La notion d’abus de dépendance économique était au coeur de la présente affaire.
Le 3 mars 2010, l’Autorité de la concurrence a rendu une décision relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur du commerce d’alimentation générale de proximité suivant saisine du Conseil de la Concurrence par le SEFAG (Syndicat de l’Epicerie Française et de l’Alimentation Générale).
L’Autorité de la Concurrence a dû examiner deux types de pratiques dénoncées par les franchisés d’un réseau notoire :
§ les pratiques visant à dissuader les franchisés de sortir dudit réseau à savoir : durée des engagements, interdépendance des différents contrats et le décalage de leur échéance, la limitation du droit de cession à un tiers (pacte de préférence et prise de participation minoritaire à 26% de la tête de réseau), la dévalorisation du fonds de commerce lors de l’exercice du droit de préemption du franchiseur, les pénalités en cas de rupture anticipée des contrats, le recours aux procédures d’arbitrage en cas de litige, les clauses de non-réaffiliation et de non-concurrence dans les contrats de franchise et les pactes d’associés et les contrats de location-gérance.
§ les pratiques visant à restreindre la liberté commerciale des franchisés, à savoir : modalités d’approvisionnement (avec notamment la question de la convention de ristourne « Achats et fidélité », la transmission des cadenciers), conditions de détermination par les franchisés de leur politique tarifaire (opacité des conditions tarifaires du fournisseur du fait de l’absence de conditions générales de vente et de la complexité du système de remise et de ristourne, les incitations à pratiquer les prix de vente conseillés laissant pourtant une marge faible au distributeur subordonnant leur respect à une ristourne conditionnelle).
La tête de réseau avançait plusieurs arguments pour se défendre des griefs formulés :
§ l’impossibilité de considérer comme constitutives d’un état de dépendance économique des clauses contractuelles non pas imposées, mais volontairement souscrites par les futurs franchisés ;
§ l’impossibilité de fonder une prétendue situation de « dépendance collective » compte tenu de l’absence totale d’homogénéité des situations des différents franchisés ;
§ sa position extrêmement réduite sur le marché pertinent ;
§ l’existence de solutions équivalentes pour les franchisés à l’issue de leur contrat de franchise.
L’Autorité de la Concurrence écarte tout d’abord l’existence d’une situation de dépendance économique des candidats à l’ouverture d’un commerce alimentaire de proximité, compte tenu de la part de marché de la tête de réseau (entre 12 et 24%). Elle rappelle par ailleurs que l’état de dépendance économique s’apprécie in concreto, soit dans la relation bilatérale entre deux opérateurs économiques, soit dans les relations entre un fournisseur et son réseau de distribution, pourvu que ce réseau constitue un groupe d’entreprises aux caractéristiques suffisamment homogènes, dont les membres sont placés, à l’égard de ce fournisseur, dans la même position économique et juridique.
Elle considère au cas d’espèce que ces deux conditions ne sont pas caractérisées en l’absence d’éléments sur la situation individuelle de chaque franchisé à l’égard d’une filiale de la tête de réseau ainsi qu’en l’absence d’homogénéité de la position des franchisés au sein du réseau considéré, les franchisés relevant de sept régimes contractuels différents.
L’Autorité de la Concurrence en conclut qu’« aucun des griefs notifiés n’est constitué ».