Critères d’appréciation de la nature commerciale d’un bail – Cass. civ. 3ème, 9 juillet 2014, pourvoi n°12-29.329

Le régime des baux commerciaux s’applique, dès lors qu’un fonds de commerce est exploité dans les locaux et que le bail litigieux offre au locataire la possibilité d’y exercer son activité.

Aux termes du second alinéa de l’article 12 du Code de procédure civile « [Le juge] doit donner ou restituer leur exacte qualification aux faits et actes litigieux sans s’arrêter à la dénomination que les parties en auraient proposée. »

Appliqué en matière de bail, il résulte de ce texte que le simple fait qu’un contrat de bail ait été dénommé « bail de location » par les parties lors de sa signature, ne saurait à lui seul exclure que celui-ci ne fasse l’objet d’une requalification – par le juge dans le cadre d’un contentieux y afférent – en bail commercial, comme l’illustre précisément l’arrêt commenté.

En l’espèce, bénéficiant du transfert d’un bail portant sur une maison d’habitation, le nouveau locataire avait choisi d’y fixer – en sus de son habitation – le siège social de la société dont il était le gérant.

Par la suite, le propriétaire a fait délivrer un congé pour vendre, conformément aux textes applicables en matière de bail d’habitation.

Le locataire, agissant tant en son nom personnel qu’en celui de sa société, a alors assigné le bailleur afin de faire constater que le bail litigieux était un bail mixte – commercial et d’habitation – de sorte qu’étant pour l’ensemble soumis au statut des baux commerciaux, le bailleur ne disposait pas de la faculté de faire délivrer un congé pour vendre, cette possibilité résultant du seul régime des baux d’habitation.

Les juges du fond, après avoir retenu (i) que le contrat était intitulé « bail de location », (ii) qu’il avait été conclu pour une durée de trois années renouvelable par tacite reconduction et (iii) que la commune intention des parties était de conclure un bail d’habitation, les locaux – lors de la signa-ture du contrat – n’étant pas destinés à l’exploita-tion d’un fonds de commerce, ont rejeté l’argumentation développée par le locataire et conclu que le contrat en cause était un bail d’habitation.

La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel. Se fondant sur les seuls faits que, d’une part, le bail stipulait que le preneur « pourra exercer dans les lieux toutes activités professionnelles, commerciales ou industrielles » et que, d’autre part, un fonds de commerce était exploité dans les lieux, la haute juridiction en déduit que ces éléments justifient qu’il soit fait application du régime des baux commerciaux.

En conséquence, et comme le soutenait le locataire, le bailleur ne disposait pas de la faculté de faire délivrer un congé pour vendre le bien objet du bail.

Dans la continuité de sa jurisprudence, la Cour de cassation rappelle au travers de cet arrêt que le régime – impératif – des baux commerciaux trouve à s’appliquer dès lors qu’un fonds de commerce est exploité dans les locaux.

L’article L.145-1 du Code de commerce subordonne en effet l’application du statut des baux commerciaux « aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité ».

Le principal apport de cet arrêt réside alors dans le fait qu’en l’espèce, la clause de destination stipulée au contrat de bail litigieux ne prévoyait l’exploitation d’un fonds de commerce qu’à titre simplement facultatif. Cette simple option offerte au locataire, dès lors que celui-ci avait choisi d’en disposer en installant le siège social de la société dont il était le gérant, suffisait donc à ce que le bail soit considéré comme un bail commercial.

Il importe peu dès lors que le locataire ait dans un premier temps fixé sa résidence principale dans l’immeuble loué et que l’exploitation de son fonds de commerce n’ait été que postérieure à son installation. La chronologie, de même que le caractère facultatif de l’exploitation d’un fonds, ne sauraient être suffisants à qualifier le bail en cause d’habitation et non de commercial. Si la solution peut sembler sévère, elle apparaît néanmoins particulièrement claire et en parfaite cohérence avec l’esprit des textes applicables en matière de baux commerciaux. La primauté est donc donnée à une appréciation factuelle de la situation locative : le critère déterminant quant à la nature commerciale d’un bail réside bien dans l’exploitation effective d’un fonds de commerce.

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