CA Rennes, 2 février 2021, RG n°18/01809
L’information précontractuelle qui doit être délivrée au candidat à la franchise doit lui permettre de s’engager en toute connaissance de cause. L’ensemble des informations qui doivent figurer dans le DIP sont précisées aux articles L.330-3 et R.330-1 du Code de commerce. Le seul fait que l’une des informations visées par les textes ne soient pas communiquées – ou plutôt ne soient pas communiquées exactement comme le prévoient les textes – ne peut suffire à entrainer la nullité du contrat de franchise pour dol.
La société C, qui venait d’être créée et qui exploitait alors 8 boulangeries en propre, décide en 2010 de développer un réseau de franchise.
Après avoir reçu un DIP, Monsieur A (qui se substituera ensuite la société K) signe en 2011 un contrat de franchise avec la société C.
Le franchisé débute son activité en 2012 et, en 2015, la société K est placée en redressement, puis quelques mois plus tard la procédure est convertie en procédure de liquidation.
Le liquidateur de la société K assigne le franchiseur devant le tribunal de commerce de Brest en opposant le non-respect par le franchiseur des dispositions prévues à l’article L.330-3 du Code de commerce et sollicite ainsi la nullité du contrat de franchise pour dol et l’indemnisation du préjudice subi à hauteur de plus de 470.000 euros. En première instance, le liquidateur est débouté de ses demandes. Le liquidateur interjette appel du jugement.
Pour soutenir sa demande concernant le dol, le liquidateur reproche au franchiseur de ne pas avoir transmis « ses comptes réels » dans le DIP mais de simples tableaux dont la véracité ne pouvait pas être vérifiée.
Il ressortait en réalité de l’examen du DIP que le franchiseur avait indiqué exploiter huit boulangeries en propre, c’est-à-dire non franchisées, qu’il fournissait un organigramme du groupe dont il dépendait et qu’il précisait lui-même qu’il était destiné à l’exploitation d’un réseau de franchise et que la société franchiseur avait été créée depuis moins d’un an, ce dont on déduisait aisément la jeunesse de la franchise. Il avait ainsi été fourni, pour chacune des boulangeries exploitées (chacune sous la forme d’une société distincte), le bilan et le compte de résultat des deux dernières années (portant le cartouche d’une société d’expertise comptable) ; il était par ailleurs précisé, pour chacune, la date de création et les conditions d’exploitation (présence ou non de places assises, présence ou non de l’activité pizza, réalisation ou non de travaux de devanture).
Selon le liquidateur, Monsieur A aurait été incapable d’apprécier le caractère réalisable des chiffres communiqués par le franchiseur sur ses différents supports commerciaux.
Les juges du fond rappellent tout d’abord que le DIP n’exonère pas le candidat franchisé d’établir ses propres prévisionnels et considèrent que, d’après les éléments portés à sa connaissance, Monsieur A disposait de tous les éléments nécessaires pour apprécier dans quels délais les chiffres d’affaires et les marges réalisés par les boulangeries exploitées en propre pourraient raisonnablement être reproduits par le candidat à la franchise.
Ensuite, les juges du fond relèvent que le prévisionnel réalisé par le franchisé n’était pas produit, de sorte qu’il n’était pas possible de vérifier ni son existence, ni l’adéquation entre les chiffres figurant dans le DIP et ceux réalisés par le franchisé.
Enfin, la Cour considère qu’il n’est pas possible d’affirmer qu’il était indispensable pour le candidat à la franchise de détenir les comptes de l’année d’ouverture de chacune des boulangeries ; les dispositions de l’article R.330-1 du Code de commerce faisant référence aux chiffres d’affaires réalisés « au cours des deux derniers exercices ».
Le liquidateur a donc été débouté de ses demandes et le jugement de première instance confirmé.
Cette décision permet notamment de rappeler que l’information portant sur la communication des comptes doit concerner les données relatives aux « deux derniers exercices ».
Par ailleurs, si en l’état le franchiseur n’a pas communiqué au candidat à la franchise ses comptes annuels, il a communiqué des données précises relatives aux chiffres d’affaires réalisés par chacun des points de vente du réseau détenus en propre et portant sur les deux derniers exercices, ce qui a été jugé suffisant pour les juges du fond. Il appartenait par ailleurs au candidat à la franchise, avec les informations qui lui avaient été communiquées par le franchiseur, de se renseigner.
A rapprocher : Article R.330-1 du Code de commerce