Mesures conservatoires

Les mesures conservatoires désignent toute mesure d’urgence prise pour la sauvegarde d’un droit ou d’une chose (G. Cornu), qui vise plus spécialement à conserver le droit de gage général du créancier en limitant les pouvoirs du débiteur sur son patrimoine.

L’utilité des mesures conservatoires réside dans l’effet d’anticipation qu’implique leur nature, le créancier n’étant pas encore en mesure de procéder à l’exécution forcée (ou ne voulant pas encore y procéder). En effet, les mesures d’exécution requièrent une créance liquide et exigible et un titre exécutoire, alors qu’aucune de ces conditions n’est exigée pour prendre des mesures conservatoires.

Leur fondement est connu. Le créancier doit pouvoir se protéger contre les actes de son débiteur visant à dissimuler ou à faire disparaître les biens objets de son droit de gage général (not. les sommes provenant du paiement de leurs dettes par les tiers débiteurs du débiteur) et contre la négligence du débiteur laissant perdre des droits ou périr des biens.

Tout créancier peut pratiquer une mesure conservatoire pour assurer la sauvegarde de ses droits. Les mesures conservatoires peuvent être dirigées contre le débiteur lui-même ou contre des tiers, débiteurs du débiteur ou ayant passé avec ce dernier des conventions portant préjudice au créancier.

Deux conditions sont requises pour la mise en œuvre de mesures conservatoires :

1°) sur le fond, le demandeur doit justifier d’une créance qui paraît fondée en son principe et de « circonstances susceptibles d’en menacer le recouvrement.

2°) quant à la procédure, les mesures conservatoires doivent être autorisées par le juge de l’exécution, qui dispose d’une compétence exclusive à cet égard, à moins que le créancier ne dispose déjà d’un titre exécutoire ou d’une décision de justice même non encore exécutoire, ainsi que dans certaines matières spécialement dispensées de l’autorisation du juge.

Autorité de la décision du juge :

-    elle est tout d’abord limitée dans le temps : le créancier doit exécuter la mesure conservatoire dans un délai de 3 mois à compter de l’ordonnance et engager a procédure permettant d’obtenir un titre exécutoire, s’il n’en possède pas, dans le mois qui suit l’exécution de la mesure conservatoire. A défaut, l’autorisation judiciaire devient caduque.

-    ensuite, l’autorisation n’est pas irrévocable :

o    à la demande du débiteur, le juge peut toujours réexaminer la mesure prise après un débat contradictoire et le cas échéant, la rapporter si les conditions n’en étaient pas ou n’en sont plus réunies, ou lui substituer toute autre mesure de nature à sauvegarder les intérêts des parties

o    la fourniture par le débiteur d’une caution bancaire irrévocable entraîne mainlevée de la mesure (a.72 L.91)
 
Nature des mesures conservatoires :

1°) La saisie conservatoire, qui peut porter sur les biens meubles, corporels ou incorporels, du débiteur (a.74 L.91). Elle a pour effet, d’une part, de les rendre indisponibles et d’autre part, de permettre au créancier qui a ou qui obtient un titre exécutoire constatant une créance liquide et exigible de faire vendre les biens saisis, sans nouvelle procédure. Sur les créances de somme d’argent du débiteur (seules sont exclues les créances de rémunération envers les employeurs), la saisie (et l’opposition au paiement, qui y est assimilée) produit deux effets. D’une part, elle rend indisponible la créance à concurrence du montant autorisé par le juge ou, lorsque son autorisation n’est pas nécessaire, du montant pour lequel la saisie est pratiquée. D’autre part, la saisie produit les effets prévus à l’a.2075-1 CC, cad emporte privilège du créancier gagiste.

2°) Les sûretés judiciaires, qui peuvent avoir pour assiette non plus seulement les immeubles et fonds de commerce, mais aussi les actions, parts sociales et valeurs mobilières. Les biens ainsi grevés restent disponibles, mais la sûreté est opposable aux tiers si elle a été régulièrement publiée. L’inscription conserve son effet durant 3 ans et peut être renouvelée. Elle doit, dans ce délai, être suivie d’une publicité définitive dans les 2 mois de l’obtention d’un titre exécutoire passé en force de chose jugée, qui prend rang à la date de la publicité initiale.

3°) Les saisies conservatoires et sûretés judiciaires ne sont pas exclusives d’autres mesures conservatoires. Ainsi, le juge des référés peut ordonner toute mesure urgente et prescrire « les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent » (a.808 et 809 NCPC). Ou encore, le créancier peut requérir l’apposition de scellés, par ex. après décès (a.819 à 821 CC) ou au début d’une instance de divorce, l’établissement d’un inventaire, la nomination d’un administrateur provisoire ou d’un séquestre. Enfin, certains textes autorisent spécialement les créanciers à intervenir à titre préventif : dans le partage, dans certaines instances.

Distinctions/rapprochements :

-    les mesures conservatoires en droit international : mesures avant dire droit qu’un tribunal international invite les parties à mettre en œuvre en attendant son jugement sur le fond, de façon à éviter une atteinte irréparable aux droits de celle des parties qui les a sollicitées

-    l’action oblique, dite encore indirecte ou subrogatoire, par laquelle le créancier exerce les droits et actions de son débiteur négligent, à l’exclusion de ceux exclusivement attachés à sa personne. L’action oblique n’est pas une mesure d’exécution puisqu’il n’est pas nécessaire que le créancier dispose d’un titre exécutoire, mais elle est davantage qu’une mesure conservatoire, la jurisprudence exigeant que la créance soit certaine, liquide et exigible  sans quoi le créancier ne pourrait effectivement pas obtenir paiement sur l’actif qu’il a fait entrer dans le patrimoine du débiteur. L’avantage de la saisie conservatoire des créances du débiteur par rapport à l’exercice de l’action oblique réside dans le fait que la créance est spécialement affectée au créancier dans le premier cas, alors qu’il entre en concours avec les autres créanciers sur l’actif rendu disponible dans le second cas.

-    l’action paulienne, dite encore révocatoire, par laquelle le créancier fait déclarer inopposables à son endroit les actes de son débiteur qui lui portent préjudice et qui ont été accomplis en fraude de ses droits. Alternativement conçue comme une mesure d’exécution et comme une mesure conservatoire, l’action paulienne tend à se rapprocher des mesures conservatoires, la condition de liquidité et d’exigibilité de la créance et de l’existence d’un titre exécutoire n’étant pas exigée au moment de l’exercice de l’action.

 

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