Cass. soc., 3 mai 2018, n°16-26.796
L’activité de l’employeur dans le cadre d’un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de possibilités de permutation de personnel pour l’exécution de son obligation de reclassement.
Ce qu’il faut retenir : L’activité de l’employeur dans le cadre d’un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de possibilités de permutation de personnel pour l’exécution de son obligation de reclassement.
Pour approfondir : Une personne a été engagée le 1er septembre 1995 en qualité de pompiste à temps plein par une société franchisée du réseau Intermarché ; déclaré inapte à tout poste dans l’entreprise en une seule visite le 2 novembre 2011, le salarié a été licencié pour inaptitude par lettre du 29 novembre 2011.
Contestant le bien-fondé de son licenciement, le salarié a saisi la juridiction prud’homale.
Le salarié reproche notamment à son employeur la violation de son obligation de reclassement ressortant de l’article L.1226-2 du Code du travail.
Par arrêt du 30 septembre 2016, la Cour d’appel de Toulouse, sur cette question, a débouté le salarié de ses demandes en retenant que l’employeur « est un supermarché franchisé à l’enseigne Intermarché en exploitation directe, or, la franchise est un système de commercialisation de produits et/ou de service et/ou de technologie, basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, nommées le franchiseur et les franchisés, dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit et impose l’obligation d’exploiter une entreprise à son enseigne en conformité avec le concept du franchiseur de telle sorte que le salarié n’est pas fondé à reprocher à l’employeur l’absence de recherche de reclassement dans un groupe qui n’existe pas, la franchise ne permettant pas d’invoquer la permutation possible du personnel s’agissant d’une entreprise indépendante ».
Par un arrêt du 3 mai 2018 (non publié au Bulletin), la Cour de cassation casse l’arrêt d’appel en retenant « qu’en statuant ainsi, alors que l’activité dans le cadre d’un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de possibilités de permutation de personnel, la Cour d’appel a violé [l’article L.1226-2 du Code du travail] ».
Dans cette décision, la Haute juridiction écarte la réflexion de la Cour d’appel de Toulouse, laquelle se livre à une interprétation (restrictive) de la notion de « groupe » pour les besoins de l’obligation de reclassement de l’employeur.
En effet, à la différence de précédentes décisions, la Cour de cassation ne se prononce pas au fond sur l’interprétation de la notion de « groupe » mais retient uniquement que la preuve de l’activité de l’employeur dans le cadre d’un contrat de franchise ne suffit pas à démontrer l’absence de possibilités de permutation de personnel – et la satisfaction de l’employeur à son obligation de reclassement.
Cette solution est classique et s’inscrit dans la droite ligne de la jurisprudence antérieure à l’Ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail, laquelle modifie l’article L.1226-2 du Code du travail pour définir ce qu’il convient d’entendre par « groupe » pour l’accomplissement de l’obligation de reclassement : « pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L.233-1, aux I et II de l’article L.233-3 et à l’article L.233-16 du Code de commerce. »
Dès lors que la Cour de cassation ne se prononce pas sur la notion de « groupe » dans le présent arrêt, il est permis de s’interroger sur l’articulation entre cet arrêt et la nouvelle rédaction de l’article L.1226-2 du Code du travail.
A rapprocher : CA Limoges, 21 novembre 2017, n°16/01308