Ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019
Le nouvel article L.442-1 du Code de commerce redéfinit les trois notions concentrant l’essentiel du contentieux en matière de pratiques restrictives de concurrence : l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné, le déséquilibre significatif, et la rupture brutale des relations commerciales établies.
Ce qu’il faut retenir :
Le nouvel article L.442-1 du Code de commerce redéfinit les trois notions concentrant l’essentiel du contentieux en matière de pratiques restrictives de concurrence : l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné, le déséquilibre significatif, et la rupture brutale des relations commerciales établies (v. pour le contentieux du déséquilibre significatif : Etude LDR, Panorama de jurisprudence 2016-2017 (116 décisions et avis commentés) ; v. aussi, Etude LDR, Tour d’horizon sur le déséquilibre significatif : 5 ans de jurisprudence (2011-2016) ; v. pour le contentieux de la rupture brutale des relations commerciales établies : Lexique LDR, « Rupture brutale des relations commerciales établies »).
Le I° du nouveau dispositif concerne ces deux premières notions ; le II° est relatif à la troisième. Afin de simplifier et de rendre plus intelligible l’environnement légal pour les opérateurs économiques, précise le rapport au Président de la République, le nouveau texte se concentre sur ces trois pratiques tout en apportant des modifications – parfois regrettables selon nous – à leur champ d’application. Le régime juridique commun aux
trois pratiques ainsi redéfinies pose également difficulté.
Pour approfondir :
1. Approche : Il convient d’évoquer successivement les modifications apportées au champ d’application (I) et au régime juridique (II) du nouvel article L.442-1 du Code de commerce.
I. Le champ d’application du nouvel article L.442-1 du Code de commerce
2. Structuration : Le nouvel article L.442-1 du Code de commerce redéfinit en deux temps les trois principales notions concentrant l’essentiel du contentieux en matière de pratiques restrictives de concurrence : le I° de ce texte vise l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné et le déséquilibre significatif, qui font l’objet d’un chapeau commun (I.A.) ; le II° de ce texte vise distinctement la rupture brutale des relations commerciales établies (I.B.).
I.A. Les notions d’ « avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné » et de « déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
3. Simplification : Comme l’indique le rapport au Président de la République, les pratiques énumérées aux 3°, 4°, 7°, 8°, 9°, 10°, 11°, 12°, 13° du I de l’ancien article L.442-6 ont été supprimées, ces fondements juridiques étant peu utilisés devant les juridictions compétentes. Le rapport au Président de la République précise que « les comportements illicites qu’elles visent à réprimer pourront être poursuivis sur le fondement du déséquilibre significatif (1° du nouvel article L.442-1) ou de l’avantage sans contrepartie (2° du nouvel article L.442-1) dont le champ d’application a été élargi ».
Qu’en est-il exactement ?
4. Le nouveau texte : Le nouvel article L.442-1, I, du Code de commerce dispose :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
Il ne reste en réalité pas grand-chose de l’ancien article L.442-6, I, 1° et 2° du Code de commerce. Les modifications apportées sont nombreuses, comme le montre la reproduction de la version « mark up » du texte (le texte nouveau est souligné, le texte ancien est supprimé, tandis que le reliquat correspond à la partie inchangée du texte ancien) :
« I. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat, par toute personne immatriculée au répertoire des métiers exerçant des activités de production, de distribution ou de services :
1° D’obtenir ou de tenter d’obtenir d’un partenaire commercial de l’autre partie un avantage quelconque ne correspondant à aucune contrepartie aucun service commercial effectivement rendu ou manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie du service rendu.
Un tel avantage peut notamment consister en la participation, non justifiée par un intérêt commun et sans contrepartie proportionnée, au financement d’une opération d’animation ou de promotion commerciale, d’une acquisition ou d’un investissement, en particulier dans le cadre de la rénovation de magasins, du rapprochement d’enseignes ou de centrales de référencement ou d’achat ou de la rémunération de services rendus par une centrale internationale regroupant des distributeurs. Un tel avantage peut également consister en une globalisation artificielle des chiffres d’affaires, en une demande d’alignement sur les conditions commerciales obtenues par d’autres clients ou en une demande supplémentaire, en cours d’exécution du contrat, visant à maintenir ou accroître abusivement ses marges ou sa rentabilité ;
2° De soumettre ou de tenter de soumettre un partenaire commercial l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ».
5. « Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » : Le nouvel article L.442-1, I du Code de commerce vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » alors que le texte ancien visait « tout producteur, commerçant, industriel ». Le champ d’application du nouveau texte est donc élargi.
6. « dans le cadre de la négociation commerciale, de la conclusion ou de l’exécution d’un contrat » : L’ajout par lequel le texte indique que la responsabilité encourue peut intervenir à tous les stades de la relation semble superfétatoire, même s’il amorce d’une certaine manière la notion de tentative, couverte par l’avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné (« D’obtenir ou de tenter d’obtenir (…) ») et le déséquilibre significatif (« De soumettre ou de tenter de soumettre (…) »).
7. Disparition de la notion de « partenaire commercial » : Le nouvel article L.442-1, I, du Code de commerce supprime la notion de « partenaire commercial » pour lui substituer celle d’ « autre partie ».
Cette modification est fondamentale. On le sait, sous l’empire de l’ancien article L.442-6, I, 1° et 2° du Code de commerce, la jurisprudence a interprété la notion de « partenaire commercial » de manière restrictive (CA Paris, 27 septembre 2017, n°16/00671, LDR Sept.-oct. 2017 ; CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 19 décembre 2018, n°17/03922 : « S’agissant de délits civils qui peuvent être sanctionnés par des amendes civiles élevées, le principe d’interprétation stricte doit prévaloir »), en lui attribuant la définition suivante : « Un partenaire se définit comme le professionnel avec lequel une entreprise commerciale entretient des relations commerciales pour conduire une activité quelconque, ce qui suppose une volonté commune et réciproque d’effectuer de concert des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de services, par opposition à la notion plus large d’agent économique ou plus étroite de cocontractant. » (v. à propos de la notion de partenaire commercial : CA Paris, 27 septembre 2017, n°16/00671, LDR Sept.-oct. 2017 ; v. aussi, CA Paris, 21 sept. 2016, n°14/06802). Cette définition a constamment été reprise depuis lors (v. encore récemment, CA Toulouse, 29 avril 2019, n°17/02224 : écartant l’application du texte à un contrat à exécution successive, celui-ci « ne pouvant pas s’analyser en un partenariat commercial en l’absence d’une volonté commune et réciproque d’effectuer des actes ensemble dans des activités de production, de distribution ou de service » ; v. aussi, TC Paris, 11 février 2019, n°2018020311 ; CA Paris, Pôle 5, chambre 11, 11 janv. 2019, n°17/00234).
Elle conduisait à exclure notamment du champ d’application du texte la relation entre une entreprise et son client (TC Lille, 10 novembre 2015, n°J2012000024), un banquier et son client (CA Douai, 9 mars 2017, n°16/01324), un assureur et son client (CA Paris, 29 juin 2016, n°14/03922), un groupement de personnes et ses membres (Cass. com., 11 mai 2017, no14-29717 ; CA Paris, 3 févr. 2016, n°13/15768), les parties à un contrat de bail commercial (Cass. civ. 3ème, 15 février 2018, n°17-11329), les parties à un contrat de crédit-bail (TC Paris, 3 janvier 2018, n°J2016046456), les parties à un contrat de location-financière (CA Toulouse, 29 avril 2019, n°17/02224), les parties à une transaction (CA Paris, 21 mars 2017, n° 16/06315) et, de manière plus générale, toute relation ponctuelle (CA Limoges, 5 avr. 2016, n°15/00002) ou dépourvue de continuité (CA Lyon, 28 juill. 2016, n°14/07438 et n°14/03204).
Cette interprétation restrictive de la notion de « partenaire commercial » permettait de la situer entre la notion plus large d’agent économique et celle, plus étroite, de cocontractant (v. not., en ce sens : CA Paris, Pôle 5, chambre 11, 11 janvier 2019, n°17/00234 ; CA Paris, Pôle 5, chambre 4, 19 décembre 2018, n°17/03922) ; et, il est vrai que les partenaires commerciaux n’étaient pas nécessairement des cocontractants (CA Paris, 21 juin 2017, n°15/18784).
8. Notion d’ « autre partie » : La notion de « partenaire commercial » cède désormais la place à la notion d’ « autre partie » : désormais, les rapports entre tous les agents économiques relèvent donc du champ d’application de ce texte. Il est difficile de faire plus large. C’est donc un pan tout entier de l’économie française qui se trouve aujourd’hui affecté par le nouveau dispositif.
9. Critique : Le rapport au Président de la République indique que cette modification fondamentale se justifierait pour deux motifs :
- le premier tiendrait à la complétude procurée par le dispositif nouveau : « Pour pallier cette exclusion, le nouvel article L.442-1 du Code de commerce remplace cette notion de « partenaire commercial » par celle de « l’autre partie » au contrat, qui est une notion plus adaptée en ce qu’elle permet d’inclure toutes les situations où la pratique illicite est imposée à un cocontractant dans le cadre de son activité de distribution, de production ou de service » (nous soulignons) ;
- le second résulterait d’un souci de cohérence : « Le renvoi à cette notion d’autre partie au contrat est également en cohérence avec la modification du champ d’application qui prévoit que les pratiques sont appréhendées de la négociation à l’exécution du contrat » (nous soulignons).
Or, précisément, ces deux motifs sont (selon nous) erronés.
La recherche de complétude n’est pas une fin en soi, en particulier lorsque le texte considéré n’a pas vocation à organiser le droit commun des contrats. Au demeurant, le rapport au Président de la République ne précise pas en quoi l’extension du champ d’application de ce dispositif particulier serait effectivement justifiée au cas présent. Qu’en est-il alors ? S’agissant d’un texte destiné à combattre un déséquilibre – qu’il soit juridique (art. L.442-I, 2°) ou économique (art. L.442-I, 1°) –, il paraît bien plus raisonnable d’en circonscrire le champ d’application aux seuls rapports verticaux de distribution qui, par nature, sont a priori structurellement déséquilibrés. Et, corrélativement, l’application de ce dispositif aux rapports horizontaux de distribution ne se justifie plus puisque, précisément, par nature, de tels rapports sont a priori structurellement équilibrés. C’est pour cette même raison que le rédacteur de l’ancien article L.442-6 du Code de commerce avait sagement envisagé de s’en tenir à un champ d’application bien plus restreint que ne l’envisage le nouvel article L.442-1, I, du Code de commerce.
Quant au motif tiré d’une recherche de « cohérence », également avancé par le rapport au Président de la République, il est doublement inexact. Inexact, tout d’abord, car contrairement à ce qui est affirmé, le renvoi à la notion « d’autre partie » n’est pas plus en cohérence avec la modification du champ d’application (qui prévoit que les pratiques sont appréhendées de la négociation à l’exécution du contrat) que ne le serait la notion de « partenaire commercial ». Inexact, ensuite, car, à vouloir tout traiter, ce texte se concilie péniblement avec les dispositions du Code civil. Et on saisit mal en effet comment articuler le dispositif du nouvel article L.442-1, I du Code de commerce avec l’article 1168 du Code civil (relatif à l’absence de contrôle de la lésion) ou l’article 1171 du Code civil (relatif aux clauses abusives en droit commun des contrats), dont il n’apparaît pas qu’ils aient été intégrés à la réflexion. Au nom d’une cohérence qui n’est qu’apparente, le texte génère en réalité une évidente incohérence.
L’effet conjugué de ce qui est en réalité une complétude injustifiée et une incohérence à peine masquée devrait assez rapidement conduire, si cette disposition devait résister à la loi de ratification, à une bien regrettable cacophonie présidant à l’ordre juridique nouveau.
10. Proposition : Compte tenu de ce qui précède, il faut espérer que la loi de ratification reviendra sagement à la notion de partenaire commercial qui figurait dans le précédent texte.
11. Proposition : Si le législateur tenait à ce qu’un contrôle de l’équilibre économique du contrat soit exercé, il conviendrait de préciser par ailleurs dans le texte que ce contrôle suppose en amont que le contenu du contrat a été imposé par un partenaire à l’autre, que le premier ait « soumis » le second. De plus, toute référence à la « tentative » de soumission (ou d’obtention) doit être supprimée : autant l’on comprend que la tentative d’une infraction pénale soit par elle-même sanctionnable (du moins pour un délit ou un crime), autant il paraît excessif d’adopter un dispositif analogue s’agissant de simples pratiques commerciales. Concrètement, de deux choses l’une : soit la pratique restrictive de concurrence s’est réalisée et elle doit alors être sanctionnée, soit elle n’a pas eu lieu et, dans ce cas, aucune sanction ne doit pouvoir être prononcée.
I.B. La notion de « rupture brutale des relations commerciales établies »
12. Le nouveau texte : Le nouvel article L.442-1, II, du Code de commerce dispose :
« II. – Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, en l’absence d’un préavis écrit qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale, en référence aux usages du commerce ou aux accords interprofessionnels.
En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois.
Les dispositions du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure ».
Les modifications apportées à l’ancien article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sont moins nombreuses que celles concernant les deux précédentes notions, comme le montre la reproduction de la version « mark up » du texte (le texte nouveau est souligné, le texte ancien est supprimé, tandis que le reliquat correspond à la partie inchangée du texte ancien) :
« Engage la responsabilité de son auteur et l’oblige à réparer le préjudice causé le fait, par tout producteur, commerçant, industriel ou par toute personne immatriculée au répertoire des métiers exerçant des activités de production, de distribution ou de services de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans en l’absence d’un préavis écrit tenant qui tienne compte notamment de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des ou aux accords interprofessionnels. Lorsque la relation commerciale porte sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable si le produit n’était pas fourni sous marque de distributeur. A défaut de tels accords, des arrêtés du ministre chargé de l’économie peuvent, pour chaque catégorie de produits, fixer, en tenant compte des usages du commerce, un délai minimum de préavis et encadrer les conditions de rupture des relations commerciales, notamment en fonction de leur durée. En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois. Les dispositions qui précèdent du présent II ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. Lorsque la rupture de la relation commerciale résulte d’une mise en concurrence par enchères à distance, la durée minimale de préavis est double de celle résultant de l’application des dispositions du présent alinéa dans les cas où la durée du préavis initial est de moins de six mois, et d’au moins un an dans les autres cas ».
13. « Toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » : A l’identique du I° du nouvel article L.442-1 du Code de commerce, le II de ce même texte vise désormais « toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de services » alors que le texte ancien visait « tout producteur, commerçant, industriel ». Le champ d’application du nouveau texte est donc élargi.
14. L’introduction d’un délai de « protection » : La véritable innovation concerne l’introduction d’un délai que l’on peut qualifier de « protection » qui, lorsqu’il est respecté par l’auteur de la rupture, empêche la victime de le poursuivre : « En cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, la responsabilité de l’auteur de la rupture ne peut être engagée du chef d’une durée insuffisante dès lors qu’il a respecté un préavis de dix-huit mois ».
Ce mécanisme inédit, introduit à dessin de limiter l’inflation contentieuse en la matière, présente des effets pervers car il consiste à inciter l’auteur de la rupture à accorder un délai de 18 mois pour écarter toute mise en cause possible de sa responsabilité ; on traite ainsi par une solution unique (18 mois) des situations plurales. Imaginons ainsi par exemple que, dans une situation donnée, le délai de préavis devrait être de 24 mois : dans cette hypothèse, l’auteur de la rupture accordera le plus souvent 18 mois et le texte permettra donc de léser la victime. Imaginons maintenant que, dans une autre situation donnée, le délai de préavis devrait être de 15 mois : dans cette hypothèse, l’auteur de la rupture n’aura pas recours à ce mécanisme (qui ne sert donc à rien dans cette hypothèse) ; et s’il devait y avoir recours, il s’en trouverait lui-même lésé (en octroyant 18 mois au lieu de 15). On le voit, le mécanisme proposé est loin d’être satisfaisant, ne serait-ce qu’au plan de l’équité. Il ne répond pas davantage aux objectifs rappelés par le rapport au Président de la République.
15. Proposition : Compte tenu de ce qui précède, il faut espérer que la loi de ratification écarte ce mécanisme. Il serait même préférable qu’en cas de litige entre les parties sur la durée du préavis, cette durée soit fixée par le juge sans pouvoir excéder une durée déterminée, par exemple de dix-huit mois ; une telle mesure permettrait de mieux répondre aux préoccupations soulignées par le rapport au Président de la République.
16. Proposition : Compte tenu des principes directeurs du droit de la responsabilité civile, il apparaît nécessaire qu’en cas de litige, le préjudice de la victime soit évalué au jour où le juge statue, afin de tenir compte de la réalité de son préjudice, qui dépend le plus souvent des conditions dans lesquelles il se sera reconverti.
17. Suppression des cas de doublement du délai : La condition de doublement de la durée de préavis licite en cas de marque de distributeur ou en cas de mise en concurrence par enchère à distance a été supprimée.
II. Le régime juridique du nouvel article L.442-1 du Code de commerce
18. Approche : Le régime juridique du nouvel article L.442-1 du Code de commerce est fixé par le nouvel article L.442-4 du même code, lui-même consacré aux modalités de mise en œuvre de l’action en justice, désormais plus larges (II.A.) et aux sanctions des pratiques restrictives de concurrence, désormais plus sévères (II.B.).
II.A. Les modalités (plus larges) de mise en œuvre de l’action en justice
19. Le nouveau texte : Le nouvel article L.442-4 du Code de commerce dispose notamment :
« Pour l’application des articles L.442-1, L.442-2, L.442-3, L.442-7 et L.442-8, l’action est introduite devant la juridiction civile ou commerciale compétente par toute personne justifiant d’un intérêt, par le ministère public, par le ministre chargé de l’économie ou par le président de l’Autorité de la concurrence lorsque ce dernier constate, à l’occasion des affaires qui relèvent de sa compétence, une pratique mentionnée aux articles précités.
Toute personne justifiant d’un intérêt peut demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L.442-1, L.442-2, L.442-3, L.442-7 et L.442-8 ainsi que la réparation du préjudice subi. Seule la partie victime des pratiques prévues aux articles L.442-1, L.442-2, L.442-3, L.442-7 et L.442-8 peut faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indus.
Le ministre chargé de l’économie ou le ministère public peuvent demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques mentionnées aux articles L.442-1, L.442-2, L.442-3, L.442-7 et L.442-8. Ils peuvent également, pour toutes ces pratiques, faire constater la nullité des clauses ou contrats illicites et demander la restitution des avantages indument obtenus, dès lors que les victimes de ces pratiques sont informées, par tous moyens, de l’introduction de cette action en justice ».
Ainsi, parmi les personnes pouvant introduire l’action devant la juridiction civile ou commerciale, le texte mentionne toute personne justifiant d’un intérêt, le ministère public, le ministre chargé de l’économie et le président de l’Autorité de la concurrence.
20. Proposition : La nouvelle rédaction du texte permet à toute personne justifiant d’un intérêt de formuler les mêmes demandes que celles du ministre chargé de l’économie et du ministère public, à l’exception de l’amende civile. Désormais, toute personne justifiant d’un intérêt peut donc demander la cessation des pratiques et la réparation des préjudices subis. A cet égard, il nous semble que la possibilité d’obtenir une cessation des pratiques doit être réservée au ministre chargé de l’économie ou au ministère public, s’agissant d’une mesure qui affecte le fonctionnement du marché en raison de son effet erga omnes.
21. Proposition : Par ailleurs, lorsque le ministre chargé de l’économie ou le ministère public forment une demande devant exclusivement profiter à la victime, il conviendrait que le texte précise qu’ils agissent « pour le compte » de cette dernière. Dans ce cas, il serait utile que le texte issu de la loi de ratification précise qu’ils doivent l’informer de leur intention d’agir, avant même que l’action ne soit introduite, afin que les demandes soient formulées en parfaite connaissance des circonstances de la cause et éviter que ne soient engagées des procédures parallèles, d’un côté par la victime et, de l’autre, par le ministre chargé de l’économie ou le ministère public.
II.B. Les sanctions (plus sévères) des pratiques restrictives de concurrence
22. Le nouveau texte : Le nouvel article L.442-4 du Code de commerce dispose notamment :
« [Le ministre chargé de l’économie ou le ministère public] peuvent également demander le prononcé d’une amende civile dont le montant ne peut excéder le plus élevé des trois montants suivants :
- cinq millions d’euros ;
- le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ;
- 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ».
Le caractère plus sévère du nouveau texte n’appelle pas de remarques de notre part.
23. Conclusion : On le voit, le nouvel article L.442-1 du Code de commerce est très perfectible. Osons espérer que ces imperfections seront effacées par la loi de ratification.