L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a introduit un article 1213 au Code civil consacré à la prorogation, sans pour autant la définir.
Le Code civil de 1804 ne contenait aucune disposition relative à la durée du contrat en général et à sa prorogation en particulier. L’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations a introduit un article 1213 au Code civil consacré à la prorogation, sans pour autant la définir. L’article 1213 précité comporte en effet deux propositions relatives à la prorogation des conventions : « Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration. La prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ». Qu’en est-il exactement ?
La première proposition (« Le contrat peut être prorogé si les contractants en manifestent la volonté avant son expiration ») concerne les conditions dans lesquelles la prorogation se forme. Ainsi, la prorogation du contrat implique d’avoir été convenue entre les parties cocontractantes avant l’expiration du terme du contrat initial, car l’on ne peut proroger des obligations déjà éteintes : la prorogation du contrat constitue donc un report du terme extinctif, qui ne peut résulter que d’un accord antérieur à la survenance de ce dernier. Telle est la solution (classiquement) consacrée par la jurisprudence avant même l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (Cass. com., 30 juin 2015, n° 14-17649, Bull. civ. n°833 : « Mais attendu que la clause statutaire organisant les modalités de prorogation de la société ne peut être invoquée par les tiers ; qu’ayant relevé que la prorogation avait été décidée avant le terme de la société, la cour d’appel a, par ce seul motif, légalement justifié sa décision ; que le moyen n’est pas fondé » ; v. aussi, CA Paris, Pôle 5 – chambre 5, 14 février 2019, n°16/13068 : « que toutefois il sera rappelé que la prorogation du contrat suppose un accord des parties pour prolonger la durée du contrat au-delà du terme initialement convenu ; que cet accord doit nécessairement intervenir avant l’échéance contractuelle ») ; CA Dijon, 31 mai 2018, n°15/01818). Les Principes contractuels communs de l’Association Capitant et de la société de législation comparée comportent une disposition analogue (art. 7 :105, 1 : « Lorsque, par l’effet de la volonté des contractants, manifestée avant son expiration, un contrat à durée déterminée est prorogé, son contenu et ses effets sont maintenus jusqu’à la nouvelle échéance » [nous soulignons]). L’accord des parties quant à la poursuite du contrat au-delà du terme extinctif peut alors intervenir soit lors de la formation du contrat considéré, en vertu d’une clause de prorogation, soit lors de l’exécution du contrat considéré, en vertu d’un avenant prorogatif. Corrélativement, passée la survenance du terme initial, il ne s’agirait plus de prorogation du contrat mais de conclusion d’un nouveau contrat (Cass. civ. 1ère, 2 mars 1994, Bull. civ. n°87 ; CA Paris, 29 nov. 2007, Juris-Data n°2007-353808) ; dès lors, il appartient aux juges du fond de vérifier que les parties se sont accordées sur le report du terme extinctif du contrat initial, avant même la survenance de celui-ci.
La seconde proposition (« La prorogation ne peut porter atteinte aux droits des tiers ») tend à protéger les tiers – tels les cautions ou garants – dont la situation est susceptible d’être affectée par la prorogation du contrat. Ainsi, l’article 1213 du Code civil peut-il être invoqué par la caution pour empêcher le créancier de demander à la caution le paiement des dettes contractées par le débiteur en raison de la prorogation du contrat (v. sur ce point, Cass. com. 9 avril 2013, Bull. civ. IV, n°56).