« Dark Patterns » : une pratique commerciale trompeuse

« Dark Patterns » : une pratique commerciale trompeuse

 

Pour ne pas risquer d’être condamné pour pratique commerciale trompeuse ou agressive liée à la présence de « dark patterns » sur son site internet, le professionnel doit notamment veiller à :

  • ne pas introduire des coûts et services supplémentaires en fin de parcours d’achat qui ne seraient pas mentionnés dans la description du produit ;
  • ne pas manipuler l’attention du consommateur par l’utilisation d’effets visuels (couleurs, taille de police, encadrés, etc) ;
  • ne pas susciter un sentiment d’urgence chez le consommateur en utilisant un compte à rebours ou en mentionnant le nombre d’utilisateurs ayant consulté ledit produit.

 

Rappel sur la notion de « dark patterns »

Aucune définition légale ou réglementaire n’existe à ce jour concernant les « dark pattern », expression signifiant en français « interface truquée ». Selon la DGCCRF, cette notion correspond à l’ensemble des pratiques mises en place par les interfaces numériques consistant à orienter, tromper ou manipuler les consommateurs de façon à les amener à faire des choix qui ne sont pas dans leur intérêt mais qui sont, en revanche, profitables au professionnel.

A titre d’exemples, et sans que cette liste soit exhaustive, constituent des « dark patterns », les pratiques consistant à :

  • inciter le consommateur à réaliser en urgence son achat en raison de la mention sur la page d’un produit de la diminution du stock disponible, du nombre d’internautes consultant ladite page ou encore de la présence d’un compte à rebours rappelant au consommateur que la fin de la promotion est proche (par exemple :  « plus que 3 articles en stock », « 350 articles vendus en 24 heures », « 30 utilisateurs consultent actuellement cette offre »)  ;
  • ajouter des produits et/ou services supplémentaires dans le panier sans que le consommateur en ait conscience (par exemple : des frais de services ajoutés à la fin du parcours d’achat) ;
  • rendre l’information difficilement accessible ou compréhensible en utilisant notamment une taille ou une couleur de police illisible, des textes longs, des doubles négations ;
  • susciter une émotion négative chez le consommateur (par exemple : « non merci, je n’aime pas les bonnes affaires » ; « oui, je souhaite payer plus cher »).

 

Sanctions des « dark patterns » en droit français

Les « dark patterns » s’apparentent à une pratique commerciale déloyale dans la mesure où une telle pratique est contraire à la diligence professionnelle et altère ou est susceptible d’altérer le comportement économique du consommateur.

Les personnes morales ayant commis une pratique commerciale déloyale (trompeuse ou agressive) encourent une amende d’un montant de 1.500.000 euros pouvant être portée, de manière proportionnée aux avantages tirés de l’infraction, à 10% du chiffre d’affaires moyen annuel calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou, pour les pratiques commerciales trompeuses, à 50% des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant le délit.

Par ailleurs, s’agissant des pratiques commerciales trompeuses en ligne, il convient de souligner que l’article L. 132-2 alinéa 3 prévoit, depuis le 12 mai 2024, que lorsque l’infraction a été commise par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique, le montant de l’amende pour les personnes morales peut être porté à 3.750.000 euros, soit le quintuple de l’amende prévue pour les personnes physiques.

Enfin, les peines complémentaires mentionnées à l’article 131-39 du Code pénal pourront également être prononcées.

 

« Dark patterns » : la DGCCRF et les associations de consommateurs voient rouge !

Selon le rapport de diagnostic intitulé « Lutter contre les pratiques commerciales déloyales en ligne » réalisé par la Direction interministérielle de la transformation publique, en collaboration avec la DGCCRF, l’identification et l’instruction des « dark patterns » sont devenues la priorité des autorités de protection des consommateurs en France et dans le monde en raison de leur prolifération et de leur impact sur les consommateurs. Le rapport précise, d’après une étude récente de la Commission européenne, que 97% des 75 sites les plus populaires dans l’Union Européenne auraient recours à des « dark patterns ».

Par ailleurs, dans le cadre de cette lutte contre les « dark patterns », les associations de consommateurs sont également particulièrement actives. A ce titre, l’UFC-QUE-CHOISIR ainsi que 16 autres associations européennes membres du Bureau européen des unions de consommateurs (BEUC) ont récemment déposé plainte devant l’Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle et Numérique (ARCOM) à l’encontre d’une plateforme chinoise dédiée au commerce en ligne. Parmi les manquements reprochés à la plateforme, les plaignants soulignent l’utilisation de techniques de manipulation créant un sentiment d’urgence pour le consommateur avec, par exemple, le recours à un faux compteur de temps ou l’insertion d’une mention faisant référence à un prétendu stock limité.

 

Article extrait de la Lettre de la Consommation, rédigée par Justine Grandmaire, avocate Counsel et Claire Sicard, avocate

 

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