Cass. civ. 3ème, 20 mai 2015, pourvoi n°14-12.223
La qualification de local monovalent échappe au choix d’exploitation opéré par le preneur postérieurement à la signature du bail.
La fixation du loyer lors du renouvellement du bail est une des sources principales de litige entre le bailleur et le preneur. Le principe est que le loyer du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative.
Pour les cas où les baux sont conclus pour une durée de neuf années et uniquement dans l’hypothèse où la valeur locative est supérieure au loyer, le législateur a introduit une exception au principe de fixation du loyer à la valeur locative qui est le plafonnement du loyer de telle sorte que l’évolution du loyer renouvelé se trouve limitée à la variation de l’indice choisi par les parties.
Les causes de déplafonnement du loyer ont été limitativement prévues par le législateur.
Le caractère monovalent des locaux, qui s’entend de locaux construits en vue d’une seule utilisation, est l’une des causes justifiant le déplafonnement du loyer du bail renouvelé.
Pour qualifier un local de monovalent, les tribunaux procèdent à l’application cumulée de deux critères distincts :
– un critère matériel (l’existence d’aménagements structurels adaptés à un usage unique) ;
– et un critère économique (l’impossibilité de changer de destination des lieux sans engager des travaux importants.)
L’enjeu est donc de taille pour les bailleurs qui entendent voir le loyer du bail renouvelé fixé à la valeur locative.
Au cas d’espèce, un preneur bénéficiaire d’un bail commercial portant sur des locaux à usage de bar-restaurant et d’hôtel a donné en location-gérance la partie bar-restaurant. Le contrat de location-gérance stipulait que
« le preneur et le loueur pourront jouir conjointement » des dépendances autres que la partie hôtel et la partie café-restaurant. A l’échéance du bail, le preneur a sollicité le renouvellement du bail. Le bailleur a accepté le principe du renouvellement moyennant la fixation d’un nouveau loyer. En raison d’un désaccord sur la fixation du prix du loyer renouvelé, le bailleur a saisi le juge des loyers commerciaux et a invoqué le caractère monovalent des locaux donnés à bail. Afin de bénéficier du déplafonnement du loyer, le bailleur invoquait le caractère monovalent des locaux donnés à bail.
La Cour d’appel a posé le principe que « l’ensemble des locaux ne pourrait être qualifié de monovalent qu’à la condition que les activités qui y sont exercées aient vocation, au regard de la configuration des lieux, à être interdépendantes ». Elle retient l’absence de monovalence des locaux sur le fondement du critère économique au motif que : « les parties au contrat de location-gérance sont convenues d’une jouissance commune pour les dépendances autres que la partie hôtel et la partie café-restaurant, qu’il ressort des plans fournis que rien ne s’oppose à ce que les accès aux toilettes, la cuisine et la livraison de fûts de bière nécessaires à l’exploitation du café-restaurant puissent lui être spécialement réservés, moyennant des aménagements ne nécessitant pas des travaux importants et financièrement coûteux ».
La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel aux motifs que le caractère monovalent des locaux jusqu’alors reconnu ne pouvait être affecté par les choix de gestion du preneur. Ainsi, l’accord conclu entre le preneur et le locataire gérant du bar-restaurant sur l’usage commun de certaines parties de l’immeuble était sans incidence sur le caractère monovalent des locaux et donc la fixation du loyer renouvelé à la valeur locative.