Sécuriser et simplifier la vie des entreprises, la France se lance concrètement dans son « choc de simplification
Afin de réduire le poids des normes administratives qui pèsent aujourd’hui sur les entreprises françaises, Thierry MANDON et Guillaume POITRINAL, Présidents du Conseil de simplification pour les entreprises créé en janvier 2014, ont le 14 avril 2014 rendu publique les cinquante premières mesures destinées à « faire gagner du temps et économiser de l’argent aux entreprises par la réduction des charges administratives excessives ou inutiles ».
Après nombre de ces voisins européens (les Pays-Bas en 1994, la Belgique en 1999, le Royaume-Uni en 2005, l’Allemagne en 2006 et le Danemark en 2007), la France s’engage elle aussi concrètement dans un nouveau processus de simplification au terme duquel les britanniques et les allemands auraient déjà réduit les charges administratives de leurs entreprises de plus de 1,5 milliard d’euros par an et dont le Conseil espère également pour les entreprises françaises « après 18 à 24 mois […] ce genre de gains ».
Élaborées dans le cadre du « pacte de responsabilité », ces mesures, largement « inspirées de ce qui se fait dans les pays européens les plus avancés » selon les propres termes du co-Président du Conseil, Monsieur Thierry MANDON, ont, pour l’essentiel, vocation à entrer en vigueur au plus tard le 31 décembre 2014. Certaines d’entre elles seront même d’application immédiate via une simple circulaire.
Si l’ensemble de ces mesures reste encore assez diverses, ce premier volet s’articule néanmoins autour des trois axes majeurs suivants : sécuriser la vie des entreprises par un environnement plus lisible et prévisible (i), simplifier, par des mesures concrètes, la vie des entreprises (ii), et faciliter l’embauche et la formation (iii).
(i) Sécuriser la vie des entreprises par un environnement plus lisible et prévisible
Parmi les principales mesures, on relèvera le principe affiché du « zéro charge supplémentaire pour toute nouvelle mesure » (1ère mesure) visant à prévenir l’inflation législative et réglementaire.
En s’inspirant du dispositif anglais « one in, two out » (une norme nouvelle, deux éliminées), chaque nouveau coût engendré pour les entreprises devra alors être évalué et compensé par une réduction au moins équivalente.
En France, un groupe d’experts indépendants issus du monde économique sera saisi sur ces questions pour avis consultatif et disposera en principe pour se prononcer d’un délai de 21 jours et de 7 jours en cas de procédure accélérée.
Toujours afin d’assurer davantage de prévisibilité aux chefs d’entreprise, le Conseil s’engage d’une part, à publier les instructions fiscales à une date fixe (le premier de chaque mois), afin d’alléger la veille fiscale des entreprises tout en renforçant leur information sur les conséquences fiscales de leurs décisions (5ème mesure) et, d’autre part, à appliquer immédiatement un principe de non-rétroactivité fiscale pour les lois de financs adoptées en cours d’année (4ème mesure).
Désormais, sauf « force majeure » (dont aucune définition juridique n’a été avancée), les règles affectant l’imposition des revenus perçus par les entreprises au cours d’une année donnée devront nécessairement être adoptées l’année précédente.
Plus généralement, dans le domaine fiscal, un « principe de confiance a priori » devrait être appliqué en supprimant certaines obligations déclaratives comme la déclaration des honoraires ou bien encore les relevés de frais généraux (26ème mesure).
Le Conseil entend également faciliter l’accès au droit en regroupant, sur le site internet Légifrance, l’ensemble des normes d’application obligatoire, des circulaires ministérielles et autres textes réglementaires, actuellement éclatés sur différents supports (2ème mesure).
Notons par ailleurs, la volonté exprimée de développer le concept des « réponses garanties » (3ème mesure) de l’administration à l’instar du « rescrit » en matière fiscale permettant d’obtenir, en amont, de la part de l’administration une réponse formelle et juridiquement opposable en cas de recours sur la conformité de certains projets d’une entreprise à la réglementation.
Cette nouvelle pratique permettrait ainsi par exemple de s’assurer de la régularité des montages patrimoniaux de transmission d’entreprises familiales.
Des « facilitateurs » de projets au niveau local devraient être mis en place (6ème mesure). Ils pourront être sollicités pour fluidifier les relatons entre les entrepreneurs et les administrations en cas de situation de blocage. Les sous-préfets pourront également, le cas échéant, être mobilisés.
(ii) Simplifier, par des mesures concrètes, la vie des entreprises
Sur cet aspect, le rapport envisage notamment de réduire le nombre de statuts pour les entreprises individuelles (8ème mesure), tant ces derniers sont nombreux et peuvent parfois apparaître trop complexes à choisir (EI, EIRL, EURL, …).
Dans le prolongement du rapport GRANDGUILLAUME sur l’entreprenariat individuel du 17 décembre 2013, un groupe de travail devra rendre ses conclusions d’ici l’été 2014, pour réduire dès 2015 le nombre de statuts et ne retenir que ceux qui correspondent aux besoins réels de ces entreprises individuelles.
En outre, afin de « doper » la création d’entreprise, le rapport préconise des mesures d’allégement des autorisations préalables à la création (9ème mesure) et de simplification des démarches administratives par le dépôt, le cas échéant sous forme dématérialisée, d’un seul exemplaire des statuts auprès d’un seul organisme (10ème mesure), ou bien encore par la réduction à 2 (contre 7 actuellement) du nombre d’actionnaires pour les sociétés anonymes non cotées et l’adaptation en conséquence du nombre d’administrateurs (11ème mesure).
Nous regretterons sur ce dernier point, que contrairement à l’Acte Uniforme OHADA relatif aux droits des sociétés commerciales et du groupement d’intérêt économique révisé et adopté le 30 janvier 2014, la possibilité d’une société anonyme unipersonnelle n’ait pas été évoquée.
S’agissant spécifiquement des sociétés à responsabilité limitée (SARL), il est envisagé de simplifier le transfert de siège dans le même département ou dans un département limitrophe (23ème mesure) ainsi que de supprimer l’obligation de convocation aux assemblées générales par lettre recommandée (25ème mesure) et plus généralement, à l’exception des sociétés anonymes, de supprimer également la déclaration de conformité en cas de fusion (24ème mesure).
Pour les professions libérales, il sera autorisé la location d’actions dans les sociétés d’exercice libéral (SEL) autres que celles exerçant l’une quelconque des professions libérales de santé (19ème mesure).
Des mesures propres aux structures non lucratives sont également prévues comme la création d’un guichet fiscal unique pour étudier la possibilité pour ces dernières de recevoir des dons défiscalisés ou avoir accès au mécénat (32ème mesure) et pour les fondations d’entreprises un allégement d’un certain nombre de leurs démarches administratives (18ème mesure).
Le rapport envisage également de faciliter l’accès à la commande publique. Les entreprises ne devront dorénavant fournir que leur numéro SIRET pour l’ensemble des données connues de l’administration (34ème mesure). Un principe de confiance serait instauré, les entreprises ayant désormais la possibilité de fournir une simple attestation sur l’honneur pour se décharger du poids de la production des pièces justificatives.
(iii) Faciliter l’embauche et la formation
Enfin, le Conseil propose une simplification de la fiche de paie en lui donnant une plus grande lisibilité (48ème mesure).
Elle devra être plus compréhensible pour les salariés avec une seule ligne par type de protection financée (retraite, santé, famille, …) et plus facile à réaliser pour les entreprises.
Ce programme de simplification est destiné à être enrichi. Le grand public sera alors sollicité dans une démarche collaborative via un site internet participatif et totalement dédié pour « co-construire les solutions avec les entrepreneurs ». A l’issue de ces consultations, le Conseil prévoit d’ores et déjà de présenter de nouvelles séries de mesures de simplification tous les six mois, la prochaine étape étant déjà fixée pour cet automne, et au moins jusqu’à la fin du quinquennat, en 2017.