CA Paris, 6 juin 2018, n°16/10621
La méconnaissance par le franchiseur de son obligation d’information précontractuelle ne peut entraîner la nullité du contrat de franchise que s’il est démontré que cette méconnaissance est constitutive d’un dol, d’une réticence dolosive ou d’une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé.
La société K. et la société E. ont conclu un contrat de concession d’enseigne le 21 juillet 2006, pour une durée de 3 ans, renouvelable par tacite reconduction, concernant l’exploitation, par la société K., d’un magasin sous l’enseigne E. La société K. a rencontré des difficultés financières et a rapidement laissé de nombreuses factures impayées à l’égard de la société E. Le 9 avril 2011, un contrat de franchise s’est substitué au contrat de concession d’enseigne puis, la société K. a finalement sollicité auprès de son partenaire la résiliation anticipée du contrat ; la société E. a accepté cette demande le 20 mars 2012 et le contrat de franchise a donc été résilié de manière anticipée, à l’amiable.
Suite à cette résiliation, les parties ont trouvé un accord concernant le règlement échelonné de sa dette par la société K., au profit de la société E.
Cette dernière a finalement assigné l’ancien franchisé afin que celle-ci soit condamnée au paiement des factures impayées.
L’ancien franchisé a opposé l’exception de nullité du contrat de franchise et, à titre subsidiaire, la résiliation du contrat aux torts de la tête de réseau et, en toutes hypothèses, sa condamnation à lui verser la somme de 350.000 euros au titre du manquement à son obligation d’information précontractuelle, à ses obligations contractuelles d’information, d’assistance et de conseil, et aux dispositions de l’article L.442-6 du Code de commerce.
En première instance, le Tribunal a considéré que les demandes de nullité et de résiliation du contrat formées par la société K. étaient irrecevables et a condamné cette dernière au règlement de ses impayés à l’égard de la société E.
La société K. (représentée par son liquidateur) a sollicité la réformation du jugement.
Concernant la recevabilité de l’exception de nullité du contrat de franchise, les juges du fond considèrent que « dès lors qu’elle est exercée dans le délai de prescription, l’exception de nullité d’un contrat reste recevable même si le contrat est résilié, peu important à cet égard qu’il l’ait été d’un commun accord dès lors qu’il ne ressort d’aucun élément, comme en l’espèce, que les parties aient entendu expressément renoncer à l’invoquer ».
Concernant la demande de nullité du contrat, les juges du fond rappellent que, la méconnaissance par le franchiseur de son obligation d’information précontractuelle ne peut entraîner la nullité du contrat de franchise que s’il est démontré que cette méconnaissance est constitutive d’un dol, d’une réticence dolosive ou d’une erreur, de nature à vicier le consentement du franchisé. En l’espèce, l’ancien franchisé sur qui pèse la charge de la preuve, n’explique pas en quoi son consentement aurait été vicié, et se contente d’indiquer qu’il ne se serait pas engagé dans un contrat de franchise dépourvu de toute sécurité économique. Les juges du fond considèrent ainsi que la société K. ne caractérise pas l’erreur, déterminante de son consentement, qu’elle aurait commise du fait de son éventuelle absence de connaissance de la baisse générale des résultats du réseau et, a fortiori, elle ne caractérise pas le dol. L’appelante ne démontre pas par ailleurs en quoi l’absence de remise du DIP aurait vicié son consentement. La société K. est ainsi été déboutée de sa demande d’annulation du contrat de franchise.
Concernant les manquements contractuels commis par la tête de réseau et dont se plaint la société K., les juges du fond rappellent à juste titre que « si le franchiseur est tenu de procurer une assistance technique et commerciale pendant l’exécution du contrat, ce qui constitue une obligation de moyens, le franchisé est un commerçant indépendant seul responsable de la gestion de son entreprise et que les manquements du franchiseur à son obligation d’assistance ne se déduisent pas du seul fait de l’existence de difficultés financières rencontrées par les franchisés. En effet, l’exploitation d’un fonds de commerce est soumise à de multiples aléas, dont notamment ceux liés à la gestion du franchisé et à la situation économique du marché de référence ».
La Cour précise par ailleurs que l’obligation d’assistance n’impose pas au franchiseur, en cas de difficultés rencontrées par le franchisé, de lui conseiller de cesser son activité et de prendre une autre orientation et considère que la société E. justifie avoir respecté son obligation d’assistance ; la société K. a donc été déboutée de sa demande de dommages et intérêts formée à ce titre à l’encontre de la tête de réseau.
Concernant la soumission à un déséquilibre significatif, la société K. prétend que son partenaire lui aurait imposé une obligation d’approvisionnement totalement inadaptée, ce qui aurait irrémédiablement contribué à creuser sa dette fournisseur. Le franchiseur conteste ce point, précisant que le franchisé était parfaitement libre concernant les commandes et actions promotionnelles et que toute commande effectuée pouvait être annulée. Les juges du fond considèrent que le fait pour le franchiseur de prévoir dans le contrat de franchise que le franchisé devra disposer d’un stock d’un volume important de produits n’est pas susceptible de créer un déséquilibre significatif entre les obligations des parties et que, aucun élément ne permet par ailleurs de démontrer que la société K. aurait été contrainte de passer des commandes. Cette dernière a ainsi été déboutée de sa demande formée en matière de déséquilibre significatif.
Cette décision permet de revenir sur certains points, concernant notamment les éléments dont la preuve est à rapporter par le franchisé qui sollicite le prononcé de la nullité du contrat de franchise. De même, lorsque le franchisé sollicite l’indemnisation des préjudices subis résultant des prétendus manquements contractuels commis par le franchiseur, encore faut-il que le franchisé soit en mesure de pouvoir justifier ces manquements, à défaut, sa demande d’indemnisation sera nécessairement rejetée.
A rapprocher : TC Paris, 6 novembre 2013, RG n°2013050596