Notion
La notion de « restrictions accessoires » est ancienne ; elle est connue de longue date en droit de la concurrence pour le rôle qu’elle joue dans le droit des concentrations (l’article 6 § 1 er b du règlement n° 4064/89 du Conseil du 21 décembre 1989 32 y faisait déjà allusion en énonçant, à partir de 1997, que « la décision par laquelle la concentration est déclarée compatible couvre également les restrictions directement liées et nécessaires à la réalisation de la concentration »).
Une restriction de concurrence est considérée comme « accessoire » à une opération principale lorsqu’elle est « directement liée et nécessaire » à la réalisation de celle-ci (V. not. Trib. UE, 29 juin 2012, n T-360/09, E.ON Ruhrgas AG et E.ON AG c/ Commission, pt 62 : Europe 2012, comm. 332, obs. Idot L.). Aussi, pour être « accessoire » au sens de cette théorie, deux critères doivent être cumulés :
– la restriction de concurrence doit être « directement liée » à l’opération principale ; tel est le cas lorsqu’elle est « subordonnée à la réalisation de cette opération et est liée à celle-ci de manière indissociable » (pour ce qui concerne le critère tiré du lien direct : Lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, pt 29 ; Trib. UE, 28 juin 2016, no T-208/13, Portugal Telecom SGPS ; Trib. UE, 28 juin 2016, no T-216/13, Telefónica ; v. aussi, par ex. en matière de concentration : communication 2005/C 56/03, pt 12 ; TPICE, 18 septembre 2001, M6, préc.) ;
– la restriction de concurrence doit par ailleurs être « objectivement nécessaire à la réalisation de l’opération principale et être proportionnée par rapport à celle-ci » (CJUE, 23 janv. 2018, n°C‑179/16, Roche et Novartis, pt. 68 ; CJUE, 11 sept. 2014, n°C‑382/12 P, MasterCard, pt. 89 ; Lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3, pt 29 ; v. aussi, Cass. com., 12 mai 2021, no 19-12357 : considérant que la clause de non-concurrence prévue dans un acte de cession de fonds de commerce n’était valable que pour 3 ans, et non pas 5 comme convenu).
Régime
La théorie des restrictions accessoires, qui constitue une variante de la règle de raison, confère un traitement de faveur à certaines pratiques anticoncurrentielles lorsque celles-ci sont directement liées et nécessaires à une pratique licite. Ainsi, lorsqu’un accord n’a pas pour objet ou pour effet de restreindre la concurrence, les restrictions qui sont directement liées et nécessaires à la réalisation de cette opération principale ne relèvent pas de l’article 101, paragraphe 1 TFUE (Lignes directrices concernant l’application de l’article 81, paragraphe 3 , point 29 ; Aff. T-112/99, Métropole télévision (M6) et autres, Recueil 2001, p. II-2459, point 74).
Ce faisant, en franchise, il convient d’examiner si une restriction de concurrence est valable en tant qu’elle n’est qu’une restriction accessoire à un système non restrictif de concurrence. Pour autant, s’il s’avérait qu’une clause restrictive ne peut être considérée comme une « restriction accessoire » au sens qui vient d’être rappelé, la question de leur éventuelle exemption se pose alors, au plan du règlement d’exemption puis, le cas échéant, de l’exemption individuelle.
Applications au droit de la franchise
S’agissant d’une clause d’approvisionnement exclusif, dès lors qu’elle est supérieure à cinq années, son exemption catégorielle n’étant pas possible, la seule manière de la rendre licite est d’y voir une restriction accessoire ou de la faire bénéficier d’une clause d’exemption individuelle.
Dans son arrêt Pronuptia (CJCE, 17 déc. 1986, n°C-161/84), la Cour de justice a jugé que le système de la franchise, « qui permet au franchiseur de tirer parti de sa réussite, ne porte pas atteinte en soi à la concurrence » (pt. 15), et que :
– pour fonctionner, la franchise suppose que le franchiseur transmette aux franchisés savoir-faire et assistance sans risquer qu’ils profitent, ne serait-ce qu’indirectement, à des concurrents (pt. 16), de sorte que les clauses indispensables pour prévenir ce type de risque ne constituent pas des restrictions de concurrence (pour autant qu’elles soient raisonnables) ; ainsi, selon cette même décision, il en va ainsi notamment :
- des clauses de non-concurrence applicables pendant le contrat (pt 16) ;
- des clauses de non-concurrence applicables après la cessation du contrat (pt 16) ;
- des clauses interdisant au franchisé de céder son fonds de commerce sans l’accord du franchiseur (pt 16).
– le franchiseur « doit pouvoir prendre des mesures propres à préserver l’identité et la réputation du réseau qui est symbolisé par l’enseigne » (pt. 17), de sorte que les clauses qui organisent le contrôle indispensable à cette fin ne constituent pas des restrictions de concurrence, pour autant qu’elles soient raisonnables (v. plus récemment, en ce sens, Cass. com., 20 déc. 2017, n°16-20.500 et n°16-20.501) ; ainsi, selon cette même décision, il en va ainsi notamment :
- des clauses faisant obligation au franchisé d’appliquer les méthodes commerciales mises au point par le franchiseur et d’utiliser le savoir-faire transmis (pt 18) ;
- des clauses faisant obligation au franchisé de ne vendre les marchandises visées au contrat que dans un local aménagé dans les conditions précises par le franchiseur (pt 19) ;
- des clauses faisant obligation au franchisé de choisir tel ou tel type d’emplacement (pt 19) ou interdisant au franchisé de transférer son point de vente dans un autre emplacement sans l’accord du franchiseur (pt 19) ;
- des clauses interdisant au franchisé de céder les droits et obligations résultant du contrat sans l’accord du franchiseur (pt 20) ;
- des clauses prescrivant au franchisé de ne vendre que de produits provenant du franchiseur (en centrale d’achats) ou des fournisseurs référencés par ce dernier (en centrale de référencement), pour autant que ce dispositif ne prive pas le franchisé de la possibilité de s’approvisionner auprès d’autres franchisés du réseau (pt 21) ;
- des clauses subordonnant toute publicité du franchisé à l’assentiment du franchiseur, pourvu qu’elle ne concerne que la nature de la publicité (pt 22).
En droit français de la concurrence, le Conseil de la concurrence, dans sa décision Zannier (Cons. conc.,28 mai 1996, déc. n° 96-D-36), reprendra la substance de l’arrêt Pronuptia.