Le bailleur doit être vigilant dans la rédaction du bail en énumérant de manière exhaustive et expresse les charges ou taxes qu’il entend transférer au preneur.
Par cette décision, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence s’inscrit dans le droit fil de la position adoptée par la Cour de cassation qui exige une énumération précise et expresse des charges et impôts pouvant être mis à la charge du preneur.
En l’espèce, un bailleur avait donné à bail commercial des locaux à un preneur suivant acte du 16 juillet 1982. Le bail avait été renouvelé en 1991, 2000 puis en 2009.
Lors de ce dernier renouvellement, le contrat mentionnait que « le preneur acquittera, sans que cette énumération soit limitative ou exhaustive, les contributions personnelles, mobilières, de taxe professionnelle ou toutes celles qui leur seraient substituées, les taxes de toutes natures à sa charge ou à celle du bailleur, les ordures ménagères, déversement à l’égout, balayage, etc,… ou toutes celles qui viendraient à remplacer l’une ou l’autre d’entre elles, de manière que le bailleur ne soit jamais inquiété ni recherché à ce sujet et qu’en toute hypothèse, le loyer soit perçu et de toutes charges réelles quelconques à la seule exclusion des impôts susceptibles de grever les revenus de la location qui sont et demeureront à sa charge dans le cadre de l’IRPP.»
Le bailleur assigne le preneur en paiement d’arriérés de loyers et charges.
Les juges de première instance déboutent le bailleur qui interjette appel de la décision arguant que le loyer est perçu net de toutes charges réelles et qu’il incombe au locataire d’honorer l’ensemble des charges, taxes et dépenses de toutes natures afférentes à l’immeuble.
Le preneur soutient, quant à lui, que c’est à son insu qu’a été ajoutée cette clause qu’il considère comme ambiguë et ne saurait inclure des charges non expressément énoncées et qui ne correspondent pas à des services rendus.
La Cour d’appel confirme le jugement, considérant que la clause, qui ne transfère pas expressément sur le preneur les charges de copropriété habituellement supportées par le bailleur co-propriétaire, est ambiguë dès lors que l’expression « loyer perçu net de toutes charges » ne fait suite qu’à une énumération des taxes auxquelles l’immeuble peut être soumis et qui sont stipulées à la charge du preneur.
Visant l’article 1162 du code civil, la Cour d’appel conclut que, dans le doute, la convention doit s’interpréter en faveur du preneur qui a contracté l’obligation.
En la matière, contrairement aux baux d’habitation régis par le décret du 26 août 1987 relatif aux charges récupérables, la détermination et le mode de répartition des charges et taxes dont le remboursement incombe au preneur relèvent incontestablement de la liberté contractuelle.
La Cour de cassation a, depuis quelques années, interprété strictement les clauses des baux stipulant un loyer dit « net de toutes charges pour le bailleur ».
L’énumération des charges et taxes que le bailleur entend faire supporter par le preneur doit être limitativement et expressément stipulée.
A défaut, le bailleur ne peut en solliciter le remboursement au preneur.
Les juges doivent donc se livrer à une lecture attentive des clauses du bail indépendamment de toute considération économique.
Cette tendance jurisprudentielle rétablit l’équilibre contractuel entre bailleur et preneur.
Le bailleur doit être vigilant dans la rédaction du bail en énumérant de manière exhaustive et expresse les charges ou taxes qu’il entend transférer au preneur.
Quant au preneur, il doit être attentif aux charges et taxes appelées par le bailleur, en cours de bail, en réclamant le cas échéant les justificatifs de chacune d’entre elles afin de vérifier qu’elles correspondent aux stipulations contractuelles.
C’est dans cet esprit qu’en l’espèce, malgré une énumération des charges, la Cour d’appel a considéré que la clause était ambiguë dès lors que cette énumération n’était pas limitative et exhaustive.
L’on relèvera néanmoins l’affirmation étonnante du preneur qui prétendait que la clause avait été ajoutée à son insu, alors qu’il exploitait les locaux depuis plus de vingt ans et que le bail avait d’ores et déjà été renouvelé.