Cass. com., 16 mai 2018, n°16-16.498
Le défaut d’agrément des associés d’une société en nom collectif à une cession de parts sociales entraîne l’inopposabilité de celle-ci, et non pas sa nullité.
La société en nom collectif est une forme sociale très marquée par l’intuitu personae des associés. L’article L.221-13 du Code de commerce reflète cet état de fait, puisqu’il impose l’agrément unanime des associés de ce type de société à une cession de parts sociales, qu’elle soit réalisée entre associés ou à destination de tiers, en dépit de toute clause statutaire contraire. Si la sanction du défaut d’agrément n’est pas précisée par le Code de commerce, la doctrine semblait plutôt encline à estimer que la cession non agréée devait être frappée de nullité, en se fondant ainsi sur des arrêts de la Cour de cassation et de cour d’appel, concernant des irrégularités relatives à l’agrément de droits sociaux en société à responsabilité limitée, autre forme sociale à laquelle le Code de commerce impose l’agrément des associés à certaines cessions de parts sociales. La Cour de cassation, dans son arrêt en date du 16 mai 2018, a privilégié l’inopposabilité de la cession de parts sociales de société en nom collectif, effectuée sans agrément préalable des associés, à sa nullité.
En l’espèce, une société civile immobilière, associée d’une société en nom collectif, cède les parts sociales qu’elle détient dans cette dernière à un tiers, avant de faire l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire. Ne souhaitant pas reconnaître cette cession, les associés subsistant dans la société en nom collectif demandent la constatation par le juge de la nullité de la cession intervenue sans agrément préalable des cessionnaires. La Cour de cassation confirme le rejet de leur demande prononcé par la Cour d’appel de Fort-de-France, en affirmant, notamment, que « le défaut d’agrément unanime des associés à la cession des parts sociales d’une société en nom collectif n’entraîne pas la nullité de la cession, laquelle est seulement inopposable à la société et aux associés ».
C’est la première fois que la Cour de cassation affirme aussi clairement la sanction du défaut d’agrément des cessions de parts sociales de société en nom collectif. Cette distinction emporte des conséquences pratiques importantes.
L’action en nullité se prescrit par un délai de trois ans et implique la remise des parties à la situation antérieure à la cession, ce qui entraîne la restitution du prix de cession. L’inopposabilité, quant à elle, laisse subsister la vente mais rend inopposable ses effets à la société dont les titres sont cédés et aux associés restants. En effet, la nullité est la sanction de l’invalidité d’un acte juridique, tel qu’un contrat, de telle sorte que celui-ci est réputé n’avoir jamais existé, alors que l’inopposabilité laisse subsister le contrat mais prive celui-ci d’effet juridique à l’égard des tiers, personnes non signataires. En l’espèce, la cession de parts sociales n’a donc d’effet qu’entre l’acheteur et le vendeur.
On peut s’interroger sur le fait de savoir si cette solution pourrait être étendue aux autres sociétés imposant l’agrément des cessions de droits sociaux par des dispositions d’ordre public (sociétés à responsabilité limitée et sociétés en commandite simple dont les statuts n’autorisent pas la libre cession des titres), ou limiter la portée de l’arrêt aux sociétés en nom collectif.
A rapprocher : Cass. com., 21 janvier 2014, n°12-29.221