Cass. com., 13 mars 2019, n°17-19.501
Au jour de la cession, la parfaite information de l’acquéreur sur la situation financière et comptable désastreuse de la société dont les titres sont cédés à l’euro symbolique ne lui permet pas d’obtenir l’annulation de ladite cession pour erreur sur les qualités substantielles des titres acquis. Une telle erreur ne constitue en effet pas une cause de nullité en ce qu’elle n’est pas déterminante.
Il ressort des articles 1109 et 1110 anciens du Code civil que l’erreur vicie le consentement et constitue une cause de nullité de la convention notamment lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la chose, objet de la cession, ou de la personne avec qui on a l’intention de contracter et que, sans cette erreur, l’une des parties n’aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Les caractères déterminant et excusable de l’erreur, conditions sine qua non pour être une cause de nullité, font l’objet d’une appréciation in concreto par le juge.
En l’espèce, l’acquéreur demandait l’annulation de la cession conclue en date du 4 avril 2011 au motif que la société, dont les actions avaient été acquises pour un euro symbolique, n’était plus en mesure de développer une activité conforme à son objet social et qu’elle était d’ores et déjà en état de cessation des paiements au jour de la cession. En effet, peu de temps après l’acquisition des titres, la société a été placée en redressement puis liquidation judiciaire avec un report de la date de cessation des paiements au 31 mars 2011 (soit avant la date de cession). Le cessionnaire se prévalait des articles 1109 et 1110 anciens du Code civil et invoquait l’erreur commise sur la substance des titres cédés de la société.
A l’instar de la cour d’appel, la Cour de cassation, dans sa décision rendue le 13 mars 2019, rejette le pourvoi de l’acquéreur au motif, notamment, qu’une situation financière saine n’était pas un caractère déterminant du consentement de l’acquéreur et que ce dernier ne pouvait légitimement ignorer la situation lourdement obérée de la société au regard des documents financiers et comptables transmis en amont par le cédant, de l’audit comptable réalisé avec le concours de son expert-comptable et de la fixation du prix à l’euro symbolique des actions cédées. L’erreur n’est alors pas constitutive d’une cause de nullité de la convention comme l’indiquent les juges de la Haute Cour.
A la suite de l’ordonnance n°2016-131 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2018, les articles 1109 et 1110 anciens du Code civil ont été repris pour l’essentiel dans les articles 1130, 1132 et 1134 nouveaux dudit code. L’article 1132 consacre notamment une jurisprudence antérieure retenant l’erreur comme une cause de nullité à la condition qu’elle ne soit pas inexcusable.
A rapprocher : Art. 1109 ancien du Code civil ; Art. 1110 ancien du Code civil ; Art. 1132 nouveau du Code civil ; Cass. civ. 1ère, 9 avril 2015, n°13-24.772