Pouvoir de la Cour d’appel de Paris et pratiques restrictives de concurrence

GUILLÉ Jérôme

Avocat

Cass. com., 17 janvier 2018, n°17-10.360

La Cour d’appel de Paris ne dispose pas d’un pouvoir juridictionnel général et exclusif pour connaître du recours contre la décision d’une juridiction de premier degré fondée sur l’article L. 442-6, I du Code de commerce.

Ce qu’il faut retenir : La Cour d’appel de Paris ne dispose pas d’un pouvoir juridictionnel général et exclusif pour connaître du recours contre la décision d’une juridiction de premier degré fondée sur l’article L. 442-6, I du Code de commerce.

Pour approfondir : La société Sebso a conclu avec la société Distribution Casino France un contrat de franchise, qu’elle a dénoncé avec effet au 19 novembre 2015. Se prévalant de pratiques méconnaissant l’article L.442-6, I, 2° du Code de commerce, produisant également des effets anticoncurrentiels au sens des dispositions de l’article L. 420-1 du même code, cette société a saisi, par requête, le président du Tribunal de commerce de Grenoble, qui l’a autorisée, par ordonnance du 4 mars 2016, à pratiquer diverses mesures d’investigation au siège d’un membre du même réseau, la société IF Investissements, afin de recueillir des pièces en lien avec les relations nouées entre ce franchisé et la société Casino, et a désigné à cette fin un huissier de justice. D’emblée, il est précisée que le Tribunal de commerce de Grenoble ne figure pas parmi les 8 juridictions spécialisées visées à l’annexe 4-2-1 du Code de commerce, seules compétentes pour connaître des litiges relatifs à l’application de l’article L.442-6 du Code de commerce. Le président du Tribunal de commerce de Grenoble, saisi d’un recours en rétractation par les sociétés Casino et IF Investissements et d’une demande de libération de séquestre par une assignation délivrée par la société Sebso, a, par deux ordonnances rendues le 19 juillet 2016, rejeté le recours en rétractation et fait droit à la demande de la société Sebso. La société Casino a interjeté appel de ces ordonnances auprès de la Cour d’appel de Grenoble, laquelle a joint les instances. Par arrêt du 10 novembre 2016, la Cour d’appel de Grenoble a infirmé les ordonnances du 19 juillet 2016, rétracté l’ordonnance sur requête du 4 mars 2016 et ordonné la restitution des originaux des documents saisis et des copies ayant pu être récupérées. Dans son arrêt du 17 janvier 2018, publié au bulletin, la Chambre commerciale de la Cour de cassation confirme le revirement entrevu dans deux arrêts du 29 mars 2017 puisqu’elle retient, de première part, que :

« les recours formés contre les décisions rendues par des juridictions non spécialement désignées par l’article D. 442-3 du Code de commerce, quand bien même elles auraient statué dans un litige relatif à l’application de l’article L. 442-6 du même code, sont, conformément à l’article R. 311-3 du Code de l’organisation judiciaire, portés devant la Cour d’appel dans le ressort de laquelle elles sont situées, tandis que seuls les recours formés contre les décisions rendues par des juridictions spécialisées sont portés devant la Cour d’appel de Paris ».

La compétence de la Cour d’appel de Grenoble, et l’incompétence de la Cour d’appel de Paris, étant établies, la Haute Juridiction, après avoir rappelé que « seules les juridictions du premier degré spécialement désignées par les articles D. 442-3 et R. 420-3 du Code de commerce sont investies du pouvoir de statuer sur les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 ou dans lesquels les dispositions de l’article L. 420-1 du même code sont invoquées », confirme l’arrêt d’appel en ce qu’il a retenu l’incompétence du président du tribunal de commerce de Grenoble pour ordonner la mesure d’investigation fondée sur  la méconnaissance de l’article L. 442-6,I, 2° du Code de commerce.

En effet, la Chambre commerciale de la Cour de cassation retient :

« qu’après avoir énoncé que, si la partie qui demande une mesure sur le fondement de l’article 145 du Code de procédure civile dispose du choix de saisir soit le président du tribunal appelé à connaître du litige soit celui du tribunal du lieu de l’exécution de la mesure d’instruction, le président saisi ne peut toutefois ordonner une telle mesure que dans les limites du pouvoir juridictionnel de ce tribunal, c’est à bon droit qu’ayant constaté que la société Sebso se prévalait dans sa requête de pratiques méconnaissant l’article L. 442-6,I, 2° du Code de commerce et relevé que le tribunal de commerce de Grenoble, dans le ressort duquel la mesure d’investigation devait être exécutée, n’avait pas le pouvoir juridictionnel de statuer sur un tel litige, la Cour d’appel a infirmé les ordonnances déférées et rétracté l’ordonnance sur requête ayant ordonné la mesure, peu important que la requête ait pu invoquer, en outre, un fondement de droit commun ».

Cette jurisprudence a le mérite du pragmatisme puisqu’elle devrait conduire à diminuer quelque peu le nombre de dossiers pendants devant la Cour d’appel de Paris et réduire les délais de procédure.

A rapprocher : Cass. com., 29 mars 2017, n°15-24.241 et n°15-17.659

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