CA Paris, 15 février 2018, n°15/10648
Les informations incomplètes, imprécises et erronées figurant dans le document d’information précontractuelle (DIP) devant être remis vingt jours minimum avant le versement prévu par le contrat de réservation peuvent justifier la nullité dudit contrat pour vice du consentement.
Ce qu’il faut retenir : Les informations incomplètes, imprécises et erronées figurant dans le document d’information précontractuelle (DIP) devant être remis vingt jours minimum avant le versement prévu par le contrat de réservation peuvent justifier la nullité dudit contrat pour vice du consentement.
Pour approfondir : Il faut rappeler brièvement tout d’abord que le contrat de réservation est la convention par laquelle la tête de réseau s’engage à ne pas signer de contrat de distribution (contrat de franchise, contrat de concession, contrat d’affiliation etc.) avec un tiers sur un territoire (ou à implanter lui-même un point de vente) et pendant une période déterminée, le plus souvent en contrepartie d’une indemnité versée par le futur distributeur. Lorsque le versement d’une somme d’argent est exigé préalablement à la signature du contrat de distribution, notamment pour obtenir la réservation d’une zone, les prestations assurées en contrepartie de cette somme sont précisées par écrit, ainsi que les obligations réciproques des parties en cas de dédit (C. com., art. L.330-3, al. 3). Au plan juridique, il s’agit d’une promesse de contrat (unilatérale ou synallagmatique selon le contenu du contrat de réservation), assortie d’une réservation de territoire. L’indemnité versée est conservée par la tête de réseau lorsque le futur distributeur renonce à la signature du contrat de distribution (v. pour une illustration, v. CA Aix-en-Provence, 14 juin 1995, Juris-Data n°044769) ; à l’inverse, cette somme s’impute sur le droit d’entrée payé par le futur distributeur lorsque le contrat de distribution est finalement signé.
Lorsque le futur distributeur verse à la tête de réseau une somme d’argent avant la signature du contrat de distribution, notamment en vertu d’un contrat de réservation, le document d’information précontractuelle (DIP) doit lui être remis vingt jours avant ledit versement. Ce faisant, la jurisprudence veille à la qualité de l’information fournie par la tête de réseau à travers le DIP.
L’arrêt commenté en fournit une illustration supplémentaire.
En l’espèce, pour prononcer la nullité d’un contrat de réservation, la Cour d’appel de Paris retient que le demandeur démontre qu’il a n’a pas bénéficié d’une information pré-contractuelle conforme aux exigences posées par l’article R. 330-1 du code de commerce, en raison du caractère lacunaire, imprécis et erroné du DIP que lui a adressé la tête de réseau, « ce qui constitue non pas un dol de la part de [cette dernière], faute de preuve d’une intention trompeuse de la part de celle-ci, mais a eu pour effet d’induire en erreur [le demandeur] et a vicié son consentement, de sorte que le contrat est entaché de nullité ». Pour retenir cette solution, l’arrêt commenté souligne notamment que « la documentation alors fournie par le concédant, outre son caractère très général, s’avère :
- incomplète, en ce qu’elle ne comprend pas en annexe les comptes annuels de [la tête de réseau] de l’année 2011 (étant indifférent que ceux-ci soient publiés), seuls ceux des années 2009 et 2010 étant joints, ne précise nullement la nature et le montant des dépenses et investissements spécifiques à la marque que [le demandeur] devra engager avant de commencer l’exploitation, et fait état d’informations anciennes (de 2004) concernant le marché local de l’agglomération de Versailles,
- imprécise et erronée, en ce qu’elle se réfère tout à la fois à la cession de marque et à la franchise, alors que ces deux modes d’exploitation sont très différents, les obligations du propriétaire de la marque envers l’exploitant étant beaucoup plus importantes lorsque il est franchiseur, avec en particulier des obligations de transmission du savoir-faire et d’assistance (technique et commerciale), plutôt que concédant, où il se limite en substance à autoriser l’utilisation de sa marque, ce, même si le contrat de réservation, en ses seules stipulations préliminaires in fine, prévoyait que le bénéficiaire agira ‘par ses propres moyens et/ou avec l’aide de ses conseils’, à savoir ceux de [la tête de réseau] ».
Et que « cette confusion a au surplus été entretenue par la remise, antérieurement à l’envoi du DIP, lors du salon du 19 mars 2012, d’une plaquette publicitaire (…) mettant en exergue les prestations conséquentes d’assistance de [la tête de réseau], et, postérieurement à la signature du contrat de réservation, d’un livret d’accueil manifestement rédigé à destination des franchisés ».
A rapprocher : CA Paris, 6 décembre 2017, n°13/15730 – v. plus généralement, sur le contrat de réservation : Théorie et Pratique du droit de la Franchise, éd. JOLY 2009, spéc. §.118