La notification de la rupture doit être dépourvue de toute équivoque – CA Paris, 20 mai 2015, RG n°13/03888

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

CA Paris, 20 mai 2015, RG n°13/03888

L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, même partielle, des relations commerciales établies.

L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne la rupture brutale, même partielle, des relations commerciales établies. Parmi les conditions à remplir pour justifier une condamnation sur ce fondement, encore faut-il qu’il y ait véritablement « rupture » et, qu’en conséquence, la notification de la rupture soit dépourvue de toute ambiguïté, ce qui n’était pas le cas en l’espèce.

La société J. confectionne des articles textiles de décoration et d’ameublement pour de grandes marques de la distribution. A ce titre, elle a conclu un contrat-cadre le 29 juillet 1999 avec une célèbre enseigne de distribution, la société A. Suite à une forte augmentation des coûts des matières premières à partir de 2008, la société J. a rencontré des difficultés financières, nécessitant une hausse de ses tarifs ; la société A. a cependant refusé, par message électronique du 12 mai 2011, une telle augmentation. La société A. a parallèlement considérablement réduit ses commandes auprès de la société J. Le 1er septembre 2011, les parties ont signé un nouvel accord. Quelques mois à peine après, la société J. informe la société A. d’une nouvelle hausse de ses tarifs en deux temps, une première augmentation à partir du 1er janvier 2012, puis une seconde à partir du 12 mars 2012. Si la société A. a accepté la première augmentation, elle a en revanche refusé la seconde et, par un message électronique adressé à la société J. le 12 mars 2012, elle a annoncé à cette dernière qu’elle refusait de subir de nouvelles augmentations et qu’elle allait donc définitivement stopper les commandes de cette gamme.

La société J. a été placée en redressement puis en liquidation judiciaire.

La société J. a assigné la société A. en soulevant différents griefs et notamment la rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, soutenant le fait qu’aucun préavis ne lui avait été accordé alors qu’un préavis d’une durée de deux ans aurait dû être respecté. L’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce sanctionne le fait de « rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ».

Le Tribunal de commerce de Marseilles n’a pas fait droit à cette demande, considérant que la société A. n’avait commis aucune faute, le message électronique du 12 mars 2012 ne constituant pas un élément de rupture.

Le liquidateur de la société J. a interjeté appel du jugement rendu.

La société A. soutenait que le message électronique adressé le 12 mars 2012 ne constituait pas une rupture mais seulement l’arrêt des commandes pour une gamme déterminée de produits et qu’il n’avait jamais été indiqué que la rupture prendrait effet immédiatement.

Les juges du fond ont confirmé la position adoptée par les premiers juges et ont ainsi considéré que le message électronique adressé le 12 mars 2012 était dépourvu de tout formalisme et « ne constituait qu’une annonce, un message d’arrêt de commandes, sans prise d’effet ferme et immédiate, et ne pouvait constituer, ainsi que l’ont estimé les Premiers Juges, une notification de rupture brutale, qui doit être dépourvue de toute équivoque ».

Pour rappel, la rupture brutale peut être sanctionnée même si elle n’est pas totale. Une baisse importante du rythme des commandes, sans justification économique, peut ainsi constituer une rupture partielle qui sera sanctionnée, encore faut-il qu’il y ait une véritable « rupture ». En l’espèce, les juges du fond n’ont même pas eu à examiner ce point puisqu’ils ont considéré que le principe même de la « rupture » faisait débat et en ont conclu que, dès lors que le message de la société A. était équivoque, il n’y avait pas lieu de considérer qu’il y avait « rupture ».

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