Trib. arbitral, 20 décembre 2019, inédit
Le manquement du franchiseur à une obligation précontractuelle d’information ne peut par elle-même suffire à caractériser le dol par rétention d’information emportant nullité du contrat de franchise si ne s’y ajoutent deux conditions cumulatives : la constatation du caractère intentionnel de ce manquement et l’existence d’une erreur déterminante du consentement du franchisé ainsi provoquée par le franchiseur.
En l’espèce, un Tribunal arbitral a été saisi d’un litige opposant un franchisé à un franchiseur, exerçant son activité dans le domaine de la distribution alimentaire ; le franchisé avait reçu un DIP ne comportant pas d’état local du marché et faisait valoir que la fourniture de cet élément essentiel l’aurait dissuadé de signer le contrat de franchise.
Il saisissait en conséquence le Tribunal arbitral d’une demande de nullité du contrat.
On le sait, l’état local du marché est l’un des nombreux documents que doit contenir le DIP visé à l’article L. 330-3 du Code de commerce. Il s’agit d’un document, prévu à l’article R.330-1, 4° du code de commerce, qui énonce notamment : « Le document prévu au premier alinéa de l’article L. 330-3 (du code de commerce) contient les informations suivantes : 4° (…) une présentation de l’état général et local du marché des produits ou services devant faire l’objet du contrat et des perspectives de développement de ce marché ».
L’état local du marché est un ensemble de données brutes ne comportant aucune part d’analyse. Ces données mettent en évidence les caractéristiques géographiques et économiques principales de la zone sur laquelle un franchisé envisage d’exercer une activité donnée sous une enseigne déterminée. Il comporte ainsi la structuration de la clientèle (Age, Sexe, CSP), le nombre de prospects, la concurrence (nombre, adresse des points de vente, chiffre d’affaires, etc.). L’état local du marché ne doit pas être confondu avec l’étude de marché (que le franchisé a le devoir de réaliser une fois le DIP remis).
Lorsque le franchiseur est défaillant dans l’exécution de son obligation de délivrance d’un état local du marché (que l’état local du marché soit incomplet et/ou erroné, ou encore qu’il n’ait pas été remis par le franchiseur au franchisé), la jurisprudence retient qu’un tel manquement à une obligation précontractuelle d’information ne peut par elle-même suffire à caractériser le dol par rétention d’information emportant nullité du contrat de franchise, si ne s’y ajoute deux conditions cumulatives :
- d’une part, la constatation du caractère intentionnel de ce manquement (CA Paris, 7 octobre 2015, n°13/09827 : soulignant « qu’il ne ressort d’aucun élément que le franchiseur ait sciemment omis d’établir un état du marché local ») ;
- d’autre part, d’une erreur déterminante du consentement du franchisé provoquée par le franchiseur, une telle erreur ne pouvant se déduire de la seule absence des résultats escomptés par le franchisé ((CA Paris, 7 octobre 2015, n°13/09827 : soulignant le franchisé « ne justifie pas que cette omission ait provoqué une erreur sur l’état de ce marché qui aurait été déterminante de son consentement ») ; v. aussi, CA Paris, 20 novembre 2013, n°12/10268, Juris-Data n°2013-026812).
La preuve que ces deux conditions cumulatives sont vérifiées incombe au franchisé, créancier de l’obligation d’information précontractuelle (CA Paris, 16 décembre 2015, n°13/20186, Juris-Data n°2015-028463 ; CA Paris, 7 oct. 2015, n°13/09827 ; CA Paris, 17 décembre 2014, n°13/08615).
A ce titre, le Tribunal arbitral fait l’application de ces deux conditions tout en soulignant qu’il incombe au franchisé d’en rapporter la preuve. Le Tribunal arbitral rappelle en effet que selon l’article 1116 du code civil, le dol est constitué « lorsque les manœuvres pratiquées par l’une des parties sont telles qu’il est évident que sans ces manœuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté ». Il ajoute qu’il appartient à celui qui s’en prévaut de démontrer son existence : « le franchisé doit rapporter la preuve de manœuvres (ou d’une abstention fautive volontaire) imputable au franchiseur, dans le but de l’inciter à contracter, et sans lesquelles le franchisé n’aurait pas conclu ».
A rapprocher : Pour ce qui concerne la validité du contrat de franchise en cas d’absence d’état local du marché : CA Paris, 7 oct. 2015, RG n°13/09827 ; Cass. com., 28 mai 2013, pourvoi n°11-27.256 – Pour ce qui concerne la validité du contrat de franchise en cas d’imperfection de l’état local du marché : CA Paris, 17 décembre 2014, RG n°13/08615