Cass. civ. 3ème, 21 février 2019, n°17-31.101 et 18-11.553
L’adjudicataire d’un immeuble donné à bail est tenu, dès son acquisition, d’une obligation envers le locataire de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué et peut être condamné, in solidum avec l’ancien bailleur, à réaliser lesdits travaux.
En l’espèce, une société titulaire d’un bail sur un immeuble à usage commercial et d’habitation a assigné son bailleur en exécution des travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué. En première instance, le tribunal a fait droit à sa demande et condamné le bailleur à la réalisation desdits travaux. Par un jugement d’adjudication du 7 juin 2016, postérieur à la décision du tribunal, l’immeuble donné à bail a été vendu aux enchères.
En cause d’appel, le locataire a sollicité la condamnation in solidum de l’acquéreur de l’immeuble et de l’ancien bailleur à la réalisation des travaux. La Cour d’appel a accueilli la demande du locataire en considérant que l’acquéreur de l’immeuble était, depuis son acquisition, tenu envers le locataire d’une obligation de réaliser les travaux nécessaires sur l’immeuble donné à bail. La Cour d’appel a en effet considéré que l’acquéreur était tenu des conséquences financières de la condamnation du bailleur initial à exécuter les travaux, dans la mesure où celui-ci avait acquis les droits du saisi dès le jour de l’adjudication. Au surplus, la Cour d’appel a relevé que le jugement de première instance ayant condamné le bailleur avait été annexé au cahier des conditions de vente aux enchères, de sorte que l’acquéreur, qui en était parfaitement informé, était tenu du financement de ces travaux. Ce dernier s’est pourvu en cassation.
Au soutien de son pourvoi, l’acquéreur de l’immeuble a estimé que l’ancien propriétaire n’était pas, malgré la vente de son immeuble, dispensé de son obligation de prendre en charge les travaux qui étaient nécessaires alors qu’il était propriétaire, et dont la charge lui incombait. Il soutenait que l’adjudication de l’immeuble loué n’avait pas opéré, à compter de sa date, transmission à l’acquéreur du contrat de bail la prise en charge financière des travaux qui incombait à l’ancien propriétaire ; de sorte qu’il ne pouvait être tenu de réaliser de tels travaux. Plus encore, celui-ci a estimé que le fait que soit annexé aux conditions de vente le jugement de condamnation à exécuter les travaux par l’ancien propriétaire impliquait que le financement incombait exclusivement à ce dernier.
La Cour de cassation a rejeté le pourvoi et approuvé la Cour d’appel en ce qu’elle a retenu que l’acquéreur du bien était, depuis son acquisition, tenu envers le locataire d’une obligation de réaliser les travaux nécessaires à la délivrance conforme du bien loué, et ne s’en était pas acquitté.
La jurisprudence a toujours considéré que la vente ou l’adjudication d’un immeuble loué ne dispensait pas l’ancien bailleur des dettes auxquelles il était tenu, lorsque celles-ci étaient nées avant la date d’acquisition du bien. A ce titre, la Cour de cassation avait considéré qu’en cas de vente de l’immeuble loué, l’ancien bailleur n’était pas dispensé de son obligation de prendre en charge les travaux qui s’étaient avérés nécessaires lorsqu’il était propriétaire du bien (Cass. civ. 3ème, 14 novembre 2007, n°06-18.430 ; Cass. civ. 3ème, 9 juill. 1970, n°69-10.888).
Toutefois, l’arrêt rendu le 21 février 2019 par la Cour de cassation est novateur en ce qui concerne la condamnation de l’acquéreur. En effet, bien que précisant que l’acquéreur est tenu à la réalisation des travaux « depuis » l’acquisition du bien, la Haute juridiction approuve la condamnation in solidum de l’ancien et du nouveau bailleur à la réalisation des travaux, cette obligation n’incombant pas exclusivement au premier bailleur. L’acquisition du bien loué opère transfert à la charge de l’acquéreur tant du contrat de bail, que de la charge financière des travaux nécessaires à sa délivrance conforme. La condamnation in solidum de l’ancien et du nouveau bailleur permet d’assurer l’effectivité de l’obligation de délivrance prévue à l’article 1719 du code civil.
A rapprocher : Article 1719 du code civil ; Article 1743 du code civil ; Cass. civ. 3ème, 14 novembre 2007, n°06-18.430 ; Cass. civ. 3ème, 9 juill. 1970, n°69-10.888