Cass. com., 12 mai 2016, pourvoi n°15-20.834
L’absence de notification préalable et la durée de la relation contractuelle ne sont pas des critères permettant d’évaluer le bien-fondé d’une résolution de contrat pour faute.
Ce qu’il faut retenir : L’absence de notification préalable et la durée de la relation contractuelle ne sont pas des critères permettant d’évaluer le bien-fondé d’une résolution de contrat pour faute.
Pour approfondir : Le 10 mars 2009, la société La Française Des Jeux (FDJ) a conclu un contrat d’agrément avec la société MIKHA. Ce contrat prévoyait la procédure à respecter par la FDJ en cas de manquement de la société MIKHA à son obligation, notamment, de remettre à la FDJ les fonds apportés par les joueurs. Dans ce cas, la FDJ devait, avant de résilier le contrat, mettre en demeure MIKHA de remédier, dans les huit jours, à la situation. La FDJ, se prévalant du non-reversement par MIKHA de sommes qui lui étaient dues, a adressé à cette dernière, le 20 août 2012, une lettre intitulée « retrait d’agrément » et mettant en demeure MIKHA de remédier à la situation dans le délai de 48 heures.
La société MIKHA, invoquant une rupture abusive de son contrat, a assigné la FDJ en restitution de son agrément et en paiement de dommages-intérêts.
En défense, la FDJ a opposé l’exception d’inexécution de ses propres obligations par MIKHA.
Par une décision du 7 avril 2015, la Cour d’appel de Versailles a rejeté l’exception soulevée par la FDJ et condamné cette dernière à payer à la société MIKHA des dommages-intérêts.
Au soutien de sa décision, la Cour d’appel de Versailles retient dans un premier temps que, certes, le non-reversement des sommes acquittées par les joueurs constitue un manquement de MIKHA à ses obligations contractuelles, mais dans un second temps, que la suspension immédiate du contrat est « disproportionnée au regard de la durée des relations contractuelles et de l’absence de toute information préalable ».
En tenant compte, pour évaluer la proportionnalité de l’exception d’inexécution aux manquements de MIKHA, des critères de la durée de la relation contractuelle et de l’information préalable, la Cour d’appel s’inspire manifestement du dispositif de l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce, qui engage la responsabilité de la personne qui rompt une relation commerciale établie sans accorder à son partenaire un préavis suffisant tenant compte de l’ancienneté de la relation.
Or le litige opposant la FDJ à MIKHA reposait exclusivement sur le fondement de l’article 1184 du Code civil, qui encadre la possibilité de demander en justice la résolution d’un contrat en cas de manquement du cocontractant à ses obligations, le juge étant alors libre d’apprécier la proportionnalité de la résolution à la gravité du manquement.
Saisie sur pourvoi, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel en qualifiant les critères retenus par cette dernière (durée des relations contractuelles et absence de toute information préalable) de « motifs impropres à justifier la disproportion entre la sanction prise par La Française des jeux et les manquements reprochés à la société Mikha ».
Cette solution doit être saluée en ce qu’elle délimite le pouvoir d’appréciation des juges du fond à la seule évaluation de la proportion de la gravité du manquement par rapport à sa sanction, la résolution. Par ailleurs, il sera relevé que cette décision n’est pas contraire à l’article L.442-6, I, 5° du Code de commerce dès lors que celui-ci dispose : « Les dispositions qui précèdent ne font pas obstacle à la faculté de résiliation sans préavis, en cas d’inexécution par l’autre partie de ses obligations ou en cas de force majeure. »
A rapprocher : Article L.442-6 du Code de commerce