Interview de François-Luc SIMON

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SIMON François-Luc

Avocat Associé-Gérant - Docteur en droit

Loi Macron et réseaux de distribution

L’article 31 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « Loi Macron ») relatif aux relations contractuelles entre les réseaux de distribution et les exploitants de commerces de détail affiliés, a été déclaré conforme à la Constitution ; ce dispositif légal introduit deux nouveaux articles (L. 341-1 et L. 341-2) au code de commerce, constituant ce qui devient le nouveau titre IV du livre III de ce code, intitulé « Des réseaux de distribution commerciale » : Interview de François-Luc SIMON.

L’article 31 de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « Loi Macron ») relatif aux relations contractuelles entre les réseaux de distribution et les exploitants de commerces de détail affiliés, a été déclaré conforme à la Constitution ; ce dispositif légal introduit deux nouveaux articles (L. 341-1 et L. 341-2) au code de commerce, constituant ce qui devient le nouveau titre IV du livre III de ce code, intitulé « Des réseaux de distribution commerciale » : Interview de François-Luc SIMON.

Question n°1 : Ce dispositif légal concerne-t-il tous les réseaux de distribution ?

FLS : Non.

Les contrats de distribution entrant dans le champ d’application de cette réforme sont définis par l’alinéa 1er de l’article L.341-1 du code de commerce, selon lequel il s’agit d’encadrer désormais : « L’ensemble des contrats conclus entre, d’une part, une personne physique ou une personne morale de droit privé regroupant des commerçants, autre que celles mentionnées aux chapitres V et VI du titre II du livre Ier du présent code, ou mettant à disposition les services mentionnés au premier alinéa de l’article L. 330-3 et, d’autre part, toute personne exploitant, pour son compte ou pour le compte d’un tiers, un magasin de commerce de détail, ayant pour but commun l’exploitation de ce magasin et comportant des clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale (…) ». Ce texte s’avère d’application large dès lors que sont donc visés tous les réseaux de distribution regroupant des magasins (sous une enseigne, un nom commercial ou une marque commune) relevant de l’article L.330-3 du code de commerce qui, comme chacun sait, recouvre indistinctement toutes les formes de réseaux de distribution.

Toutefois, les contrats échappant au champ d’application de ce texte sont finalement assez nombreux (leur liste s’est allongée au cours du processus législatif ayant précédé l’adoption du texte définitif) ; il en va ainsi des contrats suivants (la liste est limitative) :

  • les contrats conclus par les magasins collectifs de commerçants indépendants ou les sociétés de caution mutuelle (je fais ici allusion au texte de l’alinéa 1er de l’article L.341-1 précité) ;
  • les contrats conclus par des indépendants n’entrant pas à proprement parler dans la catégorie parfois incertaine du « commerce de détail », dont une liste figure à l’annexe 7-4 de l’article A.713-26 du code de commerce, ce qui, en pratique, revient à exclure (notamment) les banques, les assurances, les agences de voyage, les laveries automatiques, les restaurants ;
  • les contrats de bail, les contrats d’association ainsi que les contrats de société civile, commerciale ou coopérative (ainsi que l’alinéa 3 de l’article L.341-1 précité l’indique expressément).

Le législateur vient donc de créer deux catégories de contrats : ceux relevant du champ d’application de ce texte, et les autres. Ce qui est regrettable, c’est que cette summa divisio ne répond à aucune logique. Entendons-nous bien, je ne dis pas qu’il eût mieux valu instaurer un régime juridique applicable à tous les contrats de distribution, je souligne simplement que le législateur a fait naître un régime à deux vitesses, qui ne répond à aucune logique. Il faudra faire avec.

Question n°2 : Quelles sont les particularités du régime spécial instauré par la loi ?

FLS : Il y en a deux.

En premier lieu, ces contrats de distribution devront prendre fin simultanément, soit par la survenance de leur terme, soit par leur résiliation simultanée (résiliation pour faute en présence d’un contrat à durée déterminée, résiliation sans faute en présence d’un contrat à durée indéterminée). De là, naîtront sans doute des difficultés d’interprétation, quant aux notions non définies par le texte (on songe notamment à la notion de contrat poursuivant un « but commun » qui a déjà alimenté une assez abondante jurisprudence, à la notion de « clauses susceptibles de limiter la liberté d’exercice de l’exploitant », etc.).

En second lieu, toute clause ayant pour effet, après l’échéance ou la résiliation d’un des contrats mentionnés à l’article L. 341-1, de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant qui a précédemment souscrit ce contrat est réputée non écrite. Il en ira différemment lorsqu’il sera démontré que de telles clauses réunissent quatre conditions : elles concernent des biens et services en concurrence avec ceux du contrat ; elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée du contrat ; elles sont indispensables à la protection du savoir-faire transmis dans le cadre du contrat ; leur durée n’excède pas un an après l’échéance ou la résiliation du contrat.

Question n°3 : Ce dispositif légal comporte-t-il des aspects positifs ?

FLS : Aucun.

Le projet de Loi était critiquable (voir l’interview de F.-L. SIMON pour LSA) ; le texte définitif ne comporte que des aspects négatifs, résultant pour l’essentiel :

–    de l’existence d’un champ d’application ne répondant à aucune logique (cf. la réponse à la question n°1)
–    d’un régime juridique inopportun (cf. la réponse à la question n°2)
–    et du paradoxe qui en résulte même : en effet, il y a un paradoxe à vouloir faire jouer la concurrence entre les enseignes (c’est l’objectif défendu par le législateur), tout en instaurant une distorsion de concurrence par la mise en place d’un régime spécial réservé à celles d’entre elles dont les contrats entrent dans le champ d’application de l’article L.341-1 du code de commerce. Tout cela n’est pas raisonnable.

Question n°4 : Ce dispositif légal sera-t-il source de contentieux ?

FLS : Oui, c’est probable, sur plusieurs plans.

Tout d’abord, le champ d’application de la loi n’est pas toujours clair. Il Le texte est alambiqué ; de ce fait, certains plaideurs vont s’engouffrer dans la brèche pour faire dire au texte ce qu’il ne dit pas, ou ce qu’il n’a pas voulu dire. La décision rendue le 5 août 2015 par le Conseil constitutionnel est d’ailleurs révélatrice de ce malaise, car les sages ont parfois fait dire au texte ce qu’il n’indiquait pas. On peut dire que ça commence mal ….

D’autre part, le régime juridique spécial associé aux contrats entrant dans le champ d’application de ce texte va créer un phénomène d’aspiration. Un débat pourrait également naître sur la nature des clauses qui, au sens de ce texte, restreignent la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant.

Question n°5 : La franchise participative échappe-t-elle au dispositif ainsi mis en œuvre par les articles L.341-1 et L.341-2 du code de commerce ?

FLS : Oui.

L’article L.341-1, alinéa 3 du code de commerce est on ne peut plus clair : « Le présent article n’est pas applicable au contrat de bail dont la durée est régie par l’article L. 145-4, au contrat d’association et au contrat de société civile, commerciale ou coopérative ».

De ce fait, les clauses figurant dans les contrats de société conclus entre un distributeur-affilié et la tête de réseau échappent nécessairement à ce dispositif légal, y compris lorsqu’elles sont susceptibles de limiter la liberté d’exercice par cet exploitant de son activité commerciale (Clauses de non-concurrence et de non-réaffiliation post-contractuelles, etc.).


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