Cass. civ. 2ème, 6 juin 2019, n°18-16.228
Peut caractériser une situation de surendettement, l’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a pris en se portant caution des dettes d’une société, qu’elle soit ou non la dirigeante de cette dernière.
Les articles L. 711-1 à L. 771-12 et R. 711-1 à R. 771-6 du Code de la consommation sont relatifs au dispositif de traitement du surendettement, dont la procédure est réservée expressément aux personnes physiques de bonne foi qui, par ailleurs, ne relèvent pas des procédures instituées par le livre VI du Code de commerce relatif aux difficultés des entreprises.
En l’espèce, le dirigeant de plusieurs sociétés a effectué une demande auprès de la Commission de surendettement aux fins d’être placée en procédure de surendettement. La Commission a déclaré la demande de ce dernier irrecevable. Cette décision d’irrecevabilité a ensuite été confirmée, en premier et dernier ressort, par le juge du tribunal d’instance saisi du recours formé par le dirigeant. Le juge du fond a retenu que les dettes du débiteur étaient de nature « professionnelle », dès lors que celui-ci avait été dirigeant, de droit ou de fait, de plusieurs sociétés et avait été amené à se porter caution pour les besoins de l’activité de ces sociétés, à laquelle il était personnellement intéressé en sa qualité de dirigeant de droit ou de fait de celles-ci.
Au visa de l’article L. 330-1 du Code de la consommation, devenu l’article L. 711-1, la Haute cour casse le jugement rendu et rend l’attendu de principe suivant : « Attendu que caractérise une situation de surendettement l’impossibilité manifeste pour une personne physique de bonne foi de faire face à l’engagement qu’elle a donné de cautionner la dette d’une société, qu’elle en soit ou non la dirigeante ».
En d’autres termes, la personne physique qui se porte caution des dettes d’une société dont il est le gérant peut bénéficier de la procédure de surendettement, laquelle est en principe réservée aux particuliers, alors même que son cautionnement constitue une dette professionnelle.
Cette solution est conforme aux dispositions du dernier alinéa de l’article L. 711-1 du Code de la consommation qui dispose que : « L’impossibilité de faire face à un engagement de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société caractérise également une situation de surendettement ». En d’autres termes, l’engagement de caution d’un entrepreneur individuel ou d’une société est pris en considération dans les dettes éligibles au surendettement de la personne physique, alors même qu’elles représentent des dettes professionnelles.
Cette disposition résulte d’une évolution jurisprudentielle et législative qui, dans un premier temps, avec la loi du 1er août 2003 d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, a élargi le cercle des bénéficiaires de la procédure de traitement du surendettement à toutes les cautions personnes physiques autres que les dirigeants de fait ou de droit de la société cautionnée ; puis, dans un second temps, avec la loi n°2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie qui a supprimé toute référence à la qualité de dirigeant de la caution, élargissant ainsi le cercle des bénéficiaires de la procédure de traitement de surendettement aux personnes physiques se portant cautions de sociétés dont ils sont les dirigeants. Cette dernière évolution avait pour but de répondre aux difficultés rencontrées par les chefs d’entreprise se portant caution des dettes de leur entreprise.
En résumé, si en principe, la situation de surendettement – conditionnant la recevabilité de la demande du débiteur -, s’apprécie au regard des dettes non professionnelles, par exception, les dettes nées de l’engagement du débiteur de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur ou d’une société, peuvent toutefois également caractériser une situation de surendettement.
Il est précisé, s’agissant de la caractérisation de la situation de surendettement, que celle-ci résulte d’une simple comparaison entre le passif domestique du débiteur et son actif, qui devra faire apparaitre l’insuffisance ou l’absence de capacité de remboursement du débiteur ; la situation de surendettement étant alors caractérisée lorsque le débiteur se trouve dans l’impossibilité manifeste de faire face à ses engagements de remboursement.
La Cour de cassation confirme en l’espèce une solution déjà adoptée et conforme à l’évolution législative (Cass. 2ème civ., 27 septembre 2012, n°11-23.285 ; Cass. 2ème civ., 5 janvier 2017, n°15-27.909) relative à la caractérisation de la situation de surendettement.
Par ailleurs, on notera que les dettes résultant de l’engagement de se porter caution ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société bénéficie également d’un régime particulier au stade de leur traitement. En effet, alors que les dettes professionnelles stricto sensu ne peuvent être effacées par le rétablissement personnel, les dettes résultant de l’engagement pris par le débiteur de cautionner ou d’acquitter solidairement la dette d’un entrepreneur individuel ou d’une société peuvent être effacées par le rétablissement professionnel (articles L. 741-2 et L. 742-22 du Code de la consommation).
A rapprocher : Cass. civ. 2ème, 27 septembre 2012, n°11-23.285