Interview de Sandrine RICHARD, Avocat associé
Les notions de « prorogation » et de « renouvellement » du contrat se distinguent essentiellement au regard des effets qui en découlent.
LDR : La notion de « prorogation » du contrat est-elle nouvelle ?
SRI : Pas du tout. Cette notion est très ancienne. Elle est ignorée du Code napoléon (le Code civil de 1804) ; et c’est avec l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations qu’a été introduit un article 1213 au Code civil, relatif à la prorogation des contrats. En pratique, nous utilisons la notion même de prorogation depuis toujours, que ce soit dans la rédaction de ce qu’il est convenu d’appeler le contrat primitif (ou contrat d’origine) et/ou dans l’acte prorogatif (ou avenant de prorogation).
LDR : Dans quels cas considérez-vous opportun d’avoir recours à une clause de prorogation dans le contrat d’origine ? Et, de quelles manières la « prorogation » du contrat peut-elle être organisée par avance par les parties contractantes dans le contrat d’origine ?
SRI : Statistiquement, l’on observe que le recours à la prorogation intervient le plus souvent à l’approche du terme du contrat primitif lorsque ce contrat ne comporte pas de clause de prorogation.
Cela étant rappelé, et pour répondre à votre question, tout dépend du cas auquel les parties sont réellement confrontées en pratique.
LDR : Dans quels cas considérez-vous opportun d’avoir recours à un avenant de prorogation ? Quelles sont les précautions à prendre lorsqu’il s’agit de rédiger un tel acte prorogatif ?
SRI : La recherche par les parties de solutions permettant d’aboutir à une prorogation du contrat primitif peut répondre à des préoccupations les plus variées, à savoir notamment :
- offrir aux parties contractantes un délai supplémentaire pour leur permettre de renégocier les termes du contrat initial ;
- favoriser un accord transactionnel, la prorogation pouvant constituer l’une des concessions consenties entre les cocontractants ;
- permettre à un cocontractant de conserver le bénéfice de certaines sûretés ;
- permettre à un cocontractant de bénéficier d’un délai plus important, par exemple pour disposer d’un délai suffisant afin d’échapper aux dispositions de l’article L.442-2, I, 5° du Code de commerce ;
- faire coïncider la date du terme du contrat initial avec celle d’un autre contrat ;
- poursuivre la relation contractuelle tout en conservant le bénéfice de la loi en vigueur au jour de la conclusion du contrat initial plutôt que de se soumettre à la loi nouvelle.
Les précautions à prendre sont trois ordres. Primo, et d’une manière générale, il convient de vérifier que la prorogation est bien « la » solution la plus adaptée à l’hypothèse considérée. Secundo, il convient de vérifier que les conditions de validité de l’acte prorogatif sont bien remplies et qu’ainsi l’avenant de prorogation sera bien valable. Tertio, il convient de vérifier que la prorogation n’emporte pas d’effets collatéraux négatifs.
LDR : Quelles sont les différences majeures qui opposent « prorogation » du contrat de son renouvellement ?
SRI : Les deux notions se distinguent essentiellement au regard des effets qui en découlent. En effet, le renouvellement ou la reconduction du contrat se distingue de la prorogation car il donne naissance à un nouveau contrat, même s’il est modelé sur la base du contrat initial.