Les règles sur l’enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées lorsque l’appauvrissement et l’enrichissement allégués trouvent leur cause dans l’exécution ou la cessation du contrat conclu entre les parties.
Avertissement : depuis la publication de cet article, le 1er décembre 2012, la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques (dite « Loi Macron ») a introduit deux nouveaux articles au code de commerce (L.341-1 et L.341-2) concernant notamment le régime juridique des clauses de non-concurrence et de non-affiliation post-contractuelles : CLIQUEZ ICI pour un commentaire des articles L.341-1 et L.341-2 du code de commerce
L’affaire ETE contre SFR, qui avait défrayé la chronique à la fin de l’année 2007, vient de donner lieu à un nouvel arrêt de la Cour de cassation, rendu sur le pourvoi formé à l’encontre de l’arrêt rendu le 16 septembre 2009 par la Cour d’appel de Paris, devant laquelle l’affaire avait été renvoyée.
L’affaire opposait la société ETE à son ancien franchiseur, la société SFR, à laquelle elle avait été liée par six contrats de franchise. Le franchiseur avait refusé de renouveler cinq d’entre eux et résilié le sixième. L’ancien franchisé avait alors agi à l’encontre de son ancien franchiseur pour demander des dommages-intérêts à plusieurs titres. La Cour de cassation avait ainsi été saisie, dans un premier temps, de questions relatives à la responsabilité du franchiseur, dans le cadre de fautes commises lors de la rupture des contrats et dans celui de l’information précontractuelle, ainsi que d’une question relative au préjudice que le franchisé soutenait avoir subi du fait de la mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle, consistant en une perte de clientèle.
C’est par la réponse apportée à cette dernière question dans son arrêt du 9 octobre 2007 (pourvoi n°05-14.118) que la Cour de cassation avait suscité les interrogations des praticiens et de la doctrine.
La Cour de cassation cassait en effet la décision de la cour d’appel qui avait rejeté la demande du franchisé pour perte de clientèle, au motif suivant : « en statuant ainsi, alors qu’elle constatait, tout à la fois, que le franchisé pouvait se prévaloir d’une clientèle propre, et que la rupture du contrat stipulant une clause de non-concurrence était le fait du franchiseur, ce dont il se déduisait que l’ancien franchisé se voyait dépossédé de cette clientèle, et qu’il subissait en conséquence un préjudice, dont le principe était ainsi reconnu et qu’il convenait d’évaluer, au besoin après une mesure d’instruction, la cour d’appel a violé [l’article 1371 du code civil] ».
Ainsi, si la validité des clauses de non-concurrence post-contractuelles contenues dans les contrats de franchise n’était pas soumise à la stipulation d’une indemnité, contrairement aux clauses similaires figurant dans les contrats de travail (v. ainsi Cass. com., 24 novembre 2009, pourvoi n°08-17.650, qui énumère limitativement les conditions de validité des clauses de non-concurrence contenues dans les contrats de franchise), la Cour de cassation semblait ouvrir la voie à l’indemnisation du franchisé en cas de mise en œuvre de la clause de non-concurrence post-contractuelle lorsque la rupture du contrat de franchise était « le fait du franchiseur » et ce, sur le fondement de l’article 1371 du code civil, relatif aux quasi-contrats.
La Cour d’appel de Paris, cour d’appel de renvoi, a rejeté les demandes de l’ancien franchisé tendant à la réparation du préjudice issu de sa perte de clientèle (CA Paris, 16 septembre 2009, R.G. n°08/23780). La Cour relevait en effet que la grande majorité de la clientèle dont se prévalait l’ancien franchisé était en réalité exclusivement attachée au franchiseur, s’agissant d’abonnements téléphoniques. Par ailleurs, la Cour relevait que le franchisé restait libre d’exploiter le reste de sa clientèle, la clause de non-concurrence lui interdisant uniquement pendant un an de démarcher les abonnés SFR ayant souscrit un abonnement par son intermédiaire.
Fort des termes de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 9 octobre 2007, l’ancien franchisé a formé un pourvoi à l’encontre de l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 16 septembre 2009, sur le fondement de l’article 1371, en invoquant un enrichissement sans cause. Le pourvoi reprenait ainsi les termes de l’arrêt Trévisan (Cass. civ. 3ème , 27 mars 2002, pourvoi n°00-20.732), qui, rendu en matière de baux commerciaux, avait reconnu l’existence d’une clientèle propre du franchisé.
Par son arrêt du 23 octobre 2012, la Cour de cassation a mis fin aux doutes qu’elle avait instaurés par son arrêt de 2007, en rejetant le pourvoi en des termes on ne peut plus limpides :
« Attendu que les règles gouvernant l’enrichissement sans cause ne peuvent être invoquées dès lors que l’appauvrissement et l’enrichissement allégués trouvent leur cause dans l’exécution ou la cessation de la convention conclue entre les parties ».
A rapprocher : La clause de non-concurrence post-contractuelle dans les contrats de distribution (Panorama de jurisprudence et Prospective)