La réforme du « déséquilibre significatif »

Interview de François-Luc SIMON

L’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 vient modifier l’article L. 442-6 du Code de commerce relatif au déséquilibre significatif entre partenaires commerciaux et à la rupture brutale de relations commerciales établies. François-Luc SIMON fait le point sur cette réforme.

LDR : La réforme du « déséquilibre significatif » est-elle globalement satisfaisante ?

F-L Simon : La réforme du déséquilibre significatif est remarquablement mauvaise. Le dispositif du nouvel article L.442-1, I du Code de commerce s’accommode mal des articles 1168 (relatif à l’absence de contrôle de la lésion) et 1171 (relatif aux clauses abusives en droit commun des contrats) du Code civil, dont on ne peut pas croire qu’ils aient été intégrés à la réflexion.

LDR : Quelles sont les principales différences entre le nouvel article L.442-1, I et l’ancien article 442-6, I, 2° du Code de commerce ?

F-L Simon : Il y en a deux, qui étendent le champ d’application de ce texte.

En effet, la première différence concerne le « chapeau » commun à l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné, c’est-à-dire le premier alinéa du texte, selon lequel : « Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services (…) ». En visant ainsi « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » alors que le texte ancien visait « tout producteur, commerçant, industriel », le champ d’application du texte est passablement élargi.

La deuxième différence, bien plus importante encore, concerne la disparition de la notion de « partenaire commercial », qui se voit substituer celle d’« autre partie ». La jurisprudence avait défini le « partenaire commercial » comme le professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, supposant une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services, par opposition à la notion (plus large) d’agent économique ou (plus étroite) de cocontractant. La modification apportée (« autre partie ») est radicale ; il est difficile de faire plus large. Elle supprime de ce point de vue tout pouvoir au juge concernant le champ d’application du texte. C’était l’objectif recherché.

LDR : Quelles sont les perspectives de la réforme du « déséquilibre significatif » ?

F-L Simon : Tout va dépendre du contenu de la loi de ratification. Soit le texte actuel est conservé en l’état – ce qui posera toute une série de difficultés –, soit le texte actuel est revu. C’est ce que je souhaite ; c’est ce que j’encourage : nous avons formulé plusieurs propositions à ce titre.

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