Déséquilibre significatif et accords de référencement – CA Paris, 4 juillet 2013, RG n°12/07651

Photo de profil - RICHARD Sandrine | Avocat associée | Lettre des réseaux

RICHARD Sandrine

Avocat associée

La notion de déséquilibre significatif prévue à l’article L.442-6 du C. com. semble parfois rester floue. Cette décision, rendue dans le cadre d’accords de référencement conclus entre fournisseurs et grands distributeurs, est ainsi importante.

Face au flou qui semble parfois entourer, encore aujourd’hui, la notion de déséquilibre significatif prévu à l’article L.442-6 du code de commerce, l’arrêt de la Cour d’appel de Paris apparaît comme une importante décision, en sanctionnant deux clauses insérées dans des accords de référencement conclus entre fournisseurs et grands distributeurs.

Cette affaire est née suite à une action du Ministre de l’économie, et vise deux clauses : une clause de retour d’invendus d’une part, et une clause de changement de tarifs d’autre part.

Sur la clause de retour d’invendus, le contrat prévoyait que « Le Fournisseur s’engage expressément à reprendre, dans son intégralité, le stock des produits invendus en fin d’exercice et/ou de période de commercialisation saisonnière ».

La Cour rappelle tout d’abord que, conformément à la volonté du législateur, les clauses de retour d’invendus ne sont pas illicites en elles-mêmes. Toutefois, elle exige qu’une telle clause donne lieu à une contrepartie au bénéfice du fournisseur.

La Cour refuse ainsi que la charge des ventes insuffisantes pèse entièrement sur le fournisseur, alors que le distributeur a l’entière maîtrise des conditions de commercialisation. Le seul fait que cette clause permette au grand distributeur de stocker les produits en grande quantité, et permette ainsi au fournisseur de bénéficier d’une explosion soudaine des ventes en fin d’exercice, n’est pas considéré comme une réelle contrepartie.

Enfin, la Cour tient compte du fait que la suppression de cette clause nécessite une négociation qui n’est pas à la portée de tous les fournisseurs. La Cour a donc apprécié le déséquilibre en tenant compte à la fois de l’existence d’une contrepartie, d’une part, et des circonstances de négociation potentielle, d’autre part.

Sur la clause de changement de tarifs, le contrat prévoyait que «Toute demande d’augmentation de tarif emporte obligation pour le fournisseur de renégocier le présent Accord commercial ». Parallèlement, la clause indiquait que « le fournisseur s’engage à répercuter dans son tarif, les baisses concernant les éléments constitutifs de ses prix de vente ».

Il existait ainsi une distorsion manifeste entre les révisions de prix au bénéfice du fournisseur qui nécessitent l’accord du distributeur et la renégociation dans son ensemble du référencement, et les révisions de prix au bénéfice du distributeur, qui sont automatiques et auxquelles le fournisseur ne peut s’opposer sans compromettre la poursuite des relations.

La Cour a estimé alors que cette clause créait un déséquilibre significatif, à raison de la différence de traitement patente entre une procédure de révision du prix à la hausse et une procédure de révision du prix à la baisse.

A nouveau, la Cour rappelle que cette clause est licite en son principe. Néanmoins, la Cour sanctionne le fait que le fournisseur soit privé de toute maîtrise sur un élément aussi important que l’évolution des prix. De fait, le distributeur était seul maître de l’évolution des prix. Il pouvait s’opposer à une augmentation tout en pouvant imposer une diminution. Cette distorsion a été considérée comme constitutive d’un déséquilibre significatif. La maîtrise de l’évolution des prix doit être partagée de manière équitable, et garantir ainsi un équilibre dans la négociation des tarifs.


A rapprocher : Déséquilibre significatif (article 442-6, I, 2° du code de commerce) – Panorama 2016-2017 (116 décisions commentées)


Sommaire

Autres articles

some
Black Friday : les 3 règles indispensables à respecter en matière tarifaire
Black Friday : les 3 règles indispensables à respecter en matière tarifaire Le « Black Friday » (ou « vendredi noir » en français) est une tradition venant des Etats-Unis qui est pratiquée en France depuis quelques années. Il s’agit d’une journée (le dernier…
some
La résiliation en trois clics c’est désormais possible !
La résiliation en trois clics c’est désormais possible ! Ce qu’il faut retenir : Afin de respecter les exigences de la réglementation relative à la résiliation en trois clics et ainsi, éviter toute sanction à ce titre, vous devez notamment :…
some
Le cumul des sanctions administratives validé par le Conseil constitutionnel
Cons. const., décision n°2021-984 QPC, 25 mars 2022 Le Conseil constitutionnel déclare conformes à la Constitution les dispositions de l’article L. 470-2 VII du Code de commerce relatif au cumul de sanctions administratives relevant de pratiques anticoncurrentielles. Partant, une même…
some
Clause de non-concurrence et justification du savoir-faire du franchiseur
CA Paris, Pôle 5, Chambre 4, 30 mars 2022, n°20/08551 La Cour d’appel de Paris est venue préciser la jurisprudence antérieure relative à l’application d’une clause de non-concurrence au sein d’un contrat de franchise. Elle a considéré que la clause…
some
Validité de l’acte de cautionnement comportant des termes non prévus par la loi
Cass. com., 21 avril 2022, n°20-23.300 Le fait que la mention manuscrite apposée sur l’acte de cautionnement comporte des termes non prescrits par l’article L.341-2 du Code de la consommation dans son ancienne rédaction n’affecte aucunement de manière automatique la…
some
Le règlement d’exemption, quel impact pour les réseaux ?
Retrouvez François-Luc Simon dans le podcast "Le Talk Franchise" lors de Franchise Expo Paris.