Interview de Jean-Charles SIMON - La Lettre API
Interview de Jean-Charles SIMON sur la croissance des entreprises à l’international pour le magazine API.
Les entreprises françaises exportent-elles suffisamment ?
Les entreprises françaises exportent peu par rapport à l’Italie ou l’Allemagne. Dans notre pays, les exportations ne représentent que 25 % du PIB contre 41 % pour l’Allemagne et 30 % pour l’Italie. Bien plus, sur les 100.000 sociétés exportatrices environ en France 18000 environ réalisent 97 % des exportations. Or, en cette période où la croissance stagne en France, celle-ci passe plus que jamais par l’international.
Comment expliquez-vous cela ?
Plusieurs motifs sans doute. Tout d’abord, les entrepreneurs français bénéficient d’un marché intérieur significatif d’où la moindre motivation d’aller voir ailleurs. Mais ce n’est pas tout. Dans la conjoncture actuelle, les PME, aussi les ETI, sont rattrapées par un quotidien qui nuit aux réflexions stratégiques qui imposent d’impliquer l’export. Les entreprises préfèrent souvent épargner et stocker les fonds propres plutôt que de développer à l’international. A court terme, ces positions sont certainement prudentes mais dans une approche moyen et long terme elles seront certainement insuffisantes, notamment dans les industries et services où la demande du marché intérieur régresse.
Quelles sont les aides dont les entreprises peuvent bénéficier ?
Les aides publiques et parapubliques sont ce qu’elles sont, c’est-à-dire environ 600 M€ si on inclut les aides régionales ou locales. C’est très peu en vérité et la question est posée de savoir s’il ne serait pas préférable de supprimer toute aide en contrepartie d’allègements fiscaux conséquents au regard des formules actuelles qui doivent être améliorées, à l’instar du crédit d’impôt prospection commerciale, de l’assurance prospection de Coface, ou encore des prêts de développement export Bpifrance et les aides des régions.
Où exporter ?
En France, la Direction des entreprises et de l’économie internationale, retient sept pays clés : Algérie, Chine, Émirats arabes unis, Japon, Inde, Mexique, Russie. Même si cette analyse n’est pas étrangère à une position plus politique, cette approche est intéressante. En réalité, tout dépend de la nature de l’activité, des moyens que l’entreprise est prête à engager, de son adaptabilité aux clés du succès. Il faut également penser aux opportunités croisées notamment entre la France, les Etats Unis, la Chine, le Japon, le Moyen-Orient, le Brésil et l’Afrique. Par exemple aujourd’hui, la Chine très présente aux Etats-Unis et en Afrique, cherche à mieux s’introduire en Europe et en Amérique du Sud. Il faut sans doute favoriser également des pays où les structures d’accueil sont les plus abouties.
Quelles sont justement les clés du succès à l’export selon vous ?
Il n’existe pas de « recette » mais sans doute quelques idées. Tout d’abord, le développement international se vit en mode projet au sein de l’entreprise, c’est-à-dire dans le cadre d’une réflexion d’ensemble et en équipe organisée. La première des questions est de savoir pourquoi aller à l’international et il ne faut pas confondre croissance, expansion ou internationalisation. Une des clés du succès repose sur l’adaptation du couple produit/marché et de la gamme pour répondre aux attentes des consommateurs. Ensuite, au même plan, le facteur humain est essentiel. D’une part, que ce soit en France ou dans le pays concerné, il faut s’entourer de ceux qui seront le plus à même de porter le projet parce qu’ils ont la compétence et partagent la culture de l’entreprise. Le couple français/local est souvent utile. D’autre part, le chef d’entreprise doit être prêt à sacrifier son temps et donc s’investir personnellement, notamment en se déplaçant pour voir et comprendre. Enfin, et peut-être surtout, l’entrepreneur doit mesurer la capacité d’’adaptabilité de l’entreprise dans le pays dont il doit intégrer tout à la fois les mentalités, les modes de fonctionnement, les us et coutumes, le comportement du consommateur cible, etc…
Vous parliez de mentalité des entrepreneurs ; pouvez-vous préciser ?
Je constate parfois que l’entrepreneur français, franc comme l’était nos ancêtres, un peu gaulois, qui galvanise et transporte, peut être perçu parfois comme arrogant. La transformation nécessaire à l’étranger de l’état d’esprit d’une entreprise vient surtout de la mentalité et de l’expérience de ses hommes qui doivent s’adapter en toutes circonstances.
Et la Chine ?
En Chine, c’est encore différent car le chef d’entreprise parle assez peu. Il montre l’exemple à suivre dans son comportement et non dans ses mots. La compréhension des signes et des symboles est essentielle dans un pays où les relations humaines sont primordiales car tous les gens sont importants dans l’organisation. Notre Cabinet est présent en Chine depuis deux ans. Nous avons conclu une alliance forte avec le cabinet ZHONG YIN (plus de mille avocats dans 25 villes) ; un avocat de notre cabinet est présent au sein du cabinet ZHONG YIN à PEKIN et un autre à SHANGHAI. Nous accompagnons ainsi les entreprises françaises qui souhaitent s’implanter en Chine et les entreprises chinoises qui souhaitent investir en France.
Un dernier conseil ?
Croire en soi.