CA Paris, 4 mai 2016, RG n°15/10674
La requalification d’un contrat de licence de marque et d’approvisionnement exclusif en contrat de franchise est soumise à la réunion d’éléments précis…
Ce qu’il faut retenir : La requalification d’un contrat delicence de marque et d’approvisionnement exclusif en contrat de franchise est soumise à la réunion d’éléments précis. Le licencié qui ne rapporte pas la preuve d’une obligation de transmission de savoir-faire de la part de son cocontractant ni même le fait de s’être comporté comme franchisé et franchiseur durant l’exécution du contrat voit sa demande rejetée.
Pour approfondir : En l’espèce, une société avait conclu un contrat de licence de marque et d’approvisionnement exclusif pour une durée de trois ans avec une autre société du secteur du commerce de cigarettes électroniques. Ce contrat permettait au licencié de commercialiser des cigarettes électroniques dans un centre commercial. Une clause du contrat interdisait audit licencié, pendant toute la durée du contrat, de commercialiser ou de promouvoir des produits concurrents. Plusieurs mois plus tard, l’enseigne faisait constater par procès-verbal d’huissier le non-respect de cette clause par le détaillant. Ce dernier s’est vu assigner devant le Tribunal de commerce de Créteil : la résiliation du contrat et la réparation du préjudice étaient sollicitées. Le Tribunal a prononcé la nullité du contrat de licence et d’approvisionnement exclusif signé entre les parties, en a déduit par conséquence la restitution pour les deux parties mais a débouté les parties de leurs autres demandes. C’était l’arrêt dont il a été interjeté appel par le licencié.
Infirmant le jugement du Tribunal de commerce de Créteil, la Cour d’appel de Paris a écarté les moyens invoqués au soutien de la demande de requalification du contrat et rejeté de ce chef la demande de nullité. Elle a prononcé la résiliation du contrat en raison des manquements fautifs du licencié à ses obligations contractuelles et l’a condamné au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par l’intimé.
Concernant la requalification du contrat litigieux en contrat de franchise, l’appelante soutient que la requalification d’un contrat de distribution en contrat de franchise est justifiée par la réunion d’un ensemble d’éléments tels que le paiement d’un droit d’entrée, la fourniture de la documentation nécessaire technique et commerciale, la mise à disposition de signe distinctif et par l’intuitu personae. Or, l’ensemble de ces éléments figurait dans le contrat litigieux. La Cour d’appel, appréciant lesdits éléments, a considéré qu’il résultait des énonciations même du contrat que ces éléments étaient communs à la plupart des contrats de distribution mais ne caractérisaient pas l’existence d’un contrat de franchise. En outre, la lettre du contrat précisait que l’engament du fournisseur n’était pas celui de fournir un savoir-faire. Compte tenu de l’absence d’obligation de transmission de savoir-faire et de l’absence de comportement comme un franchiseur de la part du fournisseur, la Cour d’appel écarte le moyen.
Concernant la validité du contrat, il était demandé à la Cour de confirmer la nullité du contrat litigieux au motif qu’il était prétendument dépourvu de cause. Cependant, la Cour a estimé qu’il ne pouvait être reproché l’absence de transmission de savoir-faire puisqu’il ne s’agissait pas d’un contrat de franchise et que le contrat litigieux dispensait textuellement l’intimé d’une telle transmission. La Cour considère en outre que le licencié ne rapporte pas la preuve que son consentement était vicié. En conséquence, la nullité du contrat ne peut être prononcée.
Concernant la résiliation du contrat, il est reproché à l’appelante d’avoir violé la clause d’exclusivité la liant à l’intimée. Les faits abondent pour démontrer que le licencié propose à la vente des produits auprès de fournisseurs différents de son fournisseur, en contravention de la clause contractuelle. Dès lors, la Cour d’appel prononce la résiliation du contrat.
Concernant enfin la réparation du préjudice et le quantum du dommage, la Cour d’appel retient que celle-ci ne saurait consister dans le montant des approvisionnements du licencié en contravention de la clause d’exclusivité mais en la perte de marge brute sur des achats en quantité similaire.
Par cette décision, la Cour d’appel, en refusant la requalification d’un contrat de licence de marque et d’approvisionnement exclusif, insiste sur l’essence même du contrat de franchise et la transmission du savoir-faire comme le distinguant des autres contrats de distribution.
Dès lors, elle s’inscrit dans une jurisprudence constante en laissant au soin du juge l’appréciation in concreto de la lettre du contrat pour en déduire les conséquences adéquates.
A rapprocher : Article L.330-3 du Code de commerce