Epuisement du droit sur la marque : dernières évolutions – Cass.com., 23 mars 2010 (pourvois n°09-65839, 09-65844, 09-66522, 09-66987)

On le sait, la CJUE a eu l’occasion de rendre une décision (CJUE, 23 avr.2009, aff. C-59-08 Copad/Dior) riche d’enseignements concernant l’épuisement du droit sur la marque et facilitant la protection des marques de luxe.

On le sait, la CJUE a eu l’occasion de rendre une décision (CJUE, 23 avr.2009, aff. C-59-08 Copad/Dior) riche d’enseignements concernant l’épuisement du droit sur la marque et facilitant la protection des marques de luxe.

En effet, dans cet arrêt, elle admet que les conditions de commercialisation de produits revêtus d’une marque de renommée puissent constituer un motif légitime pour le titulaire de la marque de s’opposer à la commercialisation desdits produits, faisant ainsi échec à l’épuisement. Selon cette décision également, la violation par le licencié de la clause lui interdisant toute revente à des soldeurs, grossistes, etc., prévue pour maintenir le prestige et la renommée de la marque est de nature à empêcher l’épuisement du droit dans la mesure où le titulaire de la marque n’a pas consenti à la mise dans le commerce des produits dans ces conditions.

L’affaire est donc revenue devant la Cour de cassation qui avait saisi la CJUE de plusieurs questions préjudicielles. La Haute juridiction a renvoyé l’affaire devant une cour de renvoi qui devra apprécier si les conditions de commercialisation des produits sont de nature à « porter atteinte à l’allure et à l’image de prestige qui confèrent auxdits produits une sensation de luxe ».

On rappellera que l’épuisement du droit sur la marque (règle reprise à l’article L.713-4 du code de la propriété intellectuelle) consiste à considérer que le droit du titulaire de la marque s’épuise après la première mise dans le commerce des produits revêtus de la marque sur le territoire de l’EEE.

En somme, le titulaire de la marque ne peut plus contrôler la circulation des produits qu’il a mis dans le commerce en se servant de son droit sur la marque.

Ce qui n’exclut pas d’autres voies d’actions éventuelles. Toutefois, l’épuisement sera neutralisé si le titulaire de la marque peut se prévaloir de « motifs légitimes » tenant notamment à la modification ou à l’altération de l’état des produits.

Sur cette base, la CJUE a ainsi admis que l’atteinte à la renommée de la marque peut constituer un juste motif. Par ces arrêts du 23 mars 2010, la Cour de cassation s’inscrit dans le sillage de la solution dégagée par la CJUE l’année précédente dans son arrêt Copad/Dior lorsqu’est concernée une marque de luxe.

Dans ces affaires, des produits de luxe avaient été acquis par un soldeur dans une vente aux enchères du stock d’une société, membre du réseau de distribution sélective, afin d’être vendus par ledit soldeur dans des conditions fort éloignées de celles du réseau de distribution du titulaire de la marque.

Le titulaire de la marque qui entendait faire cesser cette commercialisation et obtenir réparation de son préjudice avait donc agi en contrefaçon et s’était vu opposer en défense la règle de l’épuisement des droits.

La Cour de cassation approuve les arrêts soumis à sa vigilance qui avaient écarté la règle de l’épuisement du droit sur la marque et retenu que les conditions de commercialisation étaient de nature à justifier que le titulaire de la marque s’y oppose.

En effet, les conditions de commercialisation, à savoir : les produits offerts à la vente dans une solderie en libre-service installée dans un hangar, les emballages présentant des défauts d’aspects imputables à une manipulation excessive et sans soin, des affichettes de publicité de la vente annonçant un rabais de 30 % de qualité médiocre, portaient atteinte à la valeur de la marque et étaient de nature à ternir l’image de luxe et de prestige des produits.

Aussi, le titulaire d’une marque de luxe peut agir en contrefaçon à l’encontre de celui qui commercialise des produits revêtus de sa marque dès lors qu’il démontre l’atteinte à la valeur de sa marque en raison des conditions particulières de commercialisation ainsi que de la publicité attachées à celle-ci sans se voir opposer l’épuisement de son droit.

C’est donc une évolution qui se joue dans un sens favorable aux intérêts des titulaires de marque et dont on se félicitera.

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