CA Paris, 17 février 2015, RG n°12/22312
La renommée de la marque fonde la protection spécifique de celle-ci conférée par l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle. Elle est également prise en considération dans le cadre d’une action en contrefaçon pour apprécier le risque de confusion.
Les décisions reconnaissant la renommée d’une marque sont suffisamment rares pour que l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 17 février 2015 reconnaissant un tel caractère à la marque POCKET soit commenté.
Dans cette affaire, l’éditeur titulaire de la marque POCKET entendait défendre ses droits sur celle-ci à l’encontre de l’éditeur de bandes dessinées ayant déposé et exploitant la marque HUMANO POCKET. Nous ne reviendrons pas sur le prononcé de la déchéance partielle pour un certain nombre de produits et services pour nous arrêter uniquement sur la question de la contrefaçon.
Pour apprécier l’existence d’une contrefaçon, la Cour va procéder à la classique comparaison entre, en premier lieu, les produits et services désignés par les marques en présence et, en second lieu, les signes.
La Cour va tout d’abord déterminer les produits et services similaires et considérer qu’une partie de ceux visés par la marque critiquée ne sont pas similaires ce qui exclut pour ceux-ci toute contrefaçon.
Dans un deuxième temps, les juges d’appel vont procéder à la comparaison des signes en présence : POCKET / HUMANO POCKET et considérer que : visuellement, les signes ont en commun les couleurs de cartouche et des lettres et le terme « pocket », phonétiquement ils ont deux syllabes en commun, conceptuellement dans la marque Humano Pocket, le terme pocket, à défaut d’en constituer l’élément dominant conserve une fonction distinctive autonome ce qui exclut donc qu’il soit utilisé dans son sens courant.
Après avoir mis en évidence la similarité entre les signes, la Cour va apprécier la renommée de la marque POCKET. En effet, dans cette affaire, la renommée n’était pas invoquée pour justifier la protection spéciale de l’article L.713-5 du code de la propriété intellectuelle mais comme facteur aggravant du risque de confusion.
La Cour va conclure à la renommée de la marque au vu des éléments suivants : nombre de produits vendus (14 des 25 livres de poches les plus vendus comportent la marque POCKET), l’exploitation sur le territoire national dans les grandes enseignes spécialisées et sur internet, la taux de consultation du site éponyme, le montant brut des investissements consacrés à la promotion de la marque (6 millions d’euros), deux études Ipsos et GFK attribuant à la marque des taux de notoriété spontanée et suggérée conséquents.
La renommée de la marque favorise en conséquence le risque de confusion pour le consommateur qui sera amené à croire que la marque Humano Pocket constitue une déclinaison de la marque Pocket ou, à tout le moins, qu’il existe résulte d’un partenariat.
En conséquence, la contrefaçon de la marque POCKET est établie et justifie le prononcé de la nullité de la marque postérieure outre les mesures de cessation d’usage et l’allocation de dommages-intérêts.