L’article L.442-6, I, 5° du C. com impose à tout professionnel souhaitant mettre un terme à sa relation avec un partenaire, le respect d’un préavis minimum. La loi prévoit deux exceptions permettant la résiliation sans préavis.
Un fournisseur italien avait conclu en 2004 un accord de distribution, non formalisé par écrit, avec son distributeur en France. Ce dernier était chargé de la distribution des produits du fournisseur en France, notamment auprès des enseignes de grande distribution alimentaire.
En début d’année 2010, le fournisseur avait dénoncé la relation le liant au distributeur français avec effet immédiat, lui indiquant qu’il reprenait en direct la vente de ses produits. Le fournisseur avait alors justifié, d’une part, du fait de la réception de l’information du distributeur sur le déréférencement de ses produits auprès plusieurs enseignes de grande distribution et, d’autre part, en reprochant au distributeur d’avoir procédé à la promotion de sa propre marque, concurrente de celle du fournisseur.
S’agissait-il d’une rupture brutale des relations commerciales établies ?
Dans une première instance, le tribunal de commerce a condamné le distributeur – ayant fait l’objet dans l’intervalle d’une procédure de liquidation judiciaire – à régler au fournisseur les sommes dues au titre des factures qu’il avait refusé de régler. Parallèlement, dans une seconde instance, le fournisseur a été condamné à indemniser le fournisseur pour la rupture brutale des relations commerciales, sur le fondement de la violation de l’article L.442-6 I 5° du Code de commerce.
Insatisfait de la condamnation pour rupture brutale, le fournisseur avait formé appel de la décision rendue sur la seconde instance, espérant pouvoir établir une faute lui permettant d’échapper à l’obligation de préavis imposée par la loi.
I – La nécessité d’une faute justifiant la rupture sans préavis
L’article L.442-6 I 5° du Code de commerce impose à tout professionnel souhaitant mettre un terme à sa relation commerciale établie avec un partenaire, de respecter un préavis minimum, déterminé en tenant compte de différents critères, et ce quelle que soit la forme juridique des engagements liant les parties (à ce titre, le caractère non écrit du contrat était sans influence).
La loi prévoit deux exceptions à cette obligation, permettant la résiliation du contrat sans préavis : l’existence d’un cas de force majeure ou celle d’une faute contractuelle de l’autre partie. Dans ces hypothèses, la résiliation peut être immédiate, sans engager la responsabilité de son auteur.
Bien qu’il ait invoqué ces motifs de résiliation dès la rupture de la relation, le fournisseur n’est pas parvenu à établir devant la cour d’appel la réalité des fautes reprochées à son cocontractant. En effet, il a été jugé qu’il n’existait pas de preuve que les déréférencements étaient imputables au distributeur. Par ailleurs, sans fournir plus de précision, la Cour d’appel de Paris considère que le retard du distributeur à informer le fournisseur du déréférencement d’une des enseignes – retard de quatre mois, qui peut tout de même paraître relativement long – « n’est pas, en soi, fautif ».
En l’absence de faute de son distributeur, le fournisseur engage sa responsabilité en rompant la relation sans préavis, dont la durée est déterminée par la cour.
II – La réduction du préavis déterminé en première instance
Les juges de première instance avaient considéré qu’un préavis de dix mois aurait dû être accordé au distributeur, et l’avait indemnisé sur cette base. La Cour d’appel, considérant ce préavis trop long au regard de la durée de la relation (six ans), le réduit à six mois. Néanmoins, paradoxalement, cette réduction de la durée du préavis ne s’est pas accompagnée d’une réduction de l’indemnisation versée au fournisseur qui, calculée sur la marge brute sur le chiffre d’affaires qui aurait dû être réalisé pendant la durée de ce préavis, augmente de 48.000 euros en appel.
III – Le rejet des autres demandes du distributeur
Le distributeur évincé sollicitait également la condamnation du fournisseur à l’indemniser pour la perte de marge brute qu’il aurait réalisé avec les enseignes de grande distribution : la Cour d’appel rejette cette demande, précisant que seule la brutalité de la rupture peut être indemnisée.
De même, elle ne fait pas droit aux autres demandes d’indemnisation du distributeur. La première portait sur le remboursement des frais publicitaires engagés par le distributeur : considérant que ces frais n’avaient pas été sollicités par le fournisseur et relevaient de la stratégie commerciale du distributeur, la Cour d’appel les laisse à la charge de ce dernier. Enfin, elle rejette les griefs de concurrence déloyale, jugeant que, dès lors que la relation avait pris fin, le fournisseur pouvait licitement reprendre les ventes en direct.