Cass. com., 8 janvier 2020, n°18-23.991, F-P+B
Une interdiction de gérer n’est pas incompatible avec l’exercice d’un mandat de membre du conseil de surveillance d’une société anonyme car les membres d’un conseil de surveillance n’exercent qu’une mission de contrôle de la gestion de la société, et non une fonction de direction.
La gouvernance d’une société anonyme peut prendre deux formes différentes : soit la société comporte un conseil d’administration et un directeur général, soit elle comporte un conseil de surveillance et un directoire. Si un conseil de surveillance et un directoire sont mis en place, le conseil de surveillance exerce une mission de contrôle. En effet, d’après l’article L.225-68, alinéa 1er, du Code de commerce, « le conseil de surveillance exerce le contrôle permanent de la gestion de la société par le directoire ».
Dans une société fonctionnant sous cette forme dite « dualiste », un membre du conseil de surveillance a été enjoint de régulariser sa situation car il avait été condamné, au cours de l’année 2018, à une interdiction de gérer d’une durée de trois ans dans le cadre d’une procédure collective. La question était de savoir si une interdiction de gérer pouvait impacter l’exercice d’un mandat de membre du conseil de surveillance d’une société. La cour d’appel de Lyon, dans un arrêt rendu le 18 octobre 2018, considère que le mandat de membre du comité de surveillance est affecté par l’interdiction de gérer dès lors qu’une telle fonction, certes étrangère à celles de gestion et de direction, constitue cependant une fonction de contrôle.
Ce raisonnement n’est pas suivi par la chambre commerciale de la Cour de cassation, qui, le 8 janvier 2020, casse l’arrêt de la cour d’appel. D’après la Cour de cassation, l’interdiction de gérer ne concerne pas les membres du conseil de surveillance d’une société anonyme qui, en vertu de l’article L.225-68 du Code de commerce, n’exercent qu’une mission de contrôle de la gestion de la société par le directoire, et non une fonction de direction. Cette décision rejoint celle rendue par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 12 juillet 2005 à propos de membres du conseil de surveillance, selon laquelle la direction de fait se caractérise par l’exercice, en toute indépendance, d’une activité positive de direction dans la société. Il ressortait de cet arrêt qu’en principe, un membre du conseil de surveillance d’une société n’exerçait pas de fonctions de direction.
La Cour rappelle par l’arrêt commenté que le conseil de surveillance est cantonné à une mission de contrôle, ce qui le distingue du conseil d’administration, lequel détermine les orientations de l’activité de la société. L’existence d’une interdiction de gérer n’est donc pas incompatible avec un mandat de contrôle de la gestion d’une société. C’est pourquoi, contrairement aux administrateurs, qui ont été qualifiés dans un arrêt rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 31 mai 2011 de dirigeants de droit, les membres du conseil de surveillance ne sont pas impactés par l’existence d’une interdiction de gérer. Cette solution peut être étendue aux membres des conseils de surveillance de sociétés par actions simplifiées qui seraient institués sur le modèle des conseils de surveillance de sociétés anonymes, et plus généralement aux membres d’organes de sociétés par actions simplifiées qui n’auraient qu’une mission de contrôle de la gestion de la société.