L’Autorité de la concurrence considère que les restrictions de vente sur les marketplaces imposées par un fournisseur sont susceptibles de constituer des infractions au droit de la concurrence.
Une société de distribution d’appareils électriques et électroniques de loisir (téléviseurs, lecteurs DVD, matériel Hi-fi, etc.) – également dénommés « produits bruns » – désormais familière des procédures initiées devant les autorités de la concurrence, a introduit une action à l’encontre notamment d’un de ses anciens fournisseur de produits bruns devant l’Autorité de la concurrence. Elle sollicitait le prononcé de mesures conservatoires dans l’attente des suites de l’instruction.
Elle reprochait au total six pratiques à son ancien fournisseur :
– un abus de dépendance économique,
– une entente verticale avec ses distributeurs en vue de restreindre les ventes actives et passives,
– des ententes verticales sur les prix entre plusieurs fabricants et distributeurs du marché,
– des ententes horizontales sur les prix avec d’autres fournisseurs du marché,
– un refus de vente ou un boycott de certains fournisseurs et grossistes,
– une rupture brutale des relations commerciales.
En définitive, l’Autorité de la concurrence a choisi de ne poursuivre l’instruction que pour une seule de ces pratiques.
En effet, dans un premier temps, l’Autorité de la concurrence a écarté le grief d’abus de dépendance économique. Bien que les produits du fournisseur constituent 80% à 90% du chiffre d’affaires du distributeur en téléviseurs, l’Autorité de la concurrence relève que le distributeur dispose de sources alternatives d’approvisionnement. Par ailleurs, reprenant l’analyse menée par la Cour d’appel de Paris dans une décision du 10 décembre 2013 (procédure dans laquelle le distributeur avait agi en référé contre le fournisseur), l’Autorité constate que la situation financière du distributeur relève d’un choix de stratégie commerciale et ne peut pas être imputée au fournisseur.
L’Autorité précise que le refus de vente ne constitue pas une infraction susceptible d’être, per se, poursuivie par elle.
Il en va de même pour la pratique de rupture brutale des relations commerciales. Faute de preuve, elle rejette également les griefs d’ententes verticales et horizontales sur les prix.
En revanche, l’Autorité de la concurrence retient à ce stade de la procédure le grief portant sur l’entente verticale visant à restreindre les ventes actives et passives, en rappelant en préambule que si un fabricant est libre d’organiser le mode de distribution de ses produits, c’est sous réserve que ce mode de distribution n’ait pas pour objet ou pour effet de porter atteinte à la concurrence.
Elle relève que tous les contrats de distribution du fournisseur contiennent une interdiction générale des ventes sur les sites internet non agréés et/ou sur tout site tiers, notamment de marketplaces.
Sur cette dernière interdiction, l’Autorité renvoie aux lignes directrices de la Commission européenne de 2010 qui prévoient que « le fournisseur peut exiger que ses distributeurs ne recourent à des plateformes tierces pour distributeur les produits contractuels que dans le respect des normes et conditions qu’il a convenues avec eux pour l’utilisation d’internet par les distributeurs » et rappelle que l’Autorité de la concurrence a déjà considéré que les marketplaces avaient la capacité de satisfaire aux critères qualitatifs des produits.
Le distributeur a produit différents éléments de preuve de l’interdiction de vente sur les marketplaces, dont les clauses contractuelles et les tableaux de relevés d’infractions à la clause de prohibition des ventes sur marketplaces. L’Autorité considère que ces éléments constituent des indices de restrictions verticales sur les ventes actives et passives et poursuit donc l’instruction à l’encontre du fabricant sur ce seul fondement.
Elle refuse en revanche l’octroi de mesures conservatoires, considérant notamment que le distributeur n’établit pas d’atteinte grave à son encontre (ou au secteur), en particulier car la baisse de son chiffre d’affaires est antérieure aux pratiques dénoncées et qu’il dispose de sources alternatives d’approvisionnement.