CA Paris, 31 juillet 2019, n°16/20683
La résiliation d’un contrat de distribution sélective ne peut être qualifiée en soi de pratique discriminatoire dès lors que ne pèse sur un fournisseur aucune obligation de contracter avec tout distributeur remplissant les critères de sélection.
En 2008, la société Hyundai Motor France et la société Garage Richard D. ont conclu plusieurs contrats (contrat de distribution sélective de véhicules particuliers, contrat de réparateur agréé, et contrat de distribution sélective d’accessoires Hyundai) aux fins de désigner la société Garage Richard D. en qualité de distributeur et réparateur agréé du réseau de distribution de véhicules neufs de la marque Hyundai sur une zone de chalandise située à l’est du bassin lyonnais.
Par courrier du 27 juin 2012, la société Hyundai Motor France a notifié à l’ensemble de son réseau de distribution, dont la société Garage Richard D., la résiliation au 30 juin 2014, des contrats de distributeur pour la vente de véhicules neufs et d’accessoires Hyundai, et de réparateur agréé Hyundai suivant un délai de préavis de deux années.
Postérieurement à la résiliation des contrats intervenue le 30 juin 2014, les parties ont conclu un nouveau contrat de réparateur agréé prenant effet à compter du 1er juillet 2014.
Par acte d’huissier du 27 juillet 2015, la société Garage Richard D. a fait assigner à bref délai la société Hyundai devant le tribunal de commerce de Pontoise afin de la voir condamnée à titre principal, à conclure un nouveau contrat de distributeur et à lui payer diverses sommes en réparation de ses agissements fautifs.
Par courrier du 16 septembre 2016, la société Hyundai a notifié à la société Garage Richard D. la résiliation du contrat de réparateur agréé avec effet au 17 septembre 2018.
Par jugement du 11 décembre 2015, le tribunal de commerce de Pontoise, retenant sa compétence, a débouté la société Garage Richard D. de toutes ses demandes.
Avant la saisine au fond de la cour d’appel de Paris, un débat s’est élevé sur la compétence de la cour d’appel de Versailles – juridiction d’appel habituellement compétente pour les jugements du tribunal de commerce de Pontoise – la société Hyundai Motor France se prévalant des revirements de fondements juridiques adoptés par la société Garage Richard D., laquelle s’est prévalue dans un premier temps des dispositions du droit de la concurrence (soumises à la compétence de juridictions spécialisées) avant d’y renoncer.
En définitive, la cour d’appel de Paris retient sa compétence mais annonce le jugement du tribunal de commerce de Pontoise qui s’est prononcé sur des dispositions qu’il n’a pas compétence pour connaître.
Sur le fond, la société Garage Richard D. reproche à la société Hyundai Motor France une pratique discriminatoire résultant du refus d’agrément en l’absence de nouveaux critères objectifs définis, et un manquement à son engagement de conclure un nouveau contrat de distribution.
Sur la discrimination, la cour rappelle :
- « il résulte du principe de la prohibition des engagements perpétuels et de la liberté du commerce et de l’industrie qu’un distributeur ne dispose d’aucun droit acquis à la poursuite indéfinie d’un contrat de distribution et que tout opérateur économique peut choisir en toute indépendance ses partenaires commerciaux » ;
- « dès lors, la résiliation d’un contrat de distribution sélective ne peut être qualifiée en soi de pratique discriminatoire dès lors que ne pèse sur un fournisseur aucune obligation de contracter avec tout distributeur remplissant les critères de sélection, conformément au principe de liberté contractuelle, et ce dernier ne bénéficie d’aucun droit à la poursuite des relations contractuelles avec son fournisseur à l’issue des préavis de résiliation d’un précédent contrat de distribution auquel il a été régulièrement mis fin. »
En définitive, la cour déboute l’appelante de ses prétentions au titre de la discrimination. En cela, elle reste dans la droite ligne de sa jurisprudence récente en la matière.
Sur le manquement à l’engagement de la société Hyundai Motor France de conclure un nouveau contrat de distribution avec la société Garage Richard D., la cour reprend de manière très documentée les échanges entre les parties pour retenir que la société Hyundai Motor France s’est montrée claire sur sa décision de mettre un terme au contrat de distribution sélective et n’a pas manifesté sa volonté de signer un nouveau contrat de distributeur de véhicules neufs ni n’est revenue sur une prétendue promesse faite en ce sens.
A rapprocher : Refus d’agrément d’un concessionnaire dans un réseau de distribution sélective quantitative – Cass. com., 27 mars 2019, n°17-22.083