CJUE, 8 septembre 2015, Aff. C-13/15
Selon la CJUE, la France ne peut pas obliger de manière générale les commerçants à indiquer le prix de référence à partir duquel sont calculés les prix réduits dont il est fait publicité. La pratique commerciale de promotions sans prix de référence n’est donc pas en soi une pratique déloyale, elle doit être examinée au cas par cas.
Ce qu’il faut retenir : Selon la CJUE, la France ne peut pas obliger de manière générale les commerçants à indiquer le prix de référence à partir duquel sont calculés les prix réduits dont il est fait publicité.
La pratique commerciale de promotions sans prix de référence n’est donc pas en soi une pratique déloyale, elle doit être examinée au cas par cas.
Pour approfondir : Il convient tout d’abord de revenir brièvement sur l’état du droit positif français, avant de commenter les termes de la décision rendue par la CJUE.
On le sait, notre régime des publicités portant sur des réductions de prix a été allégé par l’arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réductions de prix à l’égard des consommateurs. Ainsi que cela a été souligné dans un précédent commentaire, cet arrêté a mis un terme aux règles relativement strictes, trop peu assouplies par la réforme de décembre 2008, encadrant les annonces de réductions de prix selon un formalisme parfois difficile à respecter pour les opérateurs.
Désormais :
- l’arrêté du 11 mars 2015 rappelle le principe (qui figure aujourd’hui dans la plupart des nouveaux textes modifiés à la suite de la directive n°2005/29), à savoir que toute annonce de réduction de prix est licite sous réserve qu’elle ne constitue pas une pratique commerciale déloyale. Ainsi, l’annonceur devra veiller à ce que sa publicité ou annonce en magasin ne soit pas trompeuse à l’égard du public (étant rappelé que le caractère promotionnel du prix, le prix lui-même ou encore son mode de calcul sont des éléments expressément visés par les textes sur la publicité trompeuse) ;
- l’arrêté du 11 mars 2015 ne maintient de véritable encadrement que pour les annonces de réductions effectuées en magasin, où il est toujours prévu le double affichage résultant du « prix de référence » et du « prix réduit », sauf en cas de taux de réduction uniforme effectué par escompte de caisse ; dans ce dernier cas, et sous réserve que l’annonce de réduction de prix se rapporte à des produits ou services parfaitement identifiés, le vendeur n’est pas tenu de faire état du prix réduit mais uniquement le prix de référence (le nouvel arrêté prévoit que la réduction par escompte de caisse doit faire l’objet d’une information ; précédemment il était prévu que le vendeur ou prestataire devait en faire une « publicité ») ;
- l’arrêté du 11 mars 2015 retient que, ce qui constitue le prix de référence (dans le lieu de vente ou en dehors de ce dernier), c’est-à-dire le prix barré sur lequel s’effectue la réduction, n’est plus fixé par la réglementation, mais directement par l’annonceur.
C’est là le point central de l’arrêté. La limite du prix le plus bas pratiqué dans les 30 jours précédant l’opération n’existe donc plus, laissant une plus grande liberté aux commerçants quant à la détermination du prix à partir duquel ils déterminent la réduction. En pratique, il est donc parfaitement possible d’anticiper qu’un commerçant pourrait être autorisé à annoncer un prix de référence comme le prix de vente initial de son produit, même s’il a récemment procédé à une promotion ponctuelle sur ce dernier.
Si les commerçants se réjouissent de la souplesse qui leur est ainsi accordée dans la détermination du prix de référence qu’ils annoncent aux consommateurs, celle-ci s’effectue désormais à leurs « risques et périls », les commerçants supportant la charge de déterminer si le prix de référence ainsi fourni au consommateur sera ou non considéré comme loyal ;
- enfin, l’arrêté du 11 mars 2015 n’impose aucune durée pour limiter les opérations d’annonces de réduction de prix. Cependant, par définition, ces opérations doivent rester marginales au regard des périodes de vente normales.
L’ordonnance rendue le 8 septembre 2015 par la CJUE (CJUE, 8 sept. 2015, Aff. C-13/15) pose la question de savoir si l’arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réductions de prix à l’égard des consommateurs est conforme ou non à la directive européenne du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales.
Dans cette affaire, les services de la répression des fraudes avaient dressé un procès-verbal à une société pour défaut d’affichage du prix de référence de produits vendus à prix réduits. Appelés à statuer sur le contentieux qui s’en est suivi, les juges ont décidé de solliciter la CJUE afin de savoir si l’obligation imposée aux commerçants d’indiquer le prix de référence dans une annonce de réduction de prix était contraire ou non à la réglementation européenne.
La CJUE a répondu par l’affirmative, en jugeant que la directive européenne du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales « doit être interprétées en ce sens qu’elle s’oppose à des dispositions nationales, telles celles en cause au principales (les dispositions françaises), qui prévoient une interdiction générale, sans évaluation au cas par cas permettant d’établir le caractère déloyal, des annonces de réduction de prix qui ne font pas apparaître le prix de référence lors du marquage ou de l’affichage des prix, pour autant que ces dispositions poursuivent des finalités tenant à la protection du consommateur ».
La directive européenne du 11 mai 2005 s’oppose ainsi à l’arrêté du 11 mars 2015 qui prévoit que « lorsqu’une annonce de réduction de prix est faite dans un établissement commercial, l’étiquetage, le marquage ou l’affichage des prix réalisés doivent préciser le prix annoncé et le prix de référence ». Selon la CJUE, l’absence d’indication du prix de référence dans une annonce de réduction de prix ne figure pas parmi les pratiques commerciales réputées systématiquement déloyales par la directive européenne.
Il est donc interdit d’obliger les commerçants à indiquer le prix de référence d’un produit à partir duquel une réduction de prix annoncée est calculée ; l’éventuel caractère déloyal de cette pratique ne peut que s’apprécier au cas par cas.
A rapprocher : Arrêté du 11 mars 2015 relatif aux annonces de réductions de prix à l’égard des consommateurs