à ces sociétés qui traitaient leurs demandes moyennant le versement de commissions et que l’absence de faculté « d’abaissement » des prix de vente ne suffit pas à écarter leur qualité d’agent commercial puisque cette faculté « d’abaissement » ne figurait pas dans le mandat et qu’elles auraient commis une faute en modifiant les prix de vente au sens de l’article 1989 du code civil.

Par jugement rendu le 27 mars 2017, le Tribunal de commerce de Paris a débouté les sociétés A. et L. de leur demande visant à se voir reconnaître le statut d’agent commercial. Les sociétés A. et L. ont interjeté appel du jugement.

Par un arrêt rendu le 29 novembre 2018, la Cour d’Appel de PARIS a confirmé le jugement sur ce point en considérant que les sociétés A. et L. n’étaient pas fondées à revendiquer le statut d’agent commercial.

Pour rappel, l’article L. 134-1 du Code de commerce dispose :

« L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, sans être lié par un contrat de louage de services, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de vente, d’achat, de location ou de prestation de services, au nom et pour le compte de producteurs, d’industriels, de commerçants ou d’autres agents commerciaux. Il peut être une personne physique ou une personne morale.

Ne relèvent pas des dispositions du présent chapitre les agents dont la mission de représentation s’exerce dans le cadre d’activités économiques qui font l’objet, en ce qui concerne cette mission, de dispositions législatives particulières ».

Après avoir rappelé ces dispositions légales, la Cour d’appel a rappelé que « l’application du statut d’agent commercial dépend des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée ; qu’il incombe à celui qui se prétend agent commercial d’en rapporter la preuve avec toute la précision nécessaire ».

Cette solution est conforme à une jurisprudence constante qui considère que « le contrat d’agence commerciale étant consensuel, son existence n’est pas subordonnée à un écrit, que l’application du statut d’agent commercial ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties dans le contrat, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leurs conventions, mais des conditions dans lesquelles l’activité est effectivement exercée » (Cass. Com., 21 juin 2016, n° 14-26.938 ; Cass. Com., 27 septembre 2017, n° 16-10.873 et 16-11.507 ; Cass. Com., 10 décembre 2003, n°01-11.923).

La Cour précise, par ailleurs, que « la qualité d’agent commercial suppose la capacité discrétionnaire offerte à ce dernier de négocier les contrats passés au nom du mandant, le pouvoir de négociation s’entendant comme le fait de disposer de réelles marges de manœuvre par rapport au mandant dans la fixation des conditions contractuelles, notamment tarifaires, et de s’engager à la place de son mandant ».

En l’espèce, la Cour a constaté que Monsieur K. mettait en relation la société F. avec des centrales d’achat, que les pièces versées aux débats ne démontraient pas que les sociétés A. et L. avaient une fonction autre que celle de mise en relation, établissant au contraire que ces partenaires négociaient directement avec la société F., et confirmaient « leur rôle d’intermédiaire, en ce qu’elles transmettaient les informations intéressant les relations de F. avec ses partenaires et répercutaient à F. toute demande adressée par les centrales d’achat, mais ne révèlent aucune action de négociation des prix et autres conditions contractuelles » ; que les sociétés A. et L. ne démontraient donc pas qu’elles avaient le pouvoir de négocier les contrats engageant la société F., ni le pouvoir de s’engager pour cette dernière au sens de l’article L.134-1 précité et que « l’absence de pouvoir de négocier des contrats au nom et pour le compte de son mandant et de représenter ce dernier exclut toute application du statut d’agent commercial ».

La Cour a donc confirmé le jugement sur ce point en considérant que les sociétés A. et L. n’étaient pas fondées à revendiquer l’application du statut d’agent commercial.

A rapprocher : Cass. com., 21 juin 2016, n°14-26.938 ; Cass. com., 27 septembre 2017, n°16-10.873 & 16-11.507 ; Cass. com., 10 décembre 2003, n°01-11.923

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