Cass. com., 5 juillet 2016, pourvoi n°14-26.095
La licéité d’une publicité comparative est subordonnée à différentes conditions : objectivité, précision, pertinence, vérifiabilité. Sa licéité ne dispense toutefois pas le juge d’apprécier son caractère « dénigrant ».
Ce qu’il faut retenir : La licéité d’une publicité comparative est subordonnée à différentes conditions : objectivité, précision, pertinence, vérifiabilité. Sa licéité ne dispense toutefois pas le juge d’apprécier son caractère « dénigrant ».
Pour approfondir : Conformément à l’article 121-8 du Code de la consommation, la publicité comparative entre concurrents ou produits de concurrence n’est licite que sous trois conditions cumulatives :
« 1° Elle n’est pas trompeuse ou de nature à induire en erreur ;
2° Elle porte sur des biens ou services répondant aux mêmes besoins ou ayant le même objectif ;
3° Elle compare objectivement une ou plusieurs caractéristiques essentielles, pertinentes, vérifiables et représentatives de ces biens ou services, dont le prix peut faire partie ».
Ces dispositions s’inscrivent dans un contexte communautaire visant à favoriser la concurrence. C’est à ce titre, et parce qu’elle permet de « stimuler la concurrence entre les fournisseurs de biens ou services » (Considérant 2, Directive 97/55/CE) qu’elle est désormais autorisée et régulée. Pour ce qui concerne la troisième condition de la licéité des publicités comparatives, elle pose une exigence claire d’objectivité de toute publicité comparative.
- Différences entre offres respectives
Dans l’affaire du 5 juillet 2016 en question, le litige oppose les sociétés filiales Saturn à Darty, au sujet de la qualification de publicités comparatives entre leurs produits, publiées par ces premières. Darty fait grief à l’arrêt d’appel de refuser de les qualifier de publicités comparatives trompeuses, et illicites à ce titre.
Si l’article L.121-8, 3° suppose effectivement « que soient données au consommateur les informations sur les caractéristiques propres du produit comparé de nature à justifier l’écart de prix vanté et l’avantage financier susceptible d’être réellement obtenu », la Cour de cassation vient ici rejeter le premier moyen avancé dans le pourvoi, en expliquant qu’il n’existe pas pour autant d’obligation à la charge de l’auteur de la publicité, d’expliciter exhaustivement les éléments constitutifs de l’offre de son concurrent. En l’espèce, la Cour relève que Darty diffuse « de façon intensive » des informations sur son offre, et notamment sur son « contrat de confiance », ainsi, « le consommateur était en mesure de procéder à un constat objectif des différences entre les offres respectives ».
C’est bien à travers une analyse factuelle globale que la Cour admet l’objectivité de la publicité comparative : ne se bornant pas à analyser les éléments de la publicité elle-même, elle l’insère dans son contexte. La décision s’inscrit ainsi dans un courant jurisprudentiel selon lequel même si la publicité ne cite que les caractéristiques essentielles des produits, sans en citer toutes les caractéristiques, la publicité comparative peut être licite (Cass. com., 7 juillet 2009, n°08-11.660, Publié au Bulletin).
Globalement, cette dernière doit être objective, non parasitaire, et pertinente pour être licite (CA Paris, 5 janv. 2010, RJDA 2010, n°687 ; CA Nîmes, 5 mars 2009, JCP G 2009, n°577).
La CEPC rappelle par ailleurs que les comparaisons réalisées doivent pouvoir être vérifiées (CEPC, avis n°09-14, relatif à la publicité comparative ; v. aussi, CA Poitiers, 12 juin 2012, RG n°11/04434).
Ces solutions sont connues.
- Sur le caractère précis de la publicité
Le deuxième moyen retenu par le pourvoi, et rejeté par la Cour de cassation est celui selon lequel la publicité comparative réalisée par les sociétés Saturn aurait un caractère trop général, s’exprimant par « l’idée d’une supériorité tarifaire générale ».
De façon générale en effet, la jurisprudence reconnait la nécessité pour une telle publicité d’être circonscrite en son objet : l’objectivité dépend de la faculté pour le consommateur de distinguer précisément les avantages d’un produit, d’une marque. Ainsi, est illicite la publicité par laquelle l’annonceur se déclare « n°1 » sans circonscrire l’objet de sa supériorité (T. com. Paris, 5 avr. 2006, SFR c/ Bouygues Telecom ; T. com. Paris, 15 janv. 2002, SA UPC France c/ SA France Télécom ; CA Paris, 26 février 2013, n°12/13819, et notre commentaire).
En l’espèce, au contraire, la Cour de cassation, suivant les motifs de la décision d’appel, relève que les publicités (1) ne concernent qu’un seul produit à la fois, (2) sont réalisées dans des domaines différents, et (3) visent des consommateurs différents.
Ainsi, elle conclut que « les messages publicitaires n’exprimaient pas une supériorité tarifaire générale ». Le consommateur étant par ailleurs informé du caractère promotionnel des prix et de leur durée limitée, la publicité n’est pas trompeuse.
- Sur le relevé des prix
La Cour souligne ici que « rien n’exigeait (…) que les sociétés Saturn justifient qu’au jour du relevé de prix réalisé au sein des magasins Darty, elles-mêmes pratiquaient déjà des prix inférieurs pour les produits comparés ». Cette condition, avancée par la société Darty, n’en est en effet pas une – ni dans l’article L.121-8 du Code de la consommation sur laquelle l’arrêt se fonde, ni dans la Directive 97/55/CE traitant de la question.
- Sur le caractère dénigrant d’une publicité comparative
La Cour de cassation, toutefois, en vient à la cassation partielle de l’arrêt d’appel. Cette dernière avait jugé irrecevable la demande de Darty visant la reconnaissance du caractère dénigrant des publicités en question, aux motifs que ces publicités, précisément, ne sont pas illicites.
La Haute juridiction retient que les deux actions sont indépendantes, et qu’il appartient donc à la Cour d’appel d’examiner, indépendamment du caractère licite ou non de la publicité litigieuse, son caractère dénigrant.
- Sur le caractère trompeur d’une pratique commerciale
Enfin, la Cour de cassation rappelle le mode d’appréciation de l’existence d’une pratique commerciale trompeuse : elle s’apprécie « en fonction de l’effet qu’elle a pu avoir sur le comportement économique du consommateur d’une attention moyenne ».
Selon le type de produits, il convient de souligner que la jurisprudence, en particulier européenne, adapte le niveau d’attention du consommateur, au type de produit en cause et fait varier l’effet de la pratique commercial sur le comportement économique du consommateur (voir TUE, 22 mars 2011, Aff. T-486/07 ; TPICE, 15 sept. 2005, aff. T-320/03, Citicorp c/ OHMI, Rec. CJCE, II, p. 3411 ; TPICE, 12 janv. 2006, aff. T-147/03).
En l’espèce, la Cour retient que « dans une publicité comparative axée sur le faible prix du produit comparé », l’indication d’un prix inférieur à celui effectivement pratiqué « est nécessairement de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur ». De nouveau, la Cour d’appel a violé les textes susvisés.
A rapprocher : CA Colmar, 12 juin 2012, RG n°12/01150, et notre commentaire