Pas de marque sur l’ « iMessage »

CA Paris, 25 septembre 2018, RG n°17/19211

L’obtention d’un droit à titre de marque implique que le signe présente un caractère distinctif, qualité refusée à la dénomination « iMessage ».

Le caractère distinctif d’un signe est une condition de sa protection à titre de marque, le signe doit être apte à remplir la fonction de la marque d’identifier l’origine des produits et services qu’il désigne. L’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle prévoit que sont dépourvus de caractère distinctif les signes qui sont exclusivement la désignation nécessaire, générique ou usuelle du produit ou du service, ceux pouvant servir à désigner une caractéristique du produit ou du service, et notamment l’espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique, l’époque de la production du bien ou de la prestation de service, le texte réservant la possibilité d’acquérir ce caractère par l’usage.

C’est précisément en raison de l’absence de caractère distinctif que le signe « iMessage » pour désigner les produits et services suivants : « logiciels (programmes enregistrés) ; diffusion de matériel publicitaire (tracts, prospectus, imprimés, échantillons) ; Télécommunications ; informations en matière de télécommunications ; communications par terminaux d’ordinateurs ou par réseau de fibres optiques ; communications radiophoniques ou téléphoniques ; services de radiotéléphonie mobile ; services d’affichage électronique (télécommunications) ; agences de presse ou d’informations (nouvelles) ; émissions radiophoniques ; services de téléconférences ; services de messagerie électronique ; location de temps d’accès à des réseaux informatiques mondiaux ; Evaluations, estimations et recherches dans les domaines scientifique et technologiques rendues par des ingénieurs ; conception et développement de logiciels ; recherche et développement de nouveaux produits pour des tiers ; études de projets techniques ; élaboration (conception), installation, maintenance, mise à jour ou location de logiciels ; programmation pour ordinateur ; services scientifiques et technologiques ainsi que services de recherches et de conception y relatifs ; services d’analyses et de recherches industrielles », a été refusé à l’enregistrement.

Le directeur général de l’INPI avait estimé que le signe « phonétiquement identique à l’expression « e-message », sera compris par le consommateur pertinent comme désignant un message électronique, plus précisément l’objet ou la qualité des produits et services désignés et par là-même leur caractéristique, que le signe déposé ne permet pas de distinguer les produits et services du déposant de ceux d’une autre entreprise et ne remplit donc pas la fonction essentielle de la marque qui est de garantir l’identité d’origine du produit ou du service et qu’il est dépourvu de caractère distinctif ».

En conséquence, la demande d’enregistrement de la marque avait été rejetée.

La société APPLE a donc formé un recours devant la Cour d’appel (compétente pour statuer sur les recours formés contre les décisions du directeur de l’INPI), à l’appui duquel elle formulait deux arguments :

  • tout d’abord, elle avançait que le signe « iMessage » a un caractère intrinsèquement distinctif, faisant partie d’une famille de marques à préfixe « I » déposées et exploitées de manière intensive et jouissant d’une renommée pour les produits et services en cause et étant reconnu par le public pertinent comme faisant partie de cette famille de marques à préfixe « I » et comme identifiant des produits et des services multimédias informatiques et électroniques émanant d’APPLE ;
  • ensuite, elle prétendait que le signe a acquis un caractère distinctif par l’usage, en raison de la publicité qui lui a été donnée juste avant et juste après le dépôt, ainsi que de l’intensité de l’usage qui en a été fait très rapidement après ce dépôt.

Par cet arrêt,  la Cour approuve l’INPI qui a estimé que le signe sera ainsi aisément compris par le consommateur pertinent, soit le consommateur moyen de la catégorie des produits en cause, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, comme désignant un message transmis par voie électronique, c’est à dire un message envoyé au moyen de réseaux informatiques et notamment d’Internet, et que, de ce fait, le signe ne permet pas de distinguer les produits et les services proposés par la déposante en relation avec l’informatique et les télécommunications de ceux d’autres entreprises, au sens de l’article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle.

En outre, le signe « iMessage » peut servir à désigner une caractéristique d’une partie des produits et services visés à l’enregistrement, soit en décrivant l’objet des produits et services soit en définissant le moyen utilisé pour fournir les services et qu’ainsi il est dépourvu de caractère distinctif pour les produits et services en cause au sens de l’article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle.

L’argument avancé par APPLE selon lequel le signe appartiendrait à une famille de marques à préfixe « I » ne va pas davantage prospérer. Elle faisait ainsi valoir que ces marques, déposées et exploitées de manière intensive et jouissant d’une renommée à l’échelle planétaire (iPad, iPod, iPhone, iMac, iBooks, iTunes…), de sorte que le public pertinent serait apte à reconnaître le signe « iMessage » comme faisant partie de cette famille de marques ajoutant que toute marque d’APPLE à préfixe « I » est automatiquement reconnaissable comme une indication de l’origine commerciale des produits et services et qu’une marque telle qu’ « iMessage » remplit ainsi ab initio la fonction essentielle de la marque.

Or, selon la Cour, une partie des marques dont se prévaut la société requérante débutent par un « i » minuscule, différent du « I » majuscule entrant dans la composition du signe contesté, et que seuls quelques documents parmi ceux produits par la requérante font état de la lettre « i » (et non la lettre « I ») comme un signe de reconnaissance de la société APPLE.

Aussi, il n’est pas démontré que la présence, au sein du signe « iMessage », de la lettre « I » en attaque amène le consommateur pertinent à identifier les produits et services couverts par la demande d’enregistrement comme provenant de la société APPLE.

La société APPLE tentait également de justifier de l’acquisition du caractère distinctif du signe litigieux par l’usage qui en avait été fait. Cela nécessite d’établir un usage continu, intense et de longue durée, à titre de marque – c’est à dire pour identifier les produits et services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée auprès du public pertinent (en l’espèce le public français).

Le caractère distinctif doit avoir été acquis par l’usage de la marque avant le dépôt de la demande d’enregistrement.

La Cour va considérer que les pièces produites à l’appui de cet argument ne démontrent pas l’usage du signe « iMessage » à titre de marque, ni la capacité d’une partie significative du public pertinent à identifier les produits et services concernés comme provenant de la société APPLE, et approuve la décision de refus d’enregistrement de la marque dès lors que  l’usage du signe « iMessage » à la date du dépôt n’était pas suffisamment établi pour compenser l’absence de distinctivité intrinsèque de ce terme.

L’arrêt confirme ainsi que la dénomination « iMessage » ne pouvait constituer une marque valable.

A rapprocher : Article L.711-1 du code de la propriété intellectuelle ; Article L.711-2 du code de la propriété intellectuelle

Sommaire

Autres articles

some
Publication d’un avis de la Commission Supérieure du Numérique et des Postes portant recommandations dans le domaine de la sécurité numérique
La CSNP a publié [...] un avis portant recommandations dans le domaine de la sécurité numérique, et plaidant notamment pour la création d’un parquet national consacré à la cybercriminalité et pour la création d’un dispositif dédié au paiement des rançons
some
Le Conseil d’Etat se prononce sur la conservation des données de connexion à des fins de sauvegarde de la sécurité nationale
Dans une décision en date du 21 avril 2021, le Conseil d’Etat s’est prononcé sur la conformité du droit français au droit européen en matière de conservation des données de connexion par les fournisseurs de services de communications électroniques.
some
La cour d’appel de Paris apporte des précisions sur le régime applicable en matière de violation de licence de logiciel
La cour d’appel de Paris a, dans un arrêt du 19 mars 2021, considéré que la violation d’un contrat de licence de logiciel ne relevait pas de la responsabilité délictuelle mais de la responsabilité contractuelle.
some
La Commission européenne apporte des éclaircissements concernant les transferts de données personnelles vers le Royaume Uni
La Commission européenne a annoncé avoir engagé des démarches pour autoriser de façon générale les transferts de données à caractère personnel vers le Royaume Uni en publiant le 19 février 2021 deux projets de décisions dites « d’adéquation ».
some
Le révolutionnaire avis client
À l’heure où le marketing traditionnel est remis en cause, l’importance de l’avis client est grandissante. 88 % des internautes consultent les avis clients avant un achat en ligne et 73 % avant un achat en boutique .
some
Blocage de sites proposant des produits contrefaisants
En cas d’atteinte à une marque, le titulaire de celle-ci peut solliciter des mesures de blocage d’accès à des sites internet auprès des FAI sur le fondement de l’article 6-I-8 de la LCEN.