Cass. com., 7 mars 2018, n°16-24.657, Publié au bulletin
L’agent commercial ayant un droit à commission lorsque l’opération commerciale a été conclue grâce à son intervention, le fait générateur de sa créance de commissions se situe – sauf stipulation contraire du contrat d’agence commerciale – au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant…
Ce qu’il faut retenir : Selon l’article L. 134-6 du code de commerce, l’agent commercial ayant un droit à commission lorsque l’opération commerciale a été conclue grâce à son intervention, le fait générateur de sa créance de commissions se situe – sauf stipulation contraire du contrat d’agence commerciale – au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant, de sorte qu’en application de l’article L. 622-24 du code de commerce, il doit déclarer ses créances de commissions, même non exigibles au jour de l’ouverture de la procédure collective du mandant dès lors que les ventes avaient été conclues antérieurement.
Pour approfondir : En l’espèce, selon l’arrêt attaqué (CA Colmar, 29 juin 2016), la société́ C a été mise en redressement judiciaire, M. W. étant nommé administrateur ; le 27 juillet 2006, ce dernier, ès qualités, a informé́ la société́ P., agent commercial de la société́ C, qu’il n’entendait pas poursuivre son contrat, en lui indiquant que cette décision était fondée à la fois sur l’option offerte par l’article L. 621- 28 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises, et sur ses fautes graves; le18 septembre 2006, la société́ C a fait l’objet d’un plan de redressement. Sur l’assignation de la société́ P., le contrat d’agence commerciale l’ayant liée à la société́ C a été résilié́ et les créances d’indemnités de préavis et de rupture, qui lui étaient dues en l’absence de faute grave retenue à son encontre, après leur déclaration, ont été fixées au passif du redressement judiciaire de la société́ C ; celle-ci a été absorbée par la société́ CI, qui a été mise, à son tour, en redressement judiciaire, puis a fait l’objet d’un plan de continuation ; la société́ P. a assigné les sociétés C et CI et les commissaires à l’exécution de leurs plans ainsi que les représentants des créanciers, ès qualités, en paiement de commissions nées postérieurement à l’ouverture du redressement judiciaire de la société́ C et la société́ CI a formé une demande reconventionnelle en restitution de commissions indues correspondant à des créances antérieures à cette procédure collective qui n’avaient pas été déclarées.
Selon le second moyen du pourvoi, pris en ses première et deuxième branches, la société P. faisait grief à l’arrêt critiqué de l’avoir condamnée à payer à la société CI la somme en principal de 134 697,25 euros et d’avoir rejeté sa demande de restitution différée de cette somme alors, selon le moyen (i) que si, en application de l’article L. 134-6 du code de commerce, le fait générateur de la commission due à l’agent commercial se situe en principe au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant, conformément à ce texte, lequel fixe le droit à commission « pour toute opération commerciale conclue pendant la durée du contrat d’agence », c’est sous la réserve d’une stipulation contraire du contrat d’agence commerciale l’article L. 134-6 étant supplétif ; (ii) et qu’il est interdit au juge de dénaturer les documents de la cause.
L’arrêt commenté écarte le grief en ces termes : « Mais attendu que l’arrêt énonce qu’en vertu de l’article L. 134-6 du code de commerce, l’agent commercial ayant un droit à commission lorsque l’opération commerciale a été conclue grâce à son intervention, le fait générateur de sa créance de commissions se situe au moment où le cocontractant se trouve lié au mandant, de sorte qu’en application de l’article L. 621-43 du code de commerce, dans sa rédaction alors en vigueur, il doit déclarer ses créances de commissions, même non exigibles au jour de l’ouverture de la procédure collective du mandant dès lors que les ventes avaient été conclues antérieurement ; qu’ayant relevé par une interprétation de l’article 4-2 du contrat, rendue nécessaire en l’absence de disposition claire sur l’intention des parties de reporter le fait générateur de la créance de commissions à l’encaissement des factures, que cette stipulation, qui régissait, en réalité, l’exigibilité des commissions dues lors de l’exécution du mandat, ne dérogeant pas à l’article L. 134-6 du code de commerce, l’origine de la créance de commissions de la société P… se situait lors de la conclusion des ventes, la cour d’appel en a exactement déduit que, faute d’avoir été déclarée, la créance de l’agent relative aux commissions sur les ventes conclues avant l’ouverture du redressement judiciaire de la société C était éteinte, conformément à l’article L. 621-46 du code de commerce dans sa rédaction antérieure à la loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises ».
Autrement, sauf stipulation contraire, l’origine de la créance de commissions de l’agent commercial se situe lors de la conclusion de ventes antérieures au jugement d’ouverture, de sorte qu’il convient de procéder à une déclaration de créance.
Cette décision, rendue sous l’empire de la législation antérieure à l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde des entreprises (C. com., art. L. 621-43), demeure d’actualité, la règle posée par ce texte figurant aujourd’hui à l’article L. 622-24 du code de commerce.
A rapprocher : L’appréciation de la faute grave de l’agent commercial – CA Aix-en-Provence, 20 février 2014, RG n°12/02485