Cass. com., 13 janvier 2021, n°18-21.860
En l’absence de violation de la loi, de fraude ou d’abus de majorité, la seule contrariété à l’intérêt social ne suffit pas pour annuler une décision des associés qui octroie une rémunération exceptionnelle à un dirigeant.
Les deux associés d’une société commerciale, dont l’un est par ailleurs le dirigeant, ont consenti une promesse de cession portant sur l’intégralité des titres de cette société à un acquéreur.
Peu avant la réalisation de la cession, les associés de la société réunis en assemblée générale ont décidé à l’unanimité d’octroyer au dirigeant deux primes exceptionnelles, représentant ensemble plus de 13 fois le résultat annuel de la société.
A la suite de la cession, l’acquéreur des titres, devenu dirigeant de la société, a refusé de verser les primes en question, estimant que leur octroi constituait un acte anormal de gestion mettant en péril les intérêts de la société.
L’ancien dirigeant assigne alors la société en paiement tandis que le nouveau dirigeant demande l’annulation des décisions des associés qu’il considère comme constitutives d’un abus de majorité.
La cour d’appel annule les décisions des associés octroyant les primes au motif qu’elles étaient abusives car manifestement excessives et contraires à l’intérêt social.
L’ancien dirigeant forme un pourvoi au moyen que l’abus de majorité n’était pas caractérisé. En effet, les décisions octroyant les primes exceptionnelles ayant été adoptées à l’unanimité, non seulement elles n’étaient pas contraires à l’intérêt social, mais l’associé minoritaire avait lui-même estimé que son intérêt n’était pas lésé par lesdites décisions.
La Cour de cassation rejette ce moyen au motif que la cour d’appel ne s’est pas fondée sur la théorie de l’abus de majorité. Néanmoins, la Cour de cassation relève un moyen d’office :
Il résulte de l’article L.235-1 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, qu’une délibération de l’assemblée générale des associés d’une société octroyant une rémunération exceptionnelle à son dirigeant ne peut être annulée qu’en cas de violation des dispositions impératives du livre II dudit code (dispositions sur le droit des sociétés) ou des lois qui régissent les contrats (article L.225-35 du Code de commerce), et non au seul motif de sa contrariété à l’intérêt social, sauf fraude ou abus de droit commis par un ou plusieurs associés pour favoriser ses ou leurs intérêts au détriment de ceux d’un ou plusieurs autres associés.
En l’absence d’une telle démonstration en l’espèce, la Cour de cassation casse l’arrêt et renvoie les parties devant une autre cour d’appel.
Il convient de souligner que la nouvelle rédaction de l’article L.235-1 du Code de commerce conforte cette solution en excluant expressément la contrariété de la gestion de la société à son intérêt social des causes de nullité des actes et délibérations ne modifiant pas les statuts.
A rapprocher : Cass. com., 24 janvier 1995, n°93-13.273 ; Cass. com., 15 janvier 2020, n°18-11.580 ; Article L.235-1 du Code de commerce