CA Paris, 19 juin 2019, n°17/05169
Est sanctionné, le fait d’imposer un prix minimum pour la revente d’un produit, d’un bien, d’une prestation de service ou pour une marge commerciale. Encore faut-il pouvoir démontrer l’existence d’une telle pratique, étant précisé que l’imposition d’un prix maximum est licite, de même que le sont les prix conseillés.
L’article L.442-6 du Code de commerce condamne le fait d’imposer un prix minimum de revente et prévoit ainsi : « Est puni d’une amende de 15 000 € le fait par toute personne d’imposer, directement ou indirectement, un caractère minimal au prix de revente d’un produit ou d’un bien, au prix d’une prestation de service ou à une marge commerciale » (l’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux autres pratiques prohibées a maintenu le principe de l’interdiction per se d’une telle pratique, et a uniquement modifié la numérotation de l’article du Code de commerce sanctionnant une telle pratique, passant de l’article L.442-5 à l’article L.442-6 du Code de commerce).
Est ainsi condamné le fait d’imposer un caractère minimal au prix de revente d’un produit, d’un bien, d’une prestation de service ou d’une marge commerciale. Il est en revanche licite d’imposer un caractère maximal à un prix ou à une marge, à condition que dans les faits ce prix maximum imposé ne dissimule pas un prix minimum imposé ; tel est le cas notamment si le prix imposé est tellement bas qu’il ne laisse en réalité aucune marge de manœuvre à son partenaire et doit donc être apparenté à un prix minimum imposé.
Le fait d’imposer un caractère minimum à un prix de revente peut se caractériser de différentes manières.
L’arrêt rendu par la cour d’appel de Paris le 19 juin dernier est l’occasion de revenir sur une telle pratique.
En l’espèce, la société D. était liée par un contrat de franchise à la société G., franchiseur à la tête d’un réseau ayant pour activité la conception d’articles d’art de la table.
Le franchiseur et le franchisé ont rencontré des différends et ce dernier a notamment reproché à la tête de réseau d’avoir pratiqué une politique de prix imposés à l’égard de ses franchisés, privant notamment la société D. de la faculté de baisser ses prix de vente par rapport aux prix de vente fixés par le franchiseur, et affirmant que les marchandises qui lui étaient livrées, étaient pré-étiquetées et pré-enregistrées dans le logiciel de caisse.
Le franchiseur invoquait de son côté qu’il s’agissait de prix conseillés, qui étaient facultatifs, et que le franchisé conservait la liberté de pratiquer des prix inférieurs ou supérieurs, et que n’était pas démontrée l’existence d’une « police de prix ». Le franchiseur précisait par ailleurs que le grief invoqué par le franchisé, relatif au niveau de marge insuffisant qu’il aurait réalisé pendant la période des soldes, était inopérant, dès lors que l’objectif des soldes n’est pas de réaliser une marge importante mais d’écouler des stocks.
La cour rappelle les dispositions du contrat de franchise qui prévoient, d’une part, que le franchiseur transmettra des prix conseillés afin d’assurer l’unité de la politique commerciale du réseau et préserver l’image de la marque, des produits et du réseau à l’égard de la clientèle tout en précisant que « le franchisé reconnait qu’il reste entièrement libre de sa politique commerciale et qu’il peut toujours à sa convenance, pratiquer des prix inférieurs ou supérieurs aux prix conseillés », et, d’autre part, que « le franchisé fixe à son gré et sous sa seule responsabilité le prix de revente des produits. [Le franchiseur] ne donnera à ce sujet, s’il le demande, que des indications de prix conseillés ». De ce fait, il ressort des dispositions contractuelles, selon les juges du fond, que le franchiseur ne fixe aucun prix minimum ou maximum de revente, mais conseille les franchisés au travers de prix de vente conseillés ou indicatifs.
Par ailleurs, l’arrêt relève que : le franchisé a organisé des évènements promotionnels, de nombreux franchisés pratiquaient des remises, et il n’était pas démontré que le franchiseur ait eu accès au logiciel de caisse du franchisé.
Enfin, s’agissant de la prétendue imposition des marges du franchisé par le franchiseur, la cour souligne que, le fait pour le franchiseur de prévoir dans le cadre du contrat que le franchisé devra fournir un certain nombre d’informations relatives aux marges pratiquées ne préjuge pas de l’exercice, par le franchiseur, d’un contrôle sur le niveau de ces marges.
Cette décision est ainsi l’occasion de revenir sur les indices permettant d’établir qu’un caractère minimum est imposé dans le cadre de la fixation de prix de revente et s’inscrit dans le courant traditionnel de la jurisprudence.
Ainsi, s’il existe des moyens directs d’imposition d’un prix de revente (par exemple, l’existence d’une clause de prix minimum imposé insérée dans un contrat), il existe également des moyens indirects (tel est le cas par exemple lorsqu’un partenaire détermine les prix de revente pratiqués par un autre en agissant directement sur le système informatique de caisse de ce dernier (Cass. crim., 16 janvier 2018, n°16-83.457), ou encore lorsqu’un fournisseur refuse de livrer un distributeur au motif que les prix de revente qu’il pratique sont insuffisants (Cass. crim., 31 octobre 2000, n°99-86.588).
A rapprocher : CA Limoges, 8 septembre 2009, n°07/00418