Entre certitudes et incertitudes
L’application dans le temps du nouveau droit des contrats conduit à distinguer trois périodes, suivant la date à laquelle le contrat a été conclu. Quelques cas particuliers suscitent des difficultés sérieuses.
Ce qu’il faut retenir : L’application dans le temps du nouveau droit des contrats conduit à distinguer trois périodes, suivant la date à laquelle le contrat a été conclu. Quelques cas particuliers suscitent des difficultés sérieuses.
Pour approfondir :
1. D’après l’article 9 de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations (ci-après l’« Ordonnance ») :
« Les dispositions de la présente ordonnance entreront en vigueur le 1er octobre 2016.
Les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne, y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public.
Toutefois, les dispositions des troisième et quatrième alinéas de l’article 1123 et celles des articles 1158 et 1183 sont applicables dès l’entrée en vigueur de la présente ordonnance »
Lorsqu’une instance a été introduite avant l’entrée en vigueur de la présente ordonnance, l’action est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Cette loi s’applique également en appel et en cassation. »
L’ajout de l’expression « y compris pour leurs effets légaux et pour les dispositions d’ordre public » est l’œuvre de la Loi de ratification.
Le dernier alinéa n’offre à première vue guère d’intérêt en matière contractuelle dans la mesure où la loi ancienne s’applique déjà au titre de la date de conclusion du contrat. Mais, d’une part, à supposer que certaines des dispositions de la loi nouvelle trouvent à s’appliquer immédiatement, elles ne le pourraient dans les affaires faisant l’objet d’instances en cours. D’autre part, l’Ordonnance de 2016 ne concerne pas seulement la matière contractuelle, mais aussi le droit des obligations en général. Dans les autres matières, la disposition interdit d’appliquer les règles nouvelles dans lesdites instances.
2. Et d’après l’article 16, I de la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’Ordonnance (ci-après la « Loi de ratification ») :
« La présente loi entre en vigueur le 1er octobre 2018.
Les articles 1110, 1117, 1137, 1145, 1161, 1171, 1223, 1327 et 1343-3 du code civil et les articles L. 112-5-1 et L. 211-40-1 du code monétaire et financier, dans leur rédaction résultant de la présente loi, sont applicables aux actes juridiques conclus ou établis à compter de son entrée en vigueur.
Les modifications apportées par la présente loi aux articles 1112, 1143, 1165, 1216-3, 1217, 1221, 1304-4, 1305-5, 1327-1, 1328-1, 1347-6 et 1352-4 du code civil ont un caractère interprétatif. »
S’agissant de l’entrée en vigueur de l’Ordonnance et de la Loi de ratification, il s’agit respectivement du 1er octobre 2016 et du 1er octobre 2018. Quant à l’application dans le temps des dispositions du nouveau droit des contrats, elle est encore définie par les dispositions transitoires de l’Ordonnance et de la Loi de ratification, celles-là ayant d’ailleurs été modifiées en partie par celles-ci (I°). Ces dispositions transitoires ne règlent cependant pas toutes les difficultés, dans la mesure où les solutions concernant certaines « situations contractuelles » sont, en général, incertaines (II°).
I. APPLICATION DANS LE TEMPS DU NOUVEAU DROIT DES CONTRATS
3. A titre liminaire, on observera que ni les dispositions de droit transitoire de l’Ordonnance, ni celles de la Loi de ratification ne prévoient d’application rétroactive des nouvelles règles du droit des contrats – sous réserve de certaines dispositions de la Loi de ratification dites « interprétatives » de l’Ordonnance (v. infra, n° 9) et d’une modification d’une disposition transitoire de l’Ordonnance par la Loi de ratification (Art. 16, III L. ratif. ; v. infra, n°4). Ceci est important, dans la mesure où, d’après l’interprétation jurisprudentielle de l’article 2 du code civil (« La loi ne dispose que pour l’avenir ; elle n’a point d’effet rétroactif »), « la loi nouvelle ne s’applique pas, sauf rétroactivité expressément décidée par le législateur, aux actes juridiques conclus antérieurement à son entrée en vigueur » (Civ. 1ère, 9 décembre 2009, B. 242 ; Civ. 1ère, 12 juin 2013, B. 125). Point de rétroactivité, donc, dans le nouveau droit des contrats.
Au vu de ces dispositions, il convient de distinguer trois périodes.
A. Première période : contrats conclus avant le 1er octobre 2016
1. Principe : survie de la loi ancienne
4. En principe, les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 sont soumis au droit antérieur à celui de l’Ordonnance (art. 9 al. 2 Ord.), conformément aux principes de non-rétroactivité et de survie de la loi ancienne en matière contractuelle (Com., 15 juin 1962, B. 313 : « les effets d’un contrat sont régis, en principe, par la loi en vigueur à l’époque où il a été passé », de sorte qu’un décret relatif à la résiliation de contrats intervenus entre les agents commerciaux et leurs mandants ne peut s’appliquer à la rupture d’un contrat conclu antérieurement) : la validité et les effets passés d’une part (principe de non-rétroactivité) et les effets futurs d’autre part (principe de survie de la loi ancienne) relèveront en principe de la loi ancienne.
Il a été « précisé » par une disposition rétroactive de la Loi de ratification que la survie de la loi ancienne valait même pour les « effets légaux » des contrats et les dispositions « d’ordre public » du nouveau droit des contrats (art. 16, III, L. ratif.). Deux précisions s’imposent à ce sujet.
5. En premier lieu, la « théorie des effets légaux » du contrat est explicitée dans le Rapport de la Cour de cassation pour l’année 2014 : « pour déterminer si une loi doit s’appliquer immédiatement aux effets d’un contrat en cours, il importe donc de procéder à une détermination préalable : si les effets examinés résultent de la seule volonté des parties au contrat, ils échapperont à l’application de cette loi ; si, en revanche, ils ressortissent à un cadre ou à un statut légal, fruit de la volonté du législateur, dans lequel s’est inscrite la situation particulière créée par le contrat, alors, en vertu du principe souvent rappelé par la Cour de cassation selon lequel les effets du contrat sont régis par la loi en vigueur au moment où ils se produisent, on appliquera la loi nouvelle aux effets du contrat en cours »
La Cour de cassation en a fait application essentiellement en matière de baux. On a pu le vérifier, en matière de bail d’habitation, avec les dispositions de la loi ALUR (2014) (V. Cass. avis, 16 février 2015, n° 15002 ; Cass. 3e civ., 17 novembre 2016, n° 15-24552) alors même qu’il s’agissait d’aller à l’encontre de l’intention probable du législateur (les solutions sont d’autant plus remarquables que la loi ALUR énumérait les dispositions immédiatement applicables au rang desquelles ne figuraient pas celles jugées pourtant applicables par la Cour de cassation). On a également pu le constater, en matière de bail commercial, s’agissant de l’application dans le temps de la loi LME (2008) (Civ. 3e, 3 juillet 2013, B. 89 ; Civ. 3e, 18 février 2009, B. 40).
Quoi qu’il en soit, cette théorie, telle qu’elle est décrite par la Cour de cassation, n’a guère de sens : si, chaque fois que la loi nouvelle a une incidence sur les effets du contrat, elle s’applique immédiatement, il ne reste plus rien du principe de survie de la loi ancienne (Cette théorie peut avoir un sens en revanche lorsque la règle nouvelle ne concerne pas « directement » les effets d’un contrat. C’est le cas notamment de l’application immédiate de la loi no 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ayant institué une action directe au profit du sous-traitant (Ch. Mixte, 13 mars 1981, B. 3)). Quant à la référence à un « cadre » ou à un « statut » « légal », elle brille par son imprécision et n’offre aux parties aucune certitude, contrariant à l’excès leurs prévisions. Tant et si bien qu’il n’est pas impossible que l’application de la loi nouvelle à un contrat conclu antérieurement qui se recommanderait d’une telle « théorie » puisse être jugée comme portant une atteinte excessive à la liberté contractuelle et ce faisant jugée non conforme aux exigences constitutionnelles. On peut donc se féliciter que la Loi de ratification ait fait défense au juge de faire usage de cette théorie pour appliquer les dispositions du nouveau droit des contrats aux contrats conclus avant le 1er octobre 2016.
6. En second lieu, la Loi de ratification a également précisé que les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 ne pouvaient se trouver soumis aux dispositions d’ordre public de l’Ordonnance. A la lettre, cette précision est un coup d’épée dans l’eau car seules des dispositions qui relèvent d’un ordre public « impérieux » sont applicables aux contrats en cours, non les « simples » dispositions d’ordre public. Le seul caractère d’ordre public est insuffisant (Civ. 1ère, 17 mars 1998, B. 115 : les juges du fond doivent « caractériser les raisons d’une application immédiate de la loi que sa nature d’ordre public ne [peut] à elle seule justifier » ; Civ. 1ère, 4 décembre 2001, B. 307 : « en l’absence de disposition expresse de la loi prévoyant son application immédiate et à défaut de considérations d’ordre public particulièrement impératives, les contrats d’édition demeurent soumis à la loi en vigueur lors de leur conclusion »).
Toutefois, il faut dépasser la lettre du texte pour en saisir l’esprit : malgré les approximations du texte (approximations que l’on retrouve aussi parfois en jurisprudence : Civ. 3e, 9 février 2017, no 16-10350 : « l’article L. 145-7-1 [du code de commerce], d’ordre public, s’applique aux baux en cours au jour de son entrée en vigueur » (aucune référence au caractère « impérieux » de l’ordre public)), les parlementaires ont souhaité qu’aucune disposition de l’Ordonnance ne puisse s’appliquer aux contrats conclus antérieurement. Cette démarche mérite d’être approuvée dès lors qu’elle respecte pleinement les prévisions des parties et conduit à faire l’économie d’une distinction ô combien délicate entre l’ordre public « simple » et l’ordre public « impérieux » …
2. Exception : application immédiate de la loi nouvelle aux actions interrogatoires
7. Les contrats conclus avant le 1er octobre 2016 sont soumis aux dispositions nouvelles de l’Ordonnance relatives aux interpellations interrogatoires reconnues à l’égard du pacte de préférence (art. 1123 al 3 et 4), des pouvoirs du représentant (art. 1158) et de l’annulation d’un contrat (art. 1183) (art. 9 al. 3 Ord.).
Cette application « anticipée » de l’Ordonnance est peu compréhensible : elle est non seulement inopportune en ce que ces interpellations sont dangereuses pour celui qui n’y répond pas – d’autant plus que l’interrogé n’aura pas pu être renseigné sur leur sens et leur portée lors de la conclusion du contrat sous l’empire du droit ancien –, mais aussi illégitime, en ce qu’aucune considération d’ordre public ne justifie de telles dispositions transitoires.
B. Deuxième période : contrats conclus entre le 1er octobre 2016 et le 1er octobre 2018
8. Les contrats conclus après le 1er octobre 2016 sont soumis aux dispositions nouvelles de l’Ordonnance, date de son entrée en vigueur (art. 9 al. 1 Ord.) ainsi qu’aux dispositions interprétatives de la Loi de ratification qui sont énumérées dans son article 16, I al. 3.
9. S’agissant des dispositions interprétatives, il convient de rappeler qu’une loi « ne peut être considérée comme interprétative qu’autant qu’elle se borne à reconnaître, sans rien innover, un droit préexistant qu’une définition imparfaite a rendu susceptible de controverses » (v. notamment Civ. 3e, 27 février 2002, B. 53 ; Soc. 19 juin 1963, B. 515 ; Com. 2 octobre 2001, B. 156.) et que faisant corps avec la loi ancienne, elle s’applique aux situations antérieures à son entrée en vigueur, y compris aux instances en cours (Civ. 3e, 27 avril 2002, B. 53 : « ce texte, étant interprétatif, est applicable aux instances en cours à la date de la publication de la loi n° 2001-1168 du 11 décembre 2001 ».). Il importe toutefois de relever que la Cour de cassation ne s’estime pas liée par la qualification retenue par le législateur (Ass. Plén. 23 janvier 2004, B. 2 : « si le législateur peut adopter, en matière civile, des dispositions rétroactives, le principe de prééminence du droit et la notion de procès équitable consacrés par l’article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, s’opposent, sauf pour d’impérieux motifs d’intérêt général, à l’ingérence du pouvoir législatif dans l’administration de la justice afin d’influer sur le dénouement judiciaire des litiges ; (…) cette règle générale s’applique quelle que soit la qualification formelle donnée à la loi et même lorsque l’Etat n’est pas partie au procès ; (…) il ne résulte ni des termes de la loi ni des travaux parlementaires que le législateur ait entendu répondre à un impérieux motif d’intérêt général pour corriger l’interprétation juridictionnelle de l’article L. 145-38 du Code de commerce et donner à cette loi nouvelle une portée rétroactive dans le but d’influer sur le dénouement des litiges en cours ; (…) dès lors, la cour d’appel, peu important qu’elle ait qualifié la loi nouvelle d’interprétative, a décidé à bon droit d’en écarter l’application ».).
10. En contrepoint, les autres dispositions de la Loi de ratification, « non interprétatives » (art. 16, I, al. 2 L. ratif.), ne devraient a priori pas s’appliquer aux contrats conclus antérieurement à son entrée en vigueur le 1er octobre 2018 (art. 16, I al. 1 L. ratif.).
La distinction entre dispositions « interprétatives » et les autres pourrait avoir un effet pervers. Le législateur, en considérant que certaines dispositions n’étaient pas interprétatives, n’a-t-il pas nécessairement considéré qu’elles devaient conduire à retenir des solutions différentes ? A suivre un tel raisonnement, les juges seraient nécessairement tenus de retenir des solutions distinctes suivant qu’ils appliquent les règles de l’Ordonnance ou celles – non interprétatives – de la Loi de ratification. Pour ne prendre qu’un exemple, la notion de contrat d’adhésion devrait nécessairement être entendue différemment dans l’Ordonnance et dans la Loi de ratification.
Outre qu’une telle approche serait inopportune en ce qu’elle morcellerait à l’excès dans le temps le droit des contrats, elle ne serait pas davantage légitime dans la mesure où les dispositions considérées dans la loi de ratification comme non interprétatives de l’Ordonnance, le plus souvent reprennent un texte qui n’était pas clair…
C. Troisième période : contrats conclus après le 1er octobre 2018
11. Les contrats conclus après le 1er octobre 2018 sont soumis aux dispositions nouvelles de la Loi de ratification, date de son entrée en vigueur (art. 16, I, al. 1 L. ratif.).
II. LES SOLUTIONS INCERTAINES
12. On a jusqu’à présent réfléchi à l’application dans le temps du nouveau droit des contrats à un contrat, en considération de la date de sa conclusion à un instant t. Quelques cas particuliers qui pourraient soulever des difficultés méritent à présent quelque attention.
A. Contrats formés dans la durée
13. Deux séries de difficultés très différentes méritent d’être envisagées.
14. En premier lieu, s’agissant de la loi applicable aux pourparlers, par principe, il faut appliquer les règles de conflit de loi dans le temps régissant la matière extracontractuelle, dès lors que le contrat n’est pas à ce stade conclu : on retiendra ainsi en principe la loi en vigueur à la date de la réalisation du fait dommageable. Tel sera le cas pour une rupture fautive des pourparlers engagés avant l’entrée en vigueur de loi nouvelle ou encore de la révocation fautive d’une offre faite également avant. Toutefois, il faut réserver deux séries de cas particuliers. D’une part, lorsqu’un contrat régissait les pourparlers et que la difficulté peut être rattachée à ce contrat, ce sont les règles de conflit de loi dans le temps applicable en matière contractuelle qui doivent s’appliquer. D’autre part, lorsque les pourparlers entamés sous le droit ancien ont conduit à la conclusion d’un contrat sous le droit nouveau et que la question concerne un fait s’étant produit alors que le droit ancien était en vigueur mais ayant une incidence sur le contrat conclu, quelle règle de conflit de loi dans le temps retenir ? Par exemple, si un abus d’un état de dépendance a été commis avant que le nouveau droit n’entre en vigueur, peut-il être sanctionné alors qu’il ne l’était pas (ou pas de la même façon) sous l’empire du droit ancien ? Dès lors que la « situation » s’est parachevée sous l’empire du droit nouveau, c’est l’application de celui-ci qui devrait en principe l’emporter.
15. En second lieu, que décider lorsque l’une des parties a exprimé son consentement avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (ce serait le cas de l’offrant ou du promettant s’étant engagé dans une promesse unilatérale (mais pas dans une promesse synallagmatique, dès lors que celle-ci vaut contrat définitif : la loi ancienne s’appliquera), et l’autre après (ce serait le cas de l’acceptant ou du bénéficiaire de la promesse unilatérale ayant levé l’option) ? Non sans dogmatisme, on considère en général que le contrat ayant été formé après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, il est soumis à celle-ci. Une telle solution est néanmoins très critiquable, chaque fois que les parties n’ont pas entendu artificiellement empêcher l’application de la loi nouvelle (L’application de la loi ancienne pourrait être considérée comme « artificiellement » maintenue dans certaines circonstances. Par exemple, une partie qui n’est pas encore certaine de vouloir contracter mais qui est certaine de ne pas le vouloir si la loi nouvelle s’applique demande à l’autre de d’ores et déjà y consentir, de lui octroyer un délai très important pour lui permettre éventuellement de consentir plus tard à son tour, et si un tel consentement est effectivement donné, mais bien plus tard…). Prenons l’exemple d’une promesse unilatérale de vente : le contenu du contrat de promesse a été défini par les parties en contemplation d’un droit (le droit ancien) et l’on ne comprend pas que le seul fait que l’option soit levée après l’entrée en vigueur du droit nouveau suffise à emporter soumission du contrat à celui-ci. De même, comment se satisfaire qu’une personne ayant émis une offre dont le contenu a été défini en contemplation d’un droit (le droit ancien) puisse emporter la formation d’un contrat soumis au droit nouveau pour la seule raison que l’acceptation est parvenue postérieurement à l’offrant à l’entrée en vigueur de la loi nouvelle (dans ce cas, les prévisions de l’offrant seront trahies, et même celles de l’offrant si l’acceptation a été émise avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et est parvenue à l’offrant après (art. 1121 : « Le contrat est conclu dès que l’acceptation parvient à l’offrant. Il est réputé l’être au lieu où l’acceptation est parvenue. »)) ? Dans tous les cas, la soumission du contrat au droit nouveau pose des problèmes théoriques et pratiques : déjouer les prévisions de celui qui s’est engagé constitue une atteinte excessive à sa liberté contractuelle et d’inévitables difficultés d’articulation entre le contrat et le droit nouveau se poseront.
B. Prolongation d’une relation contractuelle
16. La prolongation après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle d’une relation contractuelle peut également susciter quelques hésitations.
17. Primo, la prorogation laissant subsister l’ancien contrat, le principe est celui de la survie de la loi ancienne. Mais n’y a-t-il pas quelque artifice à empêcher ainsi l’application de la loi nouvelle ?
18. Secundo, la tacite reconduction ou le renouvellement exprès emportant la formation d’un nouveau contrat, le principe est celui de l’application de la loi nouvelle (Civ. 3e, 18 février 2009, B. 45 : « après avis de la commission consultative des baux ruraux, des arrêtés du préfet du département fixent, en tenant compte des besoins locaux ou régionaux, la nature et la superficie maximum des parcelles de terres ne constituant pas un corps de ferme ou des parties essentielles d’une exploitation agricole pour lesquelles une dérogation peut être accordée aux dispositions des articles L. 411-4 à L. 411-7, L. 411-8 (alinéa 1er), L. 411-11 à L. 411-16 et L. 417-3 ; (…) la nature et la superficie maximum des parcelles à retenir lors de chaque renouvellement de la location sont celles mentionnées dans l’arrêté en vigueur à cette date (…) le bail renouvelé est un nouveau bail et (…) la nature et la superficie des parcelles susceptibles d’échapper aux dispositions d’ordre public relatives au statut du fermage doivent être appréciées au jour où le bail a été renouvelé »). Si la solution s’impose, on prendra garde à privilégier un renouvellement exprès en adaptant le contrat à la loi nouvelle plutôt qu’à le laisser tacitement se reconduire, le contrat n’étant alors plus adapté à la loi à laquelle il est soumis.
C. Modification d’un contrat
19. La modification après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle du contrat conclu antérieurement suscite d’importants doutes. Si le contrat a fait l’objet d’une novation, nul doute qu’il sera soumis, en tant que le nouveau contrat, à la loi nouvelle. Si, en revanche, il a fait l’objet d’un simple avenant non novatoire, de redoutables difficultés verront le jour. D’un côté, l’avenant est lui-même un contrat qui doit être soumis au droit en vigueur au jour de sa conclusion, c’est-à-dire au nouveau droit (au moins en ce qui concerne sa formation et sa validité) ; d’un autre, le contrat modifié ayant été conclu sous l’empire du droit ancien, on ne
voit pas pourquoi, dès lors qu’il subsiste (l’avenant n’étant pas novatoire), il devrait être soumis au droit nouveau. Faut-il alors envisager un dépeçage du contrat : les effets du contrat seront soumis au droit nouveau pour ceux qui ont été modifiés par l’avenant, les autres restants soumis au droit ancien (S. Pellet, L’avenant au contrat, th., préf. Ph. Stoffel-Munck, IRJS Editions, 2010, n° 477 s.) ? Mais est-ce seulement pratiquement concevable ? Dans le doute, la solution la plus sûre est donc de provoquer une novation du contrat, tout en réservant le cas échéant le maintien des sûretés (art. 1334 : Cette disposition prévoit, s’agissant de la novation, que « [l]’extinction de l’obligation ancienne s’étend à tous ses accessoires. » (al. 1) mais que « [p]ar exception, les sûretés d’origine peuvent être réservées pour la garantie de la nouvelle obligation avec le consentement des tiers garants » (al. 2) …
D. Actes juridiques passés en vertu d’un contrat
20. Les actes juridiques passés après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle en vertu d’un contrat conclu antérieurement renvoient à plusieurs hypothèses. On vise notamment la conclusion d’un contrat-cadre avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle et d’un contrat d’application après, mais aussi, la mise en œuvre, après l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, de prérogatives conférées par le contrat conclu avant (détermination du prix, mise en œuvre d’une clause résolutoire, etc.).
S’il ne fait guère de doute que le contrat-cadre reste soumis au droit ancien, le contrat d’application étant un nouveau contrat, il devrait être par principe soumis au droit nouveau (on a suggéré de soumettre les contrats d’application au droit nouveau « que sur les questions où il bénéficierait d’une autonomie par rapport au contrat-cadre » (Th. Le Bars, in La réforme du droit des contrats, Commentaire article par article, Gualino, 2016, p. 18)). Quant à la mise en œuvre de prérogatives découlant du contrat, il faut y voir par principe un effet du contrat conclu antérieurement et soumettre cette mise en œuvre au droit ancien.
A rapprocher : Loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations