L’Ordonnance du juge désignant un mandataire ad hoc aux fins de voter en assemblée générale en lieu et place d’un associé ne peut en aucun cas fixer le sens du vote sans porter atteinte aux droits de l’associé.
Certains associés d’une société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) font convoquer une assemblée générale extraordinaire aux fins de modifier l’objet social. Un associé détenant une minorité de blocage s’abstient de participer à cette assemblée, empêchant ainsi la réalisation de la modification de l’objet social de la société. Un contentieux éclate et les juges considèrent que l’associé minoritaire a commis, en s’abstenant de participer à l’assemblée, un abus de minorité. Suite à cela, la société a fait assigner l’associé minoritaire aux fins de désigner un mandataire ad hoc ayant pour mission d’exercer le droit de vote en lieu et place de l’associé récalcitrant au cours de la nouvelle assemblée générale extraordinaire convoquée sur le même ordre du jour (i.e. vote en faveur de la modification de l’objet social). L’ordonnance autorisant la nomination d’un mandataire ad hoc est confirmée en appel, puis par la Cour de cassation qui qualifie de trouble manifestement illicite le refus de l’associé de statuer sur la modification de l’objet statutaire de la S.A.R.L. qui empêchait celle-ci de fonctionner conformément à son objet réel tel qu’il existait depuis plus de six ans. La problématique de cette ordonnance venait cependant du fait que le juge ayant rendu l’ordonnance avait fixé le sens du vote du mandataire ad hoc qu’il avait désigné (en faveur de la modification de l’objet social). Or, le juge ne peut s’immiscer ainsi dans la vie sociale et les droits des minoritaires doivent être préservés. L’arrêt d’appel est ainsi cassé au motif que « le juge ne peut fixer le sens du vote du mandataire ad hoc désigné par lui ». Dans ce cas, quelle peut-être la nature de la mission confiée au mandataire ad hoc si celui-ci ne peut prendre d’instruction de vote émise par le juge au mépris des droits des associés minoritaires ? Un arrêt de la Cour de cassation en 1993 avait indiqué à cet égard que le mandataire ad hoc désigné devait voter dans le sens des décisions conformes à l’intérêt social sans toutefois porter atteinte à l’intérêt légitime des minoritaires. Le mandataire ad hoc sera probablement amené à voter en faveur de la modification de l’objet social vu l’impact de cette décision sur l’activité de la société qui devrait primer sur les intérêts du minoritaire.