Cass. civ. 3ème, 22 septembre 2016, n°15-18.456
Le preneur qui se voit refuser le renouvellement de son bail commercial, perd son droit à son indemnité d’éviction dès lors qu’il n’est pas immatriculé au RCS pour l’activité réellement exercée dans le local loué. Il n’est pas nécessaire pour le bailleur de mettre au préalable en demeure le preneur de régulariser la situation pour le déchoir de son droit à indemnité d’éviction.
Ce qu’il faut retenir : Le preneur qui se voit refuser le renouvellement de son bail commercial, perd son droit à son indemnité d’éviction dès lors qu’il n’est pas immatriculé au RCS pour l’activité réellement exercée dans le local loué. Il n’est pas nécessaire pour le bailleur de mettre au préalable en demeure le preneur de régulariser la situation pour le déchoir de son droit à indemnité d’éviction.
Pour approfondir : Le 7 juillet 2010, un preneur notifie à son bailleur une demande de renouvellement du bail mais ce dernier la lui refuse et offre le règlement de l’indemnité d’éviction en contrepartie du « préjudice causé par le défaut de renouvellement ». Celle obligation lui est imposée par l’article L145-14 du Code de commerce. Deux mois plus tard, le bailleur constate que le preneur était inscrit au RCS pour l’activité de vente « d’objets d’arts, bois sculptés, miniatures et ivoires d’importation ou d’exportation, d’objets de luxe » alors qu’il exerçait en réalité une activité de vente de prêt-à-porter et de souvenirs. Le bailleur revient alors sur son offre et assigne le locataire en acquisition de la clause résolutoire, subsidiairement en résiliation du bail à ses torts et, en tout état de cause, en déchéance du droit à une indemnité d’éviction, au regard du défaut d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour l’activité réellement exercée dans les lieux. Il se fondait sur les dispositions relatives aux qualités requises pouvoir bénéficier du statut des baux commerciaux (et donc d’une indemnité d’éviction) visées à l’article L145-1 du Code de commerce qui dispose notamment que : « le statut des baux commerciaux s’applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, que ce fonds appartienne, soit à un commerçant ou à un industriel immatriculé au registre du commerce et des sociétés, soit à un chef d’une entreprise immatriculée au répertoire des métiers, accomplissant ou non des actes de commerce. »
La cour d’appel a cependant rejeté sa demande au motif que l’article L145-1 du Code de commerce n’impose au preneur qu’une simple obligation d’immatriculation. Elle rappelait également que cette condition d’inscription au RCS devait s’apprécier à la date de la demande de renouvellement du bail et qu’en l’espèce à cette date la société locataire n’avait, certes, pas modifié son immatriculation pour y faire figurer ses nouvelles activités mais n’en demeurait pas moins inscrite au RCS.
En outre, elle faisait valoir que le bailleur n’avait pas mis en demeure son locataire de régulariser sa situation alors que l’article L145-17 du Code de commerce, relatif au refus de renouvellement pour motif grave et légitime (et donc sans indemnité d’éviction), l’y oblige.
La question qui se posait à la Cour de cassation était donc de savoir si un preneur, qui n’avait pas modifié son immatriculation à la suite du changement de l’activité exercée dans le fonds, pouvait bénéficier du statut des baux commerciaux et donc prétendre au versement d’une indemnité d’éviction.
La Haute juridiction censure l’arrêt d’appel au visa des articles L145-1, I, L145-8 et L145-17 du Code de commerce et rappelle qu’il ne faut pas confondre refus de renouvellement du bail et dénégation du droit au statut des baux commerciaux, laquelle n’a pas à être précédée d’une mise en demeure du preneur (déjà jugé en ce sens : CA Paris 3 déc. 1999, n° 98-16970 et Cass. civ. 3ème, 8 janvier 2008, n° 06-14190). La Cour de cassation rappelle ensuite que le preneur, qui n’est pas immatriculé au registre du commerce et des sociétés pour l’activité autorisée au bail, est déchu de son droit au renouvellement et ne peut en conséquence pas prétendre à une indemnité d’éviction qui vise justement à compenser le préjudice du locataire causé par le défaut de renouvellement par le bailleur. La Cour vient ainsi rappeler sa jurisprudence antérieure sanctionnant les cas de déspécialisation irrégulière de l’activité du preneur (Cass. civ. 3ème, 18 janv. 2011, no 09-71910).
En conclusion, compte-tenu de la sévérité de la jurisprudence de la cour de cassation, le locataire qui modifie son activité, dans la limite de la destination prévue au bail, doit procéder à l’actualisation de son immatriculation (sur Infogreffe notamment).
A rapprocher : Article L145-1, I du Code de commerce ; Article L145-8 du Code de commerce ; Article L145-17 du Code de commerce ; Nouvel article 1226 du Code civil