Adoption du texte en première lecture par l'AN, le 11 octobre 2011
Le projet de loi « Lefebvre » érige en principe la règle (nouvelle) selon laquelle toute clause ayant pour objet ou pour effet de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant après l’échéance (ou la résiliation) d’une convention d’affiliation est « réputée non écrite » ; la validité de telles clauses constituerait alors l’exception.
Projet de loi Lefebvre et conditions de validité des clauses de concurrence post-contractuelles
Le projet de loi « renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs », dit projet de loi « Lefebvre », adopté (en première lecture) à l’Assemblée nationale il y a quelque jours, organise les relations contractuelles entre les magasins indépendants et leur tête de réseau ; ce projet de réforme concerne la distribution alimentaire et ne vise que la distribution généraliste, excluant donc les commerces « spécialisés » de son champ d’application, tels que notamment les commerces de bouche.
Ce projet de loi « Lefebvre » érige en principe la règle (nouvelle) selon laquelle toute clause ayant pour objet ou pour effet de restreindre la liberté d’exercice de l’activité commerciale de l’exploitant après l’échéance (ou la résiliation) d’une convention d’affiliation est « réputée non écrite ». Il y a là un principe. Ce faisant, la validité de telles clauses constitue l’exception ; cette exception est admise lorsque pas moins de quatre conditions sont réunies : ces clauses concernent des biens et services en concurrence avec ceux objets de la convention d’affiliation ; elles sont limitées aux terrains et locaux à partir desquels l’exploitant exerce son activité pendant la durée de la convention d’affiliation ; elles sont indispensables à la protection du savoir-faire substantiel, spécifique et secret transmis dans le cadre de la convention d’affiliation que le projet de loi instaure ; elles n’excèdent jamais un an après l’échéance ou la résiliation de la convention.
Ce faisant, la rédaction du projet de loi va bien au-delà des dispositions du droit communautaire, dont les rédacteurs indiquent s’inspirer.
En effet, l’article 5.3 du règlement (UE) n° 330/2010 de la Commission du 20 avril 2010 concernant l’application de l’article 101, §. 3, du Traité sur le fonctionnement de l’UE à des catégories d’accords verticaux et de pratiques concertées pose tout au plus les conditions dans lesquelles les clauses de non-concurrence ne créent pas de risque concurrentiel, et sont donc de plein droit exemptées. Pour le dire autrement, selon le règlement précité, les parties à un accord de distribution sont donc parfaitement autorisées à prévoir des clauses allant au-delà des conditions que le règlement contient, du moment que celles-ci ne créent pas de restriction de concurrence ; les clauses font alors l’objet d’une analyse concurrentielle individuelle, tendant à vérifier leur impact concurrentiel sur le marché pertinent concerné. Ainsi, en prévoyant une interdiction absolue – donc générale – des clauses d’une durée supérieure à 1 an, ou géographiquement plus étendues que les locaux du distributeur, le projet de loi « Lefebvre » revient donc à interdire des accords qui seraient incontestablement valables au regard du droit communautaire de la concurrence. Tout cela manque de cohérence et de justification.
D’une part, le projet de loi « Lefebvre » n’a jamais abouti. D’autre part, pour un commentaire d’ensemble de la Loi Macron (volet relatif aux relations contractuelles entre les réseaux de distribution et les commerces de détail) et notamment du dispositif qu’il prévoit concernant les clauses de non-concurrence post-contractuelles comprises dans certains contrats de distribution : Cliquez ICI
F.-L. SIMON, La clause de non-concurrence post-contractuelle dans les contrats de distribution (Panorama de jurisprudence et Prospective), LDR 9 janvier 2019