CAA Douai, 25 avril 2019, société Pajou, req. n°17DA01027-17DA01147
Par un arrêt en date du 25 avril 2019, la Cour administrative d’appel de Douai a censuré un permis de construire délivré pour la réalisation d’un équipement commercial à raison de l’illégalité de la dérogation obtenue pour la création d’un équipement commercial sur le territoire d’une commune non couverte par un Schéma de cohérence territoriale (SCOT) et sur un terrain ouvert à l’urbanisation après le 2 juillet 2003.
Après avoir estimé que « le projet contesté doit être regardé comme nuisant à la protection des espaces naturels et agricoles et conduisant à une consommation excessive de l’espace au sens des dispositions de l’article L.142-5 du Code de l’urbanisme », la cour a ainsi jugé que « la dérogation prévue à cet article ayant été accordée à tort, la société (…) est fondée à soutenir que le permis valant autorisation d’exploitation commerciale en litige a été délivré en méconnaissance des dispositions de l’article L.142-4 du Code de l’urbanisme » et par conséquent, que le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale (PCVAEC) devait être annulé, en tant qu’il vaut autorisation d’exploitation commerciale.
L’article L.142-4 du Code de l’urbanisme prévoit que « dans les communes où un schéma de cohérence territoriale n’est pas applicable (…) 4° A l’intérieur d’une zone ou d’un secteur rendu constructible après la date du 4 juillet 2003, il ne peut être délivré d’autorisation d’exploitation commerciale en application de l’article L.752-1 du Code de commerce, (…) » (CE, 7 mars 2008, SA Revi Intermarché, req. n°299510).
Cette règle, issue du principe dit d’urbanisation limitée en l’absence de SCOT, a été instaurée par la loi Solidarité et Renouvellement Urbains de 2000 afin d’inciter les communes à se doter de tels documents, et encore récemment renforcée avec l’adoption de loi ALUR (article 129).
Il en résulte notamment que, sur le territoire des communes non couvertes par un SCOT (CAA Marseille, 1er avril 2019, société Baternya, req. n°17MA02788), aucun PCVAEC ne peut être accordé lorsque terrain n’a pas été ouvert à l’urbanisation avant le 4 juillet 2003 (CE, 2 octobre 2013, société Les Anciens Etablissements Georges Schiever et Fils, req. n°359043) ; sauf à ce que le pétitionnaire justifie de l’obtention d’une dérogation préalable à cette fin (CE, 19 juin 2013, SAS Campas Distribution et autre, req. n°355609).
Une telle dérogation peut, aux termes de l’article L.142-5 du Code de l’urbanisme, n’être accordée que par l’autorité administrative compétente de l’Etat (pour mémoire, elle pouvait avant être également accordée l’établissement en charge du SCOT) et à la double condition que :
- sur la forme, elle soit précédée de l’avis de la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
- et sur le fond, que l’urbanisation envisagée ne nuise pas à l’objectif de développement durable, en termes, notamment, de consommation de l’espace, d’impact sur les flux de déplacements, ou encore de mixité fonctionnelle.
Dans l’arrêt commenté, la société pétitionnaire se trouvait dans cette situation et elle avait précisément obtenu une telle dérogation du Syndicat mixte du SCOT de Lille Métropole (CE, 24 octobre 2012, société Hoss, req. n°354489).
Toutefois, la cour a estimé qu’au regard des effets de ce projet, une telle dérogation n’avait pu être légalement accordée. A ce titre, elle a notamment relevé que le projet est situé sur une parcelle « à l’état naturel et s’avère d’ailleurs en grande partie susceptible de servir de pâturage au bétail » et qu’elle « s’ouvre à l’est sur une vaste une plaine agricole » et « s’insère ainsi dans un environnement rural très marqué ». Elle a également relevé que « l’ensemble commercial conduit à l’artificialisation d’1,7 hectare de terres à vocation agricole (…) » et qu’il avait d’ailleurs, compte tenu de ses caractéristiques, fait l’objet d’un avis défavorable de la CDAC, de réserves du syndicat mixte du SCOT de Lille Métropole et d’un avis défavorable du Ministre du logement.
Elle en déduit que la dérogation a été accordée en violation des objectifs fixés par l’article L.142-5 du Code de l’urbanisme en termes de consommation d’espace, de sorte que le permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale devait donc être regardé comme délivré en méconnaissance des dispositions de l’article L.142-4 du Code de l’urbanisme.
A rapprocher : Articles L.142-4 et L.142-5 du Code de l’urbanisme