CA Paris, 17 mai 2017, n°14/18290
Le non-respect de l’obligation d’information précontractuelle à laquelle est tenue le franchiseur est susceptible d’entrainer la nullité du contrat à condition que soit démontré, d’une part, le manquement commis, mais également, d’autre part, que la communication d’une information incomplète et/ou erronée a vicié le consentement du franchisé…
Ce qu’il faut retenir : Le non-respect de l’obligation d’information précontractuelle à laquelle est tenue le franchiseur est susceptible d’entrainer la nullité du contrat à condition que soit démontré, d’une part, le manquement commis, mais également, d’autre part, que la communication d’une information incomplète et/ou erronée a vicié le consentement du franchisé (le franchisé doit ainsi démontrer qu’il n’aurait pas contracté si le franchiseur avait respecté son obligation d’information précontractuelle).
Pour approfondir : La société PT est à la tête d’un réseau de franchise et a remis, le 31 mai 2011, un document d’information précontractuel (contenant un prévisionnel) au représentant de la société C, laquelle souhaitait intégrer le réseau de franchise. Les sociétés PT et C. ont ensuite signé un contrat de franchise.
Le franchisé n’ayant pas atteint le montant du chiffre d’affaires prévisionnel figurant dans le DIP, celui-ci a assigné le franchiseur aux fins d’obtenir la nullité du contrat de franchise, en invoquant différents manquements prétendument commis par le franchiseur à son devoir d’information précontractuelle.
En première instance, le tribunal de commerce a débouté le franchisé de sa demande, lequel a alors interjeté appel.
Le franchisé sollicite la nullité du contrat pour dol. Les juges du fond rappellent que « le manquement à l’obligation d’information précontractuelle prévue à l’article L.330-3 n’entraîne la nullité du contrat que s’il a eu pour effet de vicier le consentement du franchisé ».
Le DIP remis au franchisé précisait que la société PT avait été immatriculée le 16 février 2010 et l’annexe consacrée à la « liste des franchisés » ne faisait apparaitre qu’un seul nom : la société C. ne pouvait donc pas ignorer qu’elle participait à la création d’un réseau très récemment constitué et elle était ainsi parfaitement informée de l’état du réseau et du nombre de franchisés.
Par ailleurs, les juges du fond relèvent que, si l’étude de marché figurant dans le DIP était lacunaire – elle ne précisait pas l’état de la concurrence sur la zone d’implantation et ne contenait pas d’élément sur son dynamisme économique – il revenait toutefois au franchisé de procéder lui-même à une analyse d’implantation précise lui permettant d’apprécier le potentiel et, par là même, la viabilité du fonds de commerce qu’il envisageait de créer.
Il est ajouté que le manquement commis par le franchiseur à son obligation d’information précontractuelle ne peut suffire à caractériser le dol ; il est en effet nécessaire de constater également le caractère intentionnel de ce manquement, et l’erreur déterminante qu’un tel manquement a provoqué.
S’agissant des prévisionnels figurant dans le DIP, les juges du fond relèvent que le DIP contenait, dans un encart, la mention suivante : « Attention : il ne s’agit là que d’une simple simulation. Il appartient au candidat à la franchise, comme tout entrepreneur, de réaliser ses propres prévisionnels en vue de se décider en toute connaissance de cause » ; le franchisé avait donc été alerté sur le fait qu’il convenait de considérer les prévisionnels avec prudence.
Il est par ailleurs relevé que les chiffres d’affaires prévisionnels avaient été établis sur la base des chiffres d’affaires réalisés par la société SM (ancien franchiseur), durant les premières années d’exploitation du savoir-faire (repris par la suite par la société PT) et que, par ailleurs, d’autres franchisés, installés dans la même zone géographique que la société C., ou dans une zone proche, ont dépassé le montant des chiffres d’affaires mentionnés dans le prévisionnel. Les juges du fond considèrent ainsi que : « le fait que le prévisionnel n’ait pas précisé les conditions dans lesquelles les chiffres qu’ils présentent ont été déterminés, et qu’ils étaient fondés sur ceux réalisés par la société SM, ne saurait constituer un manquement du franchiseur ni démontrer que les données du prévisionnel n’étaient pas réalistes » et rappellent que « l’existence d’un écart entre le prévisionnel et le résultat obtenu ne suffit pas à démontrer l’irréalisme du prévisionnel, et il appartenait à la société C. de le compléter avec les données locales ».
Enfin, il est relevé que le gérant de la société C. disposait d’une expérience commerciale certaine et pouvait ainsi réaliser ses propres prévisionnels et analyse du marché.
Les juges du fond relèvent ainsi que le dol n’était pas caractérisé et il n’a pas été fait droit à la demande du franchisé. En effet, les éléments nécessaires aux fins d’obtenir la nullité du contrat de franchise pour dol n’étaient pas réunis.
A rapprocher : Cass. com., 28 juin 2005, n°03-16.794