CE, 26 juin 2019, M. B, n°412429
La légalité d’un refus de permis de construire fondé sur des raisons liées à la salubrité ou à la sécurité publique est subordonnée à l’impossibilité légale d’accorder le permis de construire en l’assortissant de prescriptions spéciales. Si de telles prescriptions, proposées par le pétitionnaire dans son dossier de demande ou révélées en cours d’instruction, pouvaient être formulées, alors le permis doit être délivré.
Un pétitionnaire sollicite l’autorisation de construire une maison d’habitation et une piscine sur le territoire de la commune de Tanneron, au bord d’un plateau dominant un très important massif forestier exposé aux incendies. La mairie refuse la délivrance du permis sur le fondement de l’article R.111-2 du Code de l’urbanisme au visa de l’avis défavorable des services d’incendie et de secours, en raison du risque élevé d’incendie auquel la construction serait exposée.
Le pétitionnaire conteste ce refus mais est débouté par le tribunal administratif puis par la cour administrative d’appel.
Le Conseil d’Etat confirme la position retenue par les premiers juges, mais précise au préalable que :
« Lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possible, au vu du dossier et de l’instruction de la demande de permis, d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modification substantielle nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect ».
Dans cette affaire, le Conseil d’Etat, faisant application de ce principe, a considéré que le refus opposé par le maire de Tanneron était parfaitement légal dans la mesure où, même si le pétitionnaire soutenait que des aménagements supplémentaires auraient pu être envisagés pour sécuriser sa construction, tels que la réalisation de réserves de stockage d’eau, la mise en place d’un dispositif d’arrosage adapté, le recours à des matériaux et des techniques de construction réduisant les risques d’embrasement, ces dispositifs ne pouvaient être considérés comme suffisants pour écarter le risque d’incendie et l’atteinte à la sécurité publique.
Cet arrêt, qui sera publié au Recueil Lebon, emporte deux conséquences : il réduit sensiblement la portée de l’article R.111-2, d’abord, puisqu’il fait prévaloir le principe d’une délivrance du permis sur celui de son refus fondé sur des considérations de salubrité et de sécurité publique. Surtout, il fait reposer sur l’autorité compétente pour se prononcer, et des services instructeurs, la charge de la recherche de prescriptions spéciales susceptibles de permettre la délivrance de l’autorisation sollicitée, nonobstant les risques d’atteintes à la salubrité et à la sécurité publique.
En effet, le Conseil d’Etat précise que l’autorité compétente doit estimer si, au vu du dossier de demande fourni par le pétitionnaire et de l’instruction opérée par ses services, la demande peut être satisfaite : ce n’est que si le dossier de demande lui-même et si l’instruction n’ont pas permis d’identifier des prescriptions spéciales n’emportant pas de modifications substantielles du projet, qu’un refus de permis de construire peut être légalement opposé.
On voit bien ici que cette décision, à laquelle le Conseil d’Etat a voulu donner une portée significative en procédant à sa publication au Recueil Lebon, s’inscrit dans la tendance générale, tant législative que jurisprudentielle, selon laquelle la délivrance des autorisations de construire doit constituer la règle, et le refus d’autorisation rester l’exception.
A rapprocher : Article R.111-2 du Code de l’urbanisme