Cessation des commandes et existence de contestations sérieuses

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GRANDMAIRE Justine

Counsel - Docteur en droit

CA Poitiers, 30 octobre 2015, RG n°15/03468

Le juge des référés ne peut pas ordonner la poursuite d’un contrat et imposer de ce fait à l’une des parties de passer les commandes qu’elle s’était contractuellement engagée à effectuer dès lors qu’il existe des contestations sérieuses.

Ce qu’il faut retenir : Le juge des référés ne peut pas ordonner la poursuite d’un contrat et imposer de ce fait à l’une des parties de passer les commandes qu’elle s’était contractuellement engagée à effectuer dès lors qu’il existe des contestations sérieuses.

Pour approfondir : L’article 873 du Code de procédure civile dispose : « Le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire. »

En l’espèce, la société D., distributeur de produits pharmaceutiques et paramédicaux, a conclu un contrat de distribution exclusive avec la société M. pour une durée d’un an.

Aux termes de ce contrat, la société D. s’engageait à passer commandes auprès de la société M., de 7.500 produits, sans possibilité de revenir sur cet engagement.

Après quelques mois d’exécution du contrat, la société D. n’ayant pas effectué le nombre de commandes qu’elle s’était engagée à passer auprès de la société M., cette dernière a assigné son partenaire devant le juge des référés afin qu’il soit enjoint à la société D. d’effectuer les commandes qu’elle s’était engagée à passer en signant le contrat.

Le juge des référés a fait droit à cette demande. Le distributeur a alors relevé appel de cette décision, en invoquant l’existence de contestations sérieuses.

Selon le distributeur, l’article 873 alinéa 1 n’était pas applicable dans la mesure où le fait d’enjoindre à une partie d’exécuter ses obligations ne constitue ici, ni une mesure conservatoire, ni une mesure de remise en  état.

Par ailleurs, le distributeur soutenait que, malgré l’engagement pris en termes de volumes de commandes en signant le contrat, la poursuite du contrat était devenue impossible du fait des circonstances survenues – en effet, les produits que la société D. s’était engagée à commander ne convenait pas aux patients, de sorte que la société D. s’était retrouvée confrontée à une absence de commandes concernant les produits qu’elle s’était elle-même engagée à commander – et dès lors, la suspension du contrat ne revêtait pas un caractère manifestement illicite.

En l’espèce, il a été relevé le fait que le contrat prévoyait expressément la possibilité d’une résiliation en cas de manquements par l’une des parties à ses obligations.

De ce fait, les juges du fond ont considéré que « le juge des référés ne pouvait s’en tenir au seul caractère ferme et définitif de l’engagement de [la société D.] pour la contraindre à passer commandes en exécution des termes du contrat » et ainsi constaté l’existence de contestations sérieuses, invitant ainsi la société M. à saisir la juridiction compétente afin d’obtenir la réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat.

A rapprocher : CA Paris, 10 février 2015, RG n°14/02110

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